25 mai 2018

Une rechute du stalinisme (1)


Après l'intervention militaire en Tchécoslovaquie (aout 1968), Garaudy et Aragon sur la même ligne:


« UNE RECHUTE DU STALINISME »
Roger Garaudy, lui, avait manifesté sa désapprobation
publiquement dès la fin août. C'était juste après l'« accord » intervenu entre les Tchécoslovaques et les Soviétiques à Moscou. L'accord-diktat, qui parle notamment de « stationnement temporaire » des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie, est accueilli avec un «ouf !» de soulagement par le PCF qui, dans u n communiqué de son BP, le considère comme «un
fait positif». Roger Garaudy ne l'entendit pas de cette oreille et fit une déclaration à l'agence de presse tchécoslovaque CTK dans laquelle il affirmait, en contradiction avec la position du PCF, que « la seule solution est le retrait sans conditions de
toutes les troupes étrangères occupant actuellement la Tchécoslovaquie».
Et Garaudy concluait : « Ce qui est en cause, c'est une
rechute du stalinisme, dans la théorie et dans la pratique, de la
part des dirigeants soviétiques qui ont voulu trop vite tourner la
page du XXe Congrès. »
Le 5 octobre 1968, l'Humanité s'en prend à Garaudy qui
vient de signer une préface à la Liberté en sursis - Prague 1968,
un recueil de textes de dirigeants du PCT. Le directeur du
Centre d'études et de recherches marxistes (CERM) est accusé
de « rompre avec la discipline léniniste d'un parti communiste »,
celle qui condamne un « minoritaire » au silence.

Mais Roger Garaudy recommence sur l'antenne d'Europe I,
à la mi-octobre, quelques jours avant la séance du CC qui lui
infligera un « blâme public ». « Si je parle ici ce soir, c'est que  je
n'ai pu répondre ailleurs», affirmait-il en visant l'Humanité.
Bien informé — par qui ? — Raymond Barrillon commentait
ainsi dans le Monde: «Faut-il envisager une prochaine
éviction du Bureau politique du directeur du CERM ? Évitera-t-
on d'aller jusque-là, et l'offensive a-t-elle seulement pour but de
satisfaire et d'apaiser les " inconditionnels" du prosoviétisme, au
nombre desquels on cite avec une insistance croissante, ici et là,
Mm e Jeannette Thorez-Vermeersch, que le P C F n'avait pas
représentée aux élections sénatoriales du 22 septembre ? »

[…Il faut tout de même signaler les deux interventions de l'intouchable Aragon. Dans unéditorial des Lettres françaises, il lance :
« J'appelle un chat un  chat. » Ripostant à une attaque de la moscovite Literatournaïa Gazeta, le poète membre du CC écrivait: « Je ne suis
absolument pas sûr que le ridicule soit du côté des communistes
français, italiens, espagnols, entre autres, mais en tout cas, j'ai la
certitude que l'odieux est du côté de ceux qui donnent un nom
mensonger à l'invasion brutale de la Tchécoslovaquie, à la
rupture insolente de la fraternité entre les partis communistes, au
recours à la force comme méthode de discussion (...)»
Les Lettres françaises publieront aussi la préface qu'Aragon a
écrite au roman de Milan Kundera, la Plaisanterie, dont la
traduction française venait d'être publiée, préface surtout
connue par son célèbre : « Je me refuse à croire qu'il va se faire
là-bas un Biafra de l'esprit ! »
« Et voilà qu'une fin de nuit , écrivait le romancier, au
transistor, nous avons entendu la condamnation de nos erreurs
perpétuelles. Que disait-elle, cette voix d'ombre, derrière les
rideaux encore fermés du 21 août à l'aube? Elle disait que
l'avenir avait eu lieu, qu'il ne serait plus qu'un recommencement.
Cette voix qui depuis ne se tait plus, qui impose d'appeler vertu le
crime, qui appelle aide au peuple de Tchécoslovaquie l'intervention
brutale par quoi le voilà plongé dans la servitude. Cette voix
du mensonge, qui prétend parler au nom de ce qui fut un
demi-siècle l'espoir de l'humanité. Par les armes et le vocabulaire,
ô mes amis, est-ce que tout est perdu ? »

"KREMLIN PCF.Conversations secrètes"
Olivier Orban
© 1984, Olivier Orban

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