09 janvier 2017

Autour du procès des "Mythes fondateurs de la politique israélienne".



Quelques ARTICLES DU MONDE (classés du plus récent au plus ancien) autour du PROCES DES « Mythes fondateurs de la politique israélienne »

Critiqué, jugé, sanctionné pour ses thèses en France, l'ancien théoricien du PC est décoré et louangé dans les pays arabes
LE MONDE | 01.03.1998
par MOUNA NAIM

L'ÉCRIVAIN français Roger Garaudy, qui a été condamné à 120 000 francs d'amende pour « contestation de crimes contre l'humanité » et « diffamation raciale », a trouvé d'ardents défenseurs dans de nombreux pays arabes et en Iran.
M. Garaudy, qui était poursuivi pour son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, s'est ainsi vu décerner pour son oeuvre, il y a quelques jours, la médaille de la prédication islamique, la plus haute distinction islamique en Egypte, par le ministre de la culture.
L'ampleur de la sympathie manifestée à l'égard de M. Garaudy par des intellectuels et des hommes politiques arabes et iraniens est d'autant plus surprenante que son oeuvre n'est connue que par une poignée de lecteurs. Même enrobé dans des justifications telles que la défense de la liberté d'opinion et d'expression qui plus est dans des pays où ces libertés fondamentales sont de vains mots , ce mouvement reflète une méconnaissance totale des faits ainsi qu'un mélange confus d'exaspération générale à l'égard d'Israël et du sionisme et de défense de l'identité musulmane.
Les mois de janvier et de février ont été particulièrement fastes pour l'ancien théoricien du Parti communiste français converti à l'islam. Du Caire à Téhéran, en passant par Damas, Amman, Beyrouth, les territoires autonomes palestiniens, Abou Dhabi et Tripoli, la mobilisation en sa faveur fut surprenante. L'Union des avocats arabes a lancé une campagne de pétitions pour le soutenir et des avocats se sont portés volontaires pour participer à sa défense.
L'APPUI DE L'IRAN
Roger Garaudy a également eu droit au soutien du mufti de Syrie, Cheikh Ahmad Kaftaro, et a été reçu par Cheikh Mohamad Sayed Tantaoui, l'imam d'El Azhar, la plus éminente institution de l'islam sunnite. Il a été invité par les ministères égyptien et qatari de la culture, qui lui ont organisé des rencontres avec le public. L'épouse du président de l'Etat des émirats arabes unis lui a fait don de 50 000 dollars (environ 300 000 francs).
Le pouvoir iranien, toutes tendances confondues, lui a apporté son appui. Le président du Majlis (Parlement), Ali Akbar Nategh Nouri, s'est indigné de l'attitude des défenseurs occidentaux des droits de l'homme qui acceptent la tenue d'un procès Garaudy alors qu'ils fustigent la condamnation à mort, par une fatwa de l'imam Khomeiny, de l'écrivain britannique Salman Rushdie, dont l'ouvrage, les Versets sataniques, a été jugé blasphématoire pour l'islam.
L'opposition n'a pas été en reste. Le Mouvement pour la libération de l'Iran de l'ancien premier ministre Mehdi Bazargan a exprimé son soutien aux « idées antisionistes » du prévenu français.
Si cet engouement s'est amplifié à l'approche du jugement du tribunal de Paris, il avait en réalité commencé durant l'été 1996. Rien n'avait pu freiner la naissance de ce mouvement de sympathie, même si certains intellectuels s'étaient alors indignés des amalgames et avaient lancé des mises en garde contre la confusion des genres et les dérives prévisibles (Le Monde du 21 août 1996).
L'un de ces derniers, Samir Kassir, s'étranglait presque, dans un article publié la semaine dernière par le quotidien libanais El Nahar, de voir Roger Garaudy assimilé à Zola.
Le mouvement de soutien au philosophe français « est une campagne folle qui ignore les données de l'affaire dont elle prétend prendre acte. Elle ne prend même pas en considération la personnalité de celui à qui elle apporte son soutien, écrivait l'auteur. Il ne suffit pas que Roger Garaudy soit pro-arabe pour qu'il soit respectable (...). Garaudy a si souvent changé d'idéologie qu'on est sûr que la droiture n'est pas l'une de ses qualités. Il n'est pas non plus un démocrate mis à l'écart. » « L'intellectuel engagé [arabe], ajoutait Samir Kassir, se doit de dire que les six millions de victimes juives sont les martyrs d'un crime commis par l'Occident et dont nous sommes tenus de respecter la mémoire plus que quiconque sans pour autant accepter qu'elles soient utilisées pour bafouer nos droits... Faisons le avant que nous sombrions dans la décadence. »
MOUNA NAIM







Un libraire genevois condamné pour avoir vendu un livre de Roger Garaudy
LE MONDE | 25.02.1998 

GENÈVE. Poursuivi pour « discrimination raciale », un libraire de Genève a été condamné, lundi 23 février, à 1 000 francs suisses (4 000 francs) d'amende pour avoir mis en vente un livre de Roger Garaudy « niant et minimisant grossièrement le génocide juif durant la seconde guerre mondiale ». Dans son jugement, le tribunal considère que l'accusé n'a pas mis en garde ses clients contre « les thèses révisionnistes » du livre, Les Mythes fondateurs de la politique israélienne. Alors que le procureur avait réclamé une peine de 3 500 francs suisses, les juges ont tenu compte du fait que le vendeur a agi « comme l'un des derniers maillons de la chaîne ». Le 8 décembre 1997, le diffuseur en Suisse de l'ouvrage avait été condamné à quatre mois de prison avec sursis par un tribunal de Vevey. (Corresp.)








