06 septembre 2016

Apparences



De même que l’injustice séculaire n’est en rien modifiée par l’offre généreuse de lumière, d’air et d’hygiène aux masses mais qu’ainsi, au contraire, elle se trouve précisément occultée par la transparence étincelante du Système rationalisé, de même la santé intérieure de notre époque réside en ceci qu’elle a coupé la retraite à la possibilité de fuir dans la maladie, sans pour autant changer la moindre chose à l’étiologie dont procède cette dernière. Les cabinets, sans lumière, ont été supprimés car on y voyait une perte de place regrettable et on les a transférés dans la salle de bains. Les soupçons que nous a donnés la psychanalyse, avant qu’elle ne se transforme elle-même en un élément d’hygiène, se trouvent confirmés : là où tout semble clair et bien net, il y a des étrons cachés.
« La misère subsiste. Comme avant.
La supprimer complètement tu ne peux,
Mais tu vas la rendre invisible. »
[Das Elend bleibt. So wie es wahr.
Du kannst es nicht ausrotten granz und gar,
Aber du machst es unsichtbar.]

Theodor W. ADORNO
Minima moralia. Réflexions sur la vie mutilée (Première édition : 1951)
Editeur : Petite Biblio Payot.2003. Page 77