12 juin 2016

De l'estime de soi et le vivre-ensemble. Par Djouher Khater

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Paul Klee. Mort et feu. 1940
 L'évolution  d'une société est intrinsèque aux règles normatives  et lois qui la régissent.  Dans les sociétés multiraciales et pluriculturelles d'aujourd'hui, le vivre-ensemble requiert le respect de la personne humaine par la reconnaissance effective des droits   prescrits par les Chartes onusiennes ratifiées  par  les Etats. Ces   droits prescrits servent à la protection de  la dignité de  survie dans le respect des  différences issues du génie des peuples, reconnu composante du patrimoine universel de l'humanité. Cette protection conférant estime de soi à tout un chacun et confiance en l'autre  est essentielle à l'institution du vivre-ensemble.


L'action citoyenne et l'évolution sociale

En phase de structuration, l'Etat est certes l'unique responsable  de l'évolution de la société. Se construisant nécessairement à ses débuts par la volonté toute puissante d'un pouvoir totalitaire, il  est  moins répressif  et  réductif  du champ d'intervention des acteurs sociaux dans la  dictature éclairée. Mais dés lors que l'Etat est institué en ses segments vitaux et  institutions représentatives, la société civile est responsable à part entière de la bonne gouvernance des territoires nationaux  et de la qualité de vie du peuple et des individus.

 A ce stade, l'action de la résistance  citoyenne large, dite en Islam   « Le  Djihad » sert à freiner l’appétence  boulimique des dirigeants pour qu'ils       ne  trônent pas  en  maîtres absolus.  Le pouvoir et sa proximité qui surdimensionnent la sensation de puissance et d'impunité donnent  des ailes à la folie des grandeurs, démultipliant ses avatars dans les sociétés multiethniques par  l'excitation des fièvres communautaires et les replis identitaires. L'essentiel étant de régner, l'ostracisme et les guerres intestines sont dans de telles configurations , la voie et le moyen pour qui veut un mandat allongé. C'est bien pourquoi la vigilance massive est l'unique garante du  fonctionnement optimum de  l'ensemble du corps  formant société et aspirant au bien-être minimal  reconnu.  Un challenge impossible  sans la synchronisation  des efforts de toutes les communautés en lice et sans  l'organisation  réfléchie de la vie ensemble.

 Vigilante, la société  produit ceci faisant les garde-fous  nécessaires au démantèlement   des  formes de despotismes     installés  en  l'absence de contre-pouvoirs.  Lesquels  se manifestent  dans la  bonne gouvernance et la traduisent à travers les règles  de la liberté d'expression. Une liberté nécessairement respectueuse des prérequis culturels et spirituels et des droits économiques des communautés occupant l'espace dans la compétition et la concurrence ou survivant encore dans les marges, et tentant d'émerger souvent en pataugeant. Car le remède du déracinement c'est le temps. Et  que  la modernité est d'abord et avant tout reconnaissance du droit inaliénable  à la dignité et ses conditions minimales. C'est dans l'alternance politique de la démocratie qu'elle   s'enracine et se ressource.

Mode d'organisation socio-politique le plus adapté à la nature humaine, la Démocratie est le meilleur système de tous les temps. Mis en pratique conformément à son esprit, il aboutit à la réalisation harmonieuse des sociétés, car basé sur le dialogue et le consensus, soit  la concertation sociale.  C'est la  « Echoura »  en Islam, telle qu'appliquée par le Prophète Mohamed.  Interpellant  le Chef de la Communauté des croyants en personne,   Allah dans son  Coran Lui recommande  d'associer les croyants à la Décision  concernant la vie du groupe et sa survie. Il en est ainsi de la gestion des affaires de l'Oumma, la Cité musulmane. Les    préceptes religieux émanant d'Allah sont à observer sans restriction dans la vie publique, quant à ceux  qui relèvent de la vie personnelle ils sont  soumis au libre arbitre de la personne. Ainsi, l'évolution sociale implique la participation de tous les individus, chacun sa place et son rôle.