PROCÈS GARAUDY : Le président iranien, Mohammad Khatami, a critiqué le procès de l'écrivain français Roger Garaudy.
LE MONDE | 21.01.1998 

Le président iranien, Mohammad Khatami, a critiqué, mardi 20 janvier, le procès de l'écrivain français Roger Garaudy, jugé en France pour contestation de crimes contre l'humanité. « Les gouvernements occidentaux ne tolèrent pas qu'on s'oppose à leurs intérêts, et c'est pourquoi l'Occident juge un érudit pour avoir écrit un livre sur les sionistes », a souligné M. Khatami. (AFP.)
Les défenseurs de Roger Garaudy s'attaquent à la loi Gayssot
LE MONDE | 18.01.1998
par ACACIO PEREIRA

 « UNE LOI de circonstance, scandaleuse, liberticide, scélérate, raciste, fasciste. » L'avocat Jacques Vergès n'a pas trouvé d'épithètes plus forts pour qualifier la loi Gayssot qui permet de poursuivre quiconque nierait les crimes contre l'humanité commis par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale. C'est en vertu de ce texte [en fait l'article 24bis de la loi du 29 juillet 1881] que son client, le philosophe Roger Garaudy, comparaît depuis le 8 janvier devant la dix-septième chambre correctionnelle de Paris pour « complicité de contestation de crimes contre l'humanité».
Dès le premier jour de ce procès, Me Jacques Vergès avait vilipendé l'article 24bis. Ces nouvelles attaques, qui charpentaient, vendredi 16 janvier, l'essentiel de sa plaidoirie, n'ont donc étonné personne : ni le tribunal, ni les parties civiles, ni surtout un public largement acquis à la thèse qu'il s'apprête à défendre. « C'est par définition une loi d'exclusion de tous les génocides sauf de celui des juifs », explique-t-il avant de se tourner vers les avocats des parties civiles. « Quand vous nous parlez de Nuremberg, lance-t-il, pensez un peu aux autres, aux Aborigènes d'Australie, aux Tasmaniens, le génocide le plus parfait de l'Histoire, aux Ethiopiens, contre qui on a utilisé des gaz toxiques pendant la guerre, aux soldats polonais de Katyn, aux femmes et enfants de Hiroshima, aux victimes de la répression coloniale... »
La veille, Me Christian Charrière-Bournazel, l'un des avocats des parties civiles, avait évoqué la spécificité du génocide juif : « On a tué des juifs simplement parce qu'ils étaient juifs. » « FIGER l'HISTOIRE »
Mais Jacques Vergès n'en démord pas. « Non seulement cette loi heurte le principe d'égalité mais aussi le principe de liberté d'opinion, poursuit-il. Toute décision peut être discutée, sauf celles de Nuremberg. Cette loi prétend figer l'Histoire alors que l'Histoire est perpétuelle révision. En l'acceptant, on accepte de se mettre au service d'une vision officielle des choses. »
A en croire Jacques Vergès, son client serait donc victime d'une « discrimination », d'un « procès en sorcellerie ».
Le jugement sera rendu le 17 février.
ACACIO PEREIRA

Une amende de 150 000 francs est requise contre Roger Garaudy
LE MONDE | 17.01.1998
ACACIO PEREIRA
IL Y AVAIT foule, jeudi 15 janvier en début d'après-midi, devant la dix-septième chambre correctionnelle de Paris où le philosophe Roger Garaudy comparaît pour « complicité de contestation de crimes contre l'humanité ». Pour ce troisième jour d'audience, il a fallu filtrer les entrées, la salle ne permettant pas d'accueillir tous ceux qui patientaient à l'extérieur. Des journalistes de pays arabes sont venus grossir les bancs de la presse. Des avocats marocains et égyptiens sont arrivés en renfort pour assurer la défense du prévenu. Rien de très étonnant, depuis que, le week-end dernier, des journaux et des écrivains du Proche-Orient ont pris fait et cause pour le philosophe français, multipliant textes de soutien et campagnes de donations (Le Monde du 13 janvier).
Interrogé une nouvelle fois sur certains passages de son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, paru en décembre 1995 dans la revue révisionniste La Vieille Taupe, puis à compte d'auteur au printemps 1996, Roger Garaudy maintient son système de défense, affirmant que son propos n'était pas de mettre en cause les juifs, mais d'attaquer la politique sioniste de l'Etat israélien. « Je vais me répéter pour la quatre-vingtième fois, on me prête une intention dont j'ai répété mille fois qu'elle n'était pas la mienne », affirme-t-il. « RENIEMENT PERPÉTUEL » « Roger Garaudy est l'homme du reniement perpétuel, estime Me Jean-Serge Lorach, premier avocat à plaider pour les parties civiles. Il a cautionné toutes les grandes impostures de ce siècle, les deux totalitarismes, en passant de la peste rouge à la peste noire. C'est bien les juifs qu'il vise, et pas le sionisme. Il a repris à son compte les thèses négationnistes sans les passer à la moulinette du raisonnement ou de la contradiction. » « Ce que je vois ici, c'est une nouvelle forme d'antisémitisme, un militantisme raciste, de combat, vindicatif, revanchard, organisé pour provoquer ce procès », surenchérit Me Charles Korman pour la Licra. Rappelant que l'on commémore en ce moment la prise de position d'Emile Zola dans l'affaire Dreyfus, l'avocat y voit une certaine ironie de l'histoire : « Alors que Zola dénonçait l'antisémitisme, Roger Garaudy vient armer le bras de l'antisémitisme. »
Pour l'association Avocats sans frontière, Me Gilles-William Goldnadel avertit le tribunal qu'il va s'attacher à « tordre le cou aux mythes fondateurs de la pensée du prévenu ». « Ce n'est pas une personnalité éblouissante qui aurait ``disjoncté`` au soir de sa vie, dit-il. Il a toujours été et reste un révisionniste. L'antisionisme, selon Roger Garaudy, ne serait pas un antisémitisme. Mais, l'antisionisme viscéral est de l'antisémitisme précisément parce qu'il est viscéral. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, pas une goutte de sang juif qui n'ait coulé à cause de l'antisionisme. Ceux qui tiennent les mains de ces gens-là, ce sont les révisionnistes. A eux de tourmenter les morts, aux antisionistes de tuer les vivants. » « LA VÉRACITÉ DES SOURCES »
Dans son réquisitoire, François Reygrobellet, substitut du procureur de la République de Paris, explique qu'il ne comprend pas « pourquoi la critique de la politique de l'Etat d'Israël devait absolument passer par la négation des crimes contre l'humanité ». « La recherche historique n'a pas attendu Roger Garaudy pour s'interroger. Ce livre est un document unidimensionnel où n'est développée qu'une seule thèse », poursuit-il en reprochant au prévenu de ne pas avoir respecté les principes élémentaires et les méthodes du travail de l'historien . « Il faut s'assurer de la véracité des sources et ne pas en oublier, poursuit-il. Or, là, on en a oublié. »
Contre Roger Garaudy, M. Reygrobellet requiert une peine « qui ne soit pas inférieure » à 50 000 francs d'amende pour la première édition de son livre, paru dans La Vieille Taupe, ni inférieure à 100 000 francs pour la seconde édition, publiée à compte d'auteur.
Contre Pierre Guillaume, poursuivi pour « contestation de crimes contre l'humanité » en tant qu'éditeur de La Vieille Taupe, le représentant du ministère public réclame une peine « qui ne soit pas inférieure » à 150 000 francs et six mois d'emprisonnement avec sursis.
Le procès devait se poursuivre, vendredi 16 janvier, avec les plaidoiries des avocats de la défense.
ACACIO PEREIRA
Le philosophe antisioniste Roger Garaudy reçoit le soutien de journaux arabes
LE MONDE | 13.01.1998
par ACACIO PEREIRA

DES MANIFESTATIONS de solidarité au philosophe français Roger Garaudy, poursuivi devant la dix-septième chambre correctionnelle de Paris pour « complicité de contestation de crimes contre l'humanité », se sont multipliées ce week-end au Proche-Orient. Samedi 10 janvier, le syndicat des journalistes égyptiens a estimé dans un communiqué que M. Garaudy était « jugé conformément à une loi antidémocratique [la loi Gayssot] qui interdit la liberté de recherche sur certains aspects de l'histoire de la deuxième guerre mondiale ».
Le lendemain, dans un encart publié à la une, Al Khaleej, un quotidien des Emirats arabes unis, a appelé ses lecteurs à adresser des dons et des messages de soutien à M. Garaudy, « poursuivi par les organisations du lobby sioniste en France ». Le journal invite ses fidèles à verser au philosophe « des contributions pour [lui] permettre de continuer à s'opposer à l'influence des sionistes en France et à répandre ses idées qui réfutent les allégations sionistes et dévoilent la politique agressive d'Israël ». Poursuivi pour certains passages de son livre, Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, publié en décembre 1995, le philosophe risque jusqu'à un an d'emprisonnement et 300 000 francs d'amende.
Au Qatar, un « comité de soutien à Roger Garaudy » a annoncé son intention de mener une campagne de presse et de recueillir des donations. Ce comité doit organiser un meeting de soutien au cours duquel des personnalités et des dignitaires religieux prendront la parole. A cette occasion, Roger Garaudy devrait prononcer une allocution retransmise en direct par satellite. L'association des écrivains palestiniens a également publié, dimanche 11 janvier, à Jérusalem-Est, un communiqué dans lequel elle lui apporte son soutien. « Nous, écrivains et poètes, exprimons notre solidarité avec le penseur et l'homme de lettres Roger Garaudy pour son combat courageux en faveur de la liberté de création », peut-on y lire. Converti à l'islam, Roger Garaudy a toujours été un défenseur de la cause palestinienne.
Après la sortie de son livre, le philosophe avait déjà bénéficié du soutien d'intellectuels arabes et avait fait une tournée dans plusieurs pays pour présenter son ouvrage (Le Monde du 21 août 1996). Il avait été invité à Beyrouth par le Forum nationaliste arabe, en Syrie par le ministère de l'information et en Jordanie par l'Association des écrivains. A l'époque, des intellectuels libanais avaient pourtant publié des textes critiques. « L'idée d'exterminer les juifs ne porte-t-elle pas en elle le germe de l'extermination de toute autre race ou peuple ? », interrogeait par exemple Elias Khoury, rédacteur en chef du supplément hebdomadaire du quotidien El Nahar. Au Maroc, Roger Garaudy s'était vu interdire l'entrée d'une université. « Cela ne m'a pas empêché de signer plus de deux mille dédicaces », a-t-il précisé, vendredi 9 janvier, devant le tribunal.
ACACIO PEREIRA

Roger Garaudy « doute » toujours de l'existence des chambres à gaz
LE MONDE | 11.01.1998
par ACACIO PEREIRA

ROGER GARAUDY n'est jamais à court d'arguments. Au deuxième jour de son procès devant la dix-septième chambre correctionnelle de Paris, où il comparaît pour « complicité de contestation de crimes contre l'humanité », le philosophe doit s'expliquer sur des passages de son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, paru en décembre 1995. Chaque phrase est minutieusement disséquée par le président Jean-Yves Montfort. « Que voulez-vous dire ? », répète-t-il inlassablement après la lecture des passages incriminés. Il faut savoir, enfin, si la prose garaudienne constitue bien une négation de la Shoah.
Il y a d'abord le terme « mythe », que Roger Garaudy utilise à plusieurs reprises : « mythe de la promesse », « mythe des six millions de juifs exterminés », « mythe de la justice de Nuremberg », « mythe de l'holocauste ». « Vous vous appliquez à démontrer qu'il n'existe aucun texte permettant d'établir les ordres d'extermination des juifs, qu'il n'y a pas d'ordre écrit de Hitler, explique le président Montfort. Mais l'idée qui se dégage à la lecture c'est que vous tentez de réfuter les éléments que les exterminationnistes opposent aux négationnistes. Qu'en est-il ? » « Je reprend des textes écrits par des historiens israéliens et qui démontrent que cet ordre n'a jamais été donné. Raymond Aron, François Furet, eux aussi, en conviennent. » Ce sera une constante de la défense de Roger Garaudy. A chaque nouvelle interrogation, il brandit toutes prêtes ce qu'il présente comme des références à des textes publiés par des historiens peu soupçonnables de sympathie envers le régime nazi. « On a le sentiment que vous tournez en dérision ceux qui pensent le contraire, reprend le président. Votre conviction paraît faite. Quand vous parlez de ``solution d'ensemble`` et de ``solution finale``, on a l'impression que vous avez fait un choix. Pour vous, il s'agit d'une solution finale territoriale. » « Le président du tribunal de Nuremberg lui-même a présenté ses excuses pour s'être trompé dans la traduction du mot allemand », assure Roger Garaudy. Le président : « Vous parlez d'« hypothèses surréalistes » lorsque vous évoquez l'extermination des juifs. » Et Roger Garaudy d'inonder le tribunal d'autres références. « Ce n'est pas moi qui interprète », affirme-t-il.

INDIGNATION
Le président : « Vous prenez des textes sur les chambres à gaz pour les mettre à mal, vous démontez le témoignage de certains prisonniers du camp d'Auschwitz. Est-ce cette lecture-là qu'il faut retenir ? » « Ce qui est bien cela, c'est ce qu'en ont dit des gens qui ne sont pas moi, répond le philosophe. Je regrette qu'il ait fallu attendre quarante ans pour que ces erreurs soient corrigées. »
Plus loin dans le livre, Roger Garaudy évoque Shoah, le film de Claude Lanzmann, qu'il traite de « navet ». « Vous parlez de ``Shoah business``, vous dites que ce film n'apporte que des témoignages sans démonstration. C'est une façon de dire que les chambres à gaz n'existent pas », suggère le président. « Certainement pas, proteste Roger Garaudy. Tant qu'un débat scientifique et public ne sera pas organisé sur la question, le doute sera permis. »
A l'évocation du passage sur l'extermination des juifs, Roger Garaudy s'explique sur sa contestation du terme « génocide » : « Je préfère qu'on dise ``l'un des plus grands massacres``. » Les avocats des parties civiles s'indignent. Le philosophe se tourne vers eux et lance : « J'ai vu passer la mort devant mes yeux lorsque j'étais interné dans le Sahara, mais je n'ai jamais eu l'idée de monter un fonds de commerce avec les ossements de mon grand-père. » A peine perturbé par ce qu'il vient de dire, il reprend tranquillement sa démonstration : « Je préfère parler d'atroce massacre, pas d'un génocide. Pour cela il faudrait qu'il n'y ait aucun survivant. » Le procès doit reprendre le jeudi 15 janvier.


