10 juin 2017

Lire Garaudy



Roger Garaudy dans les rues de Cordoue.
Photo Sygma/James ANDANSON
Si vous ne vous en tenez pas généralement à ce que l'on dit des gens, si vous préférez aller à la source quand l'air de la calomnie et celui de la bêtise sont sur scène, si chez un auteur vous voulez connaître l'essentiel de son oeuvre et aussi les quelques pages qui indisposent certains et sous couvert d'une loi de circonstance (dixit Jacques Toubon, peu suspect de "garaudisme") frappent l'auteur du sceau  infamant de "négationniste"- pages dont il aurait pu cependant à mon avis se passer (lire l'article: http://rogergaraudy.blogspot.fr/2012/08/ombres-et-lumieres.html) - , alors vous pouvez, vous devez lire Garaudy.

Voici un philosophe facile à comprendre. Il n'utilise jamais le "jargon" philosophique. Il s'adresse à toutes et tous, et non à des initiés. Ceux qui ont assisté à ses cours ou à ses conférences en témoignent: sa pensée, complexe, érudite parfois, synthétique toujours, est énoncée clairement. Du
professeur, il a gardé l'esprit pédagogue, une volonté de convaincre, une élégance de l'expression et le sens de la formule qui frappe l'esprit, coeur et intelligence.
A Berlin en 1984. Photo Kindermann


Dans l'ardeur de sa plaidoirie et le désir d'être le plus clair possible, Roger Garaudy a souvent
"le verbe tranchant", ce qu'il reconnaissait. Mais il pose les problèmes à partir d'une position radicale, au sens que Marx (dont il connait bien l'oeuvre, il fut notamment directeur du centre d'Etudes et de Recherches marxiste) donnait au mot "radical": prendre les choses à leur racine. Lisez Garaudy et vous verrez que ce radicalisme, qui va parfois très loin, vous amène, même si vous ne le voulez pas au départ, à vous demander à propos de la question soulevée: s'il avait raison ? s'il disait la vérité ? s'il y avait dans ses propositions (car Garaudy ne se contente pas de critiquer, il propose toujours) une part de la réponse ?

Les questions que Roger Garaudy a posées depuis longtemps sont des questions d'aujourd'hui. Elles n'ont pas reçu de réponses à ce jour et les éléments proposés par Garaudy sont loin d'être dépassés ou hors-sujet, ils prennent même avec l'actualité récente (reflux massif du politique et retour du religieux, terrorisme islamiste et
takfiriste, ingérences occidentales agressives dans le monde, écologie et survie de la planète et de l'homme, etc.)  un intérêt accru.

Quel est le but de l'organisation sociale et quel est le sens de nos vies sous le règne du monothéisme du marché engendré par le capital ? Incorporer dans Marx une forme de transcendance (Garaudy, avec l'appui du plus grand dirigeant communiste français  Maurice Thorez, impulsa le dialogue chrétiens-marxistes) , est-ce possible, pourquoi, quelle importance ? Ce dialogue a-t-il été mené aussi loin qu'il pouvait l'être, ne faut-il pas le reprendre sous une forme nouvelle ? Garaudy a maintes fois posé et traité en profondeur ce problème sous différents aspects: les religions divisent alors que la foi unit, que faire ? Allons-nous vers une guerre de religion, si oui est-elle celle que l'on  veut nous faire croire ? Pourquoi rejeter du même élan la bigoterie athée et la bigoterie
religieuse ? Les intégrismes, politiques et religieux, que sont-ils et comment les combattre ? Dépasser le soi-disant exceptionnalisme occidental par le dialogue des civilisations (il fonda et dirigea l'Institut International pour le Dialogue des Civilisations) , dépasser les partis (sans les combattre) par les réseaux, dépasser l'idéologie des droits de l'homme par une politique des devoirs ? Voilà quelques-unes des constantes de l'oeuvre et de l'action de Roger Garaudy, par-delà les communautés (communiste, chrétienne, musulmane) dans lesquelles elles se sont incarnées aux différentes étapes de sa vie.

Cette oeuvre et cette action valent évidemment bien mieux que cette courte invitation à les découvrir.
Il ne s'agit pas sur ce blog de disperser les cendres de Roger Garaudy mais, pour adapter une formule empruntée à Jaurès (Jaurès dont il avait occupé le siège de Député à Carmaux) et qu'il citait souvent, d'inviter chacun en toute lucidité à ranimer et faire vivre sa flamme.

AR © Droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation