29 avril 2017

L'art et l'engagement, par Camille Loty-Malebranche

Emil Nolde-La Cène-1909
L'engagement est un fait immanent à l'art, à l'écart de tout nomos, au-dessus de toute norme. 

Toute écriture sérieuse est engagée, le reste, n'est que papotage, assouvissements et gloussements de poules, agitations de galliformes qui caquètent. Mais attention, l'engagement est pluriel, aussi pluriel que la vie et ses champs. On peut être engagé dans l'expression de ses convictions spirituelle, amoureuse, érotique, esthétique et non seulement en politique, en société... Toutefois, un engagement est ubiquitaire en littérature comme en toute chose: c'est l'affirmation avouée ou non d'une morale par delà la logique de l'action. L'homme, parce qu'il ne peut ne pas juger, se juger et projeter son jugement dans ce qu'il signifie en agissant, exprime d'une manière ou d'une autre, son engagement moral.  

De fait, toute activité humaine, toute vie d'homme est engagée, c'est à dire prend parti, se positionne.

Nous sommes tous à un niveau ou à un autre, des extrémistes puisque nous prenons position, nous choisissons. Or tout choix est extrême vis-à-vis de ce qu'on rejette ou ne choisit pas.

Le tact de l'extrême équilibré, c'est de savoir se situer au juste milieu de son choix, évitant de le faire agressant contre ceux d'en face.

L'amorphisme est option réactionnaire, sauf si mystique, assumé comme posture religieuse où il constitue une manière d'adhésion particulière et cultuelle de la conscience aux sphères de transcendance signifiées par le reniement au monde.

La neutralité, la passivité est un euphémisme du nihilisme inconscient, de la soumission à l'ordre en cours, positionnement servile face au courant dominant. C'est l'à vau-l'eau du niais jouant les sages. C'est la libation de soi moulé au contenant globalisant du système régnant. C'est la présence absente d'esprits liquides inaptes à avoir leur propre forme et se laissant emporter comme pailles par le vent prédominant qui leur impose et imprime, sans résistance, mouvement et direction.

Pour revenir à l'écriture littéraire, si, par exemple, nous considérons un poème
Kandinsky-Improvisation 30- Les canons-1913
d'amour, chose subjective par excellence, c'est toujours un acte très engagé, car il draine toutes les passions du scripteur et les communique.
C'est un engagement par le verbe à communiquer ce que l'on vit et éprouve, comme une forme universelle du fait d'aimer! De la passion foudroyante incontenable, l'incoercible et dévorante énergie de l'amour...
 
 
L'engagement littéraire, comme de tout art, est un cri de l'homme transcendant par l'intuition de son infinitude possible, les finitudes grises et triviales d'un monde qui s'efface. Ce n'est jamais, même inconsciemment, que la face de l'hypostase supracharnelle et extramatérielle qu'est l'Esprit.