04 mai 2013

Une mutation des fins et des moyens de notre société


Tous nos problèmes majeurs: chômage, immigration, culture et sens de la vie, violence et guerre, découlent d'un seul problème fondamental: la déchirure post-coloniale du monde...
"Ce monde où des fous mènent des aveugles", écrivait Shakespeare dans le Roi Lear, à cette époque de la Renaissance où débutaient ces dérives de l'Occident dont nous vivons aujourd'hui la "fin de partie".
A ce monde du non-sens, à cette nouvelle défaite de l'homme, aggravée par la puissance technique de la barbarie informatisée, il s'agit d'opposer l'alternative d'une conversion à l'humain.
Quatre objectifs sont prioritaires pour réaliser cette mutation à la fois des fins et des moyens de notre société:
1. Eveiller à  une réflexion populaire critique sur les raisons de vivre et sur les fins de notre commune histoire. A contre-courant de l'individualisme du "chacun pour soi", faire prendre conscience à tous que chacun est personnellement responsable du destin collectif. L'unité et l'interdépendance, de la technique à l'économie, de l'écologie à la culture, est devenue telle qu'aucun problème ne peut être résolu à partir d'une seule nation, d'une seule église, d'un seul parti, d'une seule ethnie.
2. Prendre conscience de cette unité voulue et non subie à l'échelle du monde. Un changement radical de nos rapports avec le tiers-monde afin d'inverser les méthodes de contrainte dévastatrices du Fonds monétaire international, est la clé de nos problèmes majeurs.
Ceux du chômage, par reconversion de notre appareil économique pour répondre à nos besoins réels et à ceux du tiers-monde.
Ceux de l'immigration, qui deviendront, si les disparités actuelles continuent de s'aggraver, une invasion de la misère.
Ceux de la culture, si les prétentions de l'Occident à la supériorité et à la fausse universalité de ses modèles de croissance et de culture s'effacent pour s'ouvrir aux autres cultures, dans un désir de fécondation réciproque et si cesse la destruction, par la domination coloniale, des développements endogènes.
3. L'obstacle principal est le monothéisme du marché, avec ses deux fondements idéologiques: le mythe de la modernité et le mythe de la démocratie. Pour l'abattre, peuvent se conjuguer les efforts de tous ceux pour qui la vie a un sens: foi en Dieu ou foi en l'homme.
4. Le changement de notre mode de vie ne se fera pas par une prédication moralisante et par une conversion subite, mais par une progressive reconversion de notre production et de notre écomomie entière. Avec la participation de tous ceux qui ne vivent pas de spéculation parasite et de corruption, mais de créations et de productions réelles au service de la communauté.

Roger Garaudy, "Les fossoyeurs. Un nouvel appel aux vivants", L'Archipel, 1992, pp 181-182