M. Garaudy comparaît pour « complicité de contestation de crimes contre l'humanité »
LE MONDE | 10.01.1998
par ACACIO PEREIRA

ROGER GARAUDY défend-il des thèses révisionnistes ou poursuit-il un vieux et long combat contre tous les intégrismes ? Cette question était dans tous les esprits, jeudi 8 janvier, lorsque le philosophe, âgé de quatre-vingt-quatre ans, s'est présenté devant la dix-septième chambre du tribunal correctionnel de Paris, où il comparaissait pour « complicité de contestation de crimes contre l'humanité », « diffamation à caractère racial » et « provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciales » en compagnie de Pierre Guillaume, l'éditeur de son livre Les Mythes fondateurs de la politique israélienne.
Roger Garaudy doit s'expliquer sur des passages de l'ouvrage dans lesquels il dénonce l'exploitation de ce qu'il appelle les « mythes théologiques » et les « mythes du XXe siècle » notamment l'Holocauste en faveur des « sionistes » et de « l'Etat d'Israël ». Paru une première fois en décembre 1995 dans la revue révisionniste La Vieille Taupe, dirigée par Pierre Guillaume, l'ouvrage a été publié quelques mois plus tard à compte d'auteur. Cinq procédures ont été engagées contre le philosophe après les plaintes de plusieurs associations de déportés ainsi que de la Licra (Ligue contre le racisme et l'antisémitisme) et du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples).
ANCIEN RÉSISTANT
Malgré sa fatigue, Roger Garaudy semble déterminé. « J'ai l'impression d'être invité à un procès pour un livre que je n'ai pas écrit, explique-t-il. On me dit que ce serait un appel à l'antisémitisme, à la haine raciale. Mes adversaires font la confusion entre le judaïsme, qui est une religion que je respecte, et le sionisme, qui est une politique que je combats. » Il se lance alors dans la lecture de certains passages de son ouvrage qui, à l'en croire, prouve qu'il n'est pas antisémite : « Le dessein monstrueux d'Hitler », « Tel fut le martyrologe des déportés juifs esclaves », « L'assassinat d'un seul innocent, qu'il soit juif ou qu'il ne le soit pas est déjà un crime contre l'humanité »...
Le président, Jean-Yves Montfort, écoute attentivement avant d'interpeller le prévenu. « Il y a pourtant des différences entre les deux éditions de votre livre. Dans la deuxième, les noms de Robert Faurisson et de Paul Rassinier [deux historiens révisionnistes] ont disparu. Comme si vous vouliez gommer toute compagnie peu honorable, rendre le livre plus présentable. Je me trompe ? » « Oui, répond Roger Garaudy. Je ne voulais pas décentrer ce livre. Il a été traduit dans vingt-trois pays différents, je ne souhaitais pas l'encombrer de noms inconnus ailleurs qu'en France. Je crois que toute ma vie dit le contraire de ce qu'on me reproche. »
Ancien résistant déporté au Sahara, ancien marxiste, ancien chrétien, aujourd'hui converti à l'islam, le philosophe veut démontrer qu'il est « resté fidèle au rêve de [ses] vingt ans » : « L'unité des trois religions sémites. » « Mon propos n'est pas de discuter du nombre de morts de l'Holocauste, mais de démontrer que c'est la politique sioniste qui engendre une nouvelle vague d'antisémitisme. Dans la revue Révision, on m'a traité de carpette en affirmant que c'est tout le judaïsme qu'il fallait condamner. »
Les explications du prévenu ne semblent pourtant pas convaincre les avocats des parties civiles pour lesquels le livre mis en cause va au-delà de la simple critique du mouvement sioniste. Dans le public, se retrouvent côte à côte des militants d'extrême gauche et d'extrême droite, des jeunes affublés de l'écharpe palestinienne, mais aussi des révisionnistes connus, comme Robert Faurisson et Henri Roques.











Dans LE MONDE  du 01.06.1996: 

ABBÉ PIERRE : Roger Garaudy raconte, dans un entretien publié dans le Figaro du vendredi 31 mai, qu'il a passé deux jours avec l'abbé Pierre, lors de la retraite de ce dernier au monastère italien de Praglia (le Monde du 31 mai), et que les deux hommes se sont « confirmés dans une confiance réciproque ». « Il n'est pas question qu'il fuie et renonce à sa tâche », affirme Roger Garaudy, qui indique que le prélat lui a dit : « Tu m'as rajeuni de cinquante ans. » « Le trouble est maintenant dissipé à Emmaüs International », estime Roger Garaudy, qui affirme que l'abbé Pierre reviendra à Esteville (Seine-Maritime), où il résidait depuis décembre 1991.

Le négationnisme et l'exil de l'abbé Pierre
LE MONDE | 31.05.1996 

ASSURANT avoir « beaucoup souffert » de la vive polémique née après qu'il eut apporté son soutien au philosophe négationniste Roger Garaudy, l'abbé Pierre a décidé de quitter la France et de se retirer en Italie, au moins quelque temps, dans un monastère bénédictin proche de Padoue. Les Compagnons d'Emmaüs espèrent que cet exil ne sera que provisoire. L'abbé Pierre devrait participer, en septembre, à l'assemblée mondiale de l'association, réunie à l'Unesco à Paris.
Dans un point de vue, l'historien Florent Brayard décrypte la stratégie des révisionnistes-négationnistes, également dénoncée par le Père Jean Cardonnel.

L'horrible négation
LE MONDE | 31.05.1996
PAR JEAN CARDONNEL

COMME, au nom de l'amitié, Roger Garaudy priait l'abbé Pierre d'écrire un témoignage en sa faveur à l'occasion de la sortie de son dernier livre, il me demandait, toujours au nom de l'amitié, de présider une conférence de presse sur le thème « La liberté d'expression existe-t-elle encore en France ? » autour de son ouvrage Les Mythes fondateurs de la politique israélienne.
Dans sa communication téléphonique, l'auteur de L'Appel aux vivants m'annonçait l'envoi rapide d'une réfutation de ses calomniateurs suivie de l'expédition du livre incriminé. Le texte par lequel Garaudy entendait réfuter la calomnie à son égard était déjà suffisamment clair pour qu'en conscience je lui retire toute ombre d'approbation. J'ai donc démenti sur-le-champ ma participation à la conférence de presse parce que je me refuse à donner la moindre caution aux thèses négationnistes contenues dans le livre (enfin reçu et lu par moi) cela sous prétexte d'un accord pour condamner les crimes de guerre de l'Etat d'Israël. Voilà les faits.
Mais les faits ont ceci d'implacable qu'ils donnent à penser, par-delà leur simple immédiateté, jusqu'aux ultimes racines du problème de tout l'humain. Il ne s'agit plus de discuter l'inqualifiable d'un rangement, d'une classification dans le dossier des mythes, du génocide des juifs.
Contrairement aux thèses qui forment la trame du livre de Roger Garaudy, le programme d'Adolf Hitler ne se bornait pas à une simple expulsion des juifs hors de l'espace européen. Car, aux yeux du Führer des Allemands, du monde aryen et de l'Europe ethniquement purifiée, le juif représentait le mal absolu. En face de la race pure des seigneurs, il était jugé porteur d'un sang impur capable d'infecter par métissage les races saines et fortes. Les juifs constituaient le rappel vivant de l'unité fondamentale des hommes, des femmes, des enfants et des peuples dans la splendeur d'une création commune.
C'est donc sur eux, juifs, que se focalisait la haine en quête d'une solution finale, de la force brutale libérée de toute référence éthique, de la nation, et d'abord du principe de la race comme ultime critère avec son unique ressort efficace, le principe d'ordre, le principe d'autorité, la religion du pouvoir, le culte monothéiste du chef.
Il est significatif que fréquemment soit oubliée une constante : personne, même pas un juif, n'a jamais pu dire ce que c'est qu'être juif. Il est aussi impossible de définir le juif que de définir l'humain. Celui-ci ne s'appréhende ni par la nation, ni par le territoire, ni par la religion. Le juif pur, le pur juif c'est-à-dire la somme de l'impur au regard du raciste total est donc bien l'ennemi mortel d'Adolf Hitler parce qu'irréductible à ce qui ferait l'humain : l'appartenance nationale et par-dessus tout raciale.
Il faut le dire du fond de notre être d'humanité, ce n'est pas comme membres à titre posthume du futur Etat national israélien que des millions de juifs ont été réduits en poussière ou en fumée. C'est en haine de l'humanité sans frontières définies qu'ils étaient coupables d'être, au regard de la bête raciste à visage humain. J'ai bien dit des millions de juifs. Pour une raison très simple : le juif comme expressif de l'homme, qui aurait tort d'être l'homme avant tout, n'est pas plus nationalisable d'abord que quantifiable, calculable.
Il faudra réfléchir sur l'incroyable projet formé par Garaudy de soumettre les témoignages humains relatifs aux camps de la mort à une commission d'experts du savoir sectoriel : chimistes, biologistes. Il reste aussi l'immense problème des sources d'antisémitisme chrétien, de l'antisémitisme nazi avec la ré-émergence du détestable péché d'origine sous sa forme atroce d'accusation collective de déicide.
C'est à partir du crime contre l'humanité, en sa réalisation absolue de glorification de l'inhumain comme signe de l'humain total, qu'en parcourant l'histoire on le retrouve accompli monstrueusement dans l'esclavagisme chrétien des Noirs et des Indiens.
S'impose d'urgence un immense effort de réflexion fondamentale pour découvrir le visage du vrai dieu, qui se reconnaît à son opposition créatrice au principe du chef monstrueusement sacralisé. Faute de ce travail commun, la menace terrible demeure la négation de l'homme par l'homme : la bête humaine à toute-puissance diaboliquement divine s'accomplissant par l'acte immolatoire de l'humanité.
PAR JEAN CARDONNEL

L'abbé Pierre a choisi de s'exiler dans un monastère italien
LE MONDE | 30.05.1996 

L'ABBÉ PIERRE a décidé de quitter la France et n'envisage pas d'y revenir, après la polémique suscitée par son soutien à Roger Garaudy, mis en examen pour négationnisme, révèle l'hebdomadaire Le Pèlerin, dans son édition datée du 31 mai. Le fondateur d'Emmaüs a quitté au début du mois de mai le centre d'Esteville, près de Rouen, pour le monastère bénédictin de Praglia, près de Padoue, en Italie. « A mon âge, a-t-il déclaré à l'hebdomadaire, je n'exclus pas de finir mes jours dans ce lieu. » L'abbé Pierre dit avoir « beaucoup souffert ». « Les attaques dont j'ai fait l'objet ont été sans mesure », ajoute-t-il. L'abbé indique avoir été blessé par un texte de Bernard Kouchner, publié dans nos éditions du 30 avril. Le fondateur d'Emmaüs explique aussi avoir écrit « un texte intitulé ``Pour en finir`` ». « Mais le cardinal Lustiger m'a conseillé le silence. » Le fondateur d'Emmaüs a aussi écrit à Shimon Pérès.

Contre la loi Gayssot
LE MONDE | 21.05.1996
PAR MADELEINE REBERIOUX
ALLONS d'emblée à l'essentiel. Quelles que soient les intentions de Roger Garaudy, les sommations qu'il adresse aux historiens ne sont pas de mise. Ceux-ci ne l'ont pas attendu pour faire leur travail : préciser les étapes du génocide nazi à partir de l'entrée en guerre de l'Allemagne contre l'URSS et des massacres commis par les Einsatz Gruppen, serrer de plus près des chiffres dont ils ne jugent pas honteux de discuter, montrer l'existence, à Auschwitz, des chambres à gaz destinées à tuer des êtres humains, en l'occurrence des juifs, et non des « poux », comme l'ont écrit certains négationnistes. Récusant tous les tabous, ils ont bien l'intention de continuer à travailler : nulle question, fût-elle douloureuse, n'est interdite.
Même si ? pour qu'il puisse y avoir débat, un minimum de bonne foi est indispensable. Comment tenir pour nuls et non avenus les témoignages de ceux qui, sortant des trains et ayant eu la « chance » d'être sélectionnés du « bon côté », et donc parfois de survivre, ont vu vieillards, femmes et enfants, séparés d'eux sur la rampe d'Auschwitz, se diriger vers la mort : jamais enregistrés, jamais revus ? Or c'est précisément ce que fait Garaudy. Et comment admettre que soient balayés du revers de la main les travaux de ceux qui ont trouvé, dans les archives de ce camp, la preuve des commandes passées à telle firme allemande pour alimenter en gaz les chambres de la mort ? Or c'est précisément ce que fait Garaudy.
Chercher, toujours chercher établir des faits, les confronter, comprendre leur enchaînement et leur sens , c'est une tâche d'historien.
Et de citoyen. Proclamer l'entière liberté de cette recherche, telle est entre autres la vocation de la Ligue des droits de l'homme. C'est pourquoi, sous la présidence d'Yves Jouffa, elle prit position en 1990 contre la partie de la loi, dite loi Gayssot, qui, le 13 juillet de cette année-là, constitua en délit relevant des tribunaux le fait de contester « un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire annexé à l'accord de Londres du 8 mai 1945 ». C'est au nom de ce texte intégré (article 24 bis) à la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 que Garaudy a été mis en examen.
Imagine-t-on le doute rampant qui va s'emparer d'esprits hésitants ? « On nous cache quelque chose, on ne nous dit pas tout, le débat est interdit »
Ce texte est hautement critiquable pour trois raisons :
Il confie à la loi ce qui est de l'ordre du normatif et au juge chargé de son application la charge de dire la vérité en histoire alors que l'idée de vérité historique récuse toute autorité officielle. L'URSS a payé assez cher son comportement en ce domaine pour que la République française ne marche pas sur ses traces.
Il entraîne quasi inéluctablement son extension un jour à d'autres domaines qu'au génocide des juifs : autres génocides et autres atteintes à ce qui sera baptisé « vérité historique ».
Il permet aux négationnistes de se présenter comme des martyrs, ou tout au moins comme des persécutés. Déjà, Garaudy publie une nouvelle édition de son livre en « samizdat » !
Imagine-t-on le doute rampant qui va s'emparer d'esprits hésitants ? « On nous cache quelque chose, on ne nous dit pas tout, le débat est interdit... » Imagine-t-on les réactions de tels adolescents à qui les enseignants tentent d'inculquer un peu d'esprit critique ? Imagine-t-on le parti que peuvent en tirer les antisémites larvés, qui n'ont pas disparu ?
Une seule solution : connaître et faire connaître. Dès lors que, pour condamner l'antisémitisme et la xénophobie, nous disposons de la loi de 1972, en matière de recherche, répression égale régression.
PAR MADELEINE REBERIOUX