Les avant-gardes et l'évolution  du monde

Il est clair que l'Etat  est  par son pouvoir et sous tous points de vue incontestablement  indispensable. Et il est tout aussi clair cependant, que  le niveau de conscience d'un peuple, est d'un poids indiscutable et conséquent dans son orientation et son action.  Ce poids  est capital et prépondérant dans les sociétés avancées en regard des savoirs disponibles et quasi-inexistants ailleurs.   En ce sens, les citoyens les plus sensibles du monde  et notamment des sociétés avancées ont mission d'agir  à l'encontre de la  stratégie globale de  profit de la finance internationale et des avatars de l'Argent roi et leur pendant, le consumérisme tout azimut. Les libertés prônées sont  promues en  facteurs  de créativité et d'inventivité illimitées  pour des raisons de bien-être individuel, la finalité de la course. Ce mirage porté par les machines-gadjets au détriment de toute logique raisonnable,    déstructure à tout vent par son absence les humains et leur monde. C'est par  la rage des attentes trahies que le bonheur insaisissable et traqué casse ses victimes, fuyant  d'illusions  en  mirages de plus en plus inhumains et ruineux.    

  Cela étant l'engagement  solidaire par le passé des hommes libres de notre planète   pour  les causes  justes ayant  été incontestablement bénéfique, la sensibilité des hommes d'aujourd'hui   se traduit de facto en actions   se prolongeant avec plus de force dans la réalité. Chaque jour plus efficaces et chaque jour plus nombreux à s'insurger, leur engagement  indisposant  les dysfonctionnements obstruant la justice sociale et la dignité des  vivants de par le monde, opère en aval.  Leurs actes et rappels  alertent sur   les retombées destructives des causes perdues croissantes partout dans les vécus. Pressurés, agissant et s'agitant dans l'insécurité et les terreurs,  ils se maintiennent comme ils peuvent dans un rapport au monde qui  détraque ses contradicteurs. C'est que le système global totalitaire    saigne ceux qui par une autre vision des choses veulent l'arranger.  Pour gagner en puissance, il en fait des ennemis en  les  agressant  sans merci : il est « la Toute-Puissance »  Pris entre l'enclume et le marteau mais  enchaînés par leur sensibilité, ils ne peuvent faire marche arrière.

Et c'est pourquoi,   les indignés d'aujourd'hui  comme ceux d'autres temps, qu'ils soient laïques ou religieux  ne  s'affranchissent pas  de la mission axiale d'espérer avancer réellement et humainement. Il y va de leur quiétude de vigiles et de leur équilibre d'humains : puisqu'ils  ont le pouvoir d'agir, c'est  leur rôle. Ils l'assument, il y va de la survie de la planète,  humains et ressources  vitales à la fois. Il est donc question de reconnaissance,  avant tout. Du moment qu'ils en vivent  parmi leurs semblables, ces hommes se sentent redevables envers la planète et ses occupants,  qu'ils soient agnostiques ou croyants : ils  sont  dans l'obligation de se  soumettre  aux Lois vitales de l'univers.

Les valeurs transcendantes  d'humaine  civilisation

Le fait est que la soumission aux  Lois  de l'univers est  à la base de la justice et son impondérable, la  fraternité.  La convivialité en dépend.  Car la qualité de vie de toute société résulte de la réussite du  projet de société  qu'elle ambitionne de réaliser,  toutes strates  sociales confondues.  Et c'est l'éveil des âmes sensibles qui  rend possible cette entreprise  d'introspection créative, d'évaluation et de mise en route concrète du projet social en devenir. Et qui l'élaguant  quand de nécessaire  de l’obsolète superflu, du dégénéré et des archaïsmes  nocifs,  l'enrichit par l'interprétation et le principe de réalité qu'est la contextualisation qui l'arrime au  présent et ses questions sensibles exigeant réponses et solutions adéquates.
 Emouvante, l'action des âmes sensibles parlant  via  les  gestes et œuvres parvient en notre temps  jusqu'aux confins de la terre  à qui ne fait pas le sourd.  Et rappelle que   les valeurs portées par tout un chacun ne sont    viables que si elles s'accordent dans la sphère privée et publique avec  l'entendement du groupe  dans les arrangements équilibrés de ses composantes traditionnelles et modernes.  Soit que les valeurs du groupe  sont humainement valables quand elles sont fondées sur la raison et la morale transcendante, autrement elles conduisent à la régression si ce n'est à la désolation : c'est le surmoi qui fonde la civilisation. Et il semble bien que c'est l'unique axiome de Freud qui soit établi  par l'histoire et vérifié de nos jours là où les composantes traditionnelles et modernes conjuguées de la civilisation, et ses facteurs déterminants, le permