17 septembre 2016

Jésus: la rupture

W de Kooning. Femme II. 1952
Il n'existe aucun précédent de ce que fut Jésus dans les images que les peuples se faisaient jusque là de Dieu.
1. - Il n'est pas l'héritier du condottiere David tel que la Bible nous raconte sa vie dans Samuel 1 et 2, et dans le Livre des rois. Le parallèle est pourtant difficile sans compter les passages où les évangélistes et les Actes reproduisent à son sujet les références, citées par leur maître saint Paul, insistant surtout sur la fidélité de David aux ordres de Dieu. Il est vrai que, de ce point de vue, nul, sauf peut être son ancêtre Josué, n'a obéi plus strictement aux ordres de massacres et d'exterminations que l'un et l'autre disaient recevoir du "Dieu des armées". (Voir ce que fait, d’après l’Ancien Testament, la vie de David)
2. - Sa vie et sa mort excluent toute extériorité d'un Dieu. Il est pleinement homme comme il est pleinement messager de Dieu en se révélant d'abord aux pauvres, aux démunis.
3. - Sa vie et sa mort mettent fin à l'idée maudite d'un "peuple élu" qui est le propre de toute les religions tribales et de leurs dieux jaloux et partiaux en faveur de leur peuple, leur donnant la terre et la victoire par des massacres. Il est significatif que par sa naissance virginale que Jésus ne soit le fils d'aucun homme particulier, ni chrétien, ni juif, ni chinois, ni noir… Il est le fils de l'Homme inséminé de Dieu.
Jésus exige l’abandon de tout ce qui nous est propre et que résume la propriété. Au jeune homme riche, qui respectait tous les commandements de la loi, Jésus dit :  « Il te manque une seule chose : tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres, après viens et suis-moi ». (Lc 18-20).
Il en fut ainsi pour Simon, pour Jacques, et pour Jean : « laissant tout ils le suivirent (Lc 5-11). Abandonnant tout, il se leva et le suivit. » (Lc 5-28)
« Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple » (Luc 14-33)
Ce renoncement au petit "moi", est la condition de l'éveil et de la prise de conscience.
Tel est le prix de la Résurrection, de la réalité du Royaume, un Royaume dans lequel on n'entre pas par la conquête, comme DAVID, mais par le renoncement.
Ce Royaume est déjà là où un homme réalise ce renoncement total. S'il n'est pas encore là c'est que ceci ne s'est pas encore réalisé dans tous les hommes. La tension entre le choix de l'éveil personnel à la vie du tout et le « pas encore » de l'éveil de tous à la vie du tout, est la tragédie optimiste du réveil, car chacun de nous est responsable de l'éveil de tous. 
Roger Garaudy