La position du Père Michel LelongLE MONDE | 05.05.1996 

Le Père Michel Lelong nous écrit : « La façon dont sont rapportés mes propos relatifs au dernier livre de Roger Garaudy (Le Monde du 20 avril) risque de conduire vos lecteurs à m'attribuer des idées qui ne sont pas les miennes. En réalité, ces propos que vous citez ne sont qu'un bref extrait d'une lettre dans laquelle, tout en précisant les points importants sur lesquels je ne suis pas d'accord avec Garaudy, j'affirme qu'il me paraît tout à fait injuste de l'accuser d'antisémitisme, et je demande qu'il participe au nécessaire débat sur les grandes questions spirituelles et internationales de notre temps. »


Deux semaines de polémiques
LE MONDE | 04.05.1996 

18 avril : Roger Garaudy, qui a publié à la fin 1995 chez l'éditeur négationniste La Vieille Taupe Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, fait état au cours d'une conférence de presse du soutien de plusieurs personnalités : le Père Michel Lelong, l'essayiste Jean Ziegler et l'abbé Pierre. Ces deux premières personnalités se rétractent très vite. 20 avril : l'abbé Pierre confirme son soutien à Roger Garaudy. S'il reconnaît ne pas avoir lu dans son intégralité le livre, il évoque un « repli » du peuple juif et dénonce la politique « suicidaire » d'Israël. Le 21 avril, il qualifie le négationnisme de « tromperie », mais précise qu'« assimiler les travaux de Garaudy au révisionnisme et au négationnisme serait imposture ». 26 avril : Roger Garaudy est mis en examen pour « contestation de crimes contre l'humanité ». 29 avril : dans un entretien à Libération, l'abbé Pierre déclare que la Shoah est « un sujet sur lequel le débat n'est pas clos » et souhaite que l'on en débatte avec Roger Garaudy. Le même jour, l'Eglise dit « déplorer l'engagement de l'abbé Pierre aux cotés de M. Garaudy ». 1er mai : l'abbé Pierre est exclu du comité d'honneur de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme). Dans un communiqué, il venait de condamner « avec fermeté tous ceux qui veulent nier, falsifier ou banaliser la Shoah », mais ne désavouait pas pour autant M. Garaudy.

L'abbé Pierre a été exclu du comité d'honneur de la Licra
LE MONDE | 03.05.1996 

POUR N'AVOIR pas formellement retiré son soutien au philosophe négationniste Roger Garaudy auteur des Mythes fondateurs de la politique israélienne, mis en examen pour contestation de crimes contre l'humanité , l'abbé Pierre a été exclu, mercredi 1er mai, du comité d'honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), dont il était membre depuis une vingtaine d'années. Cette décision, prise par le bureau et la commission juridique de cette organisation, est intervenue bien que le fondateur des communautés Emmaüs fût largement revenu, la veille, sur ses déclarations précédentes, renonçant notamment à réclamer un nouveau débat entre historiens (nos dernières éditions du 2 mai).
Mardi 30 avril, en effet, l'abbé Pierre, après « de longs entretiens téléphoniques avec le président du Consistoire central juif de France et le grand rabbin », avait publié un communiqué, dont l'essentiel était sans équivoque : « Je condamne avec fermeté, écrivait-il, tous ceux qui, pour des raisons diverses, veulent, de quelque manière que ce soit, nier, falsifier ou banaliser la Shoah, qui restera à jamais une tache de honte indélébile dans l'histoire de notre continent. »
Cependant, l'abbé Pierre concluait son texte ainsi : « Roger Garaudy ayant oralement et par écrit pris l'engagement formel de reconnaître toute erreur qui lui serait prouvée, ce n'est que s'il ne tenait pas cet engagement que, avec tristesse, je lui retirerais ma confiance. »
GARAUDY PERSISTE
Cette position a été jugée par la Licra « totalement contradictoire » avec la condamnation des thèses négationnistes précédemment affirmées. La présence du fondateur des communautés d'Emmaüs au sein de son comité d'honneur « ne se justifie plus » à ses yeux. Selon l'organisation antiraciste, toutes les preuves contredisant les aberrations défendues par le philosophe ont été depuis longtemps apportées.
Ce dernier ne paraît pas près de désarmer. Dans une lettre publiée le 30 avril par le bihebdomadaire islamiste égyptien Al Chaab, Roger Garaudy affirme lutter contre « le lobby sioniste en France, aux Etats-Unis et dans tous les pays occidentaux ». L'ancien communiste converti à l'islam écrit notamment : « Ni la Torah ni les persécutions d'Hitler ne justifient l'usurpation des territoires des Palestiniens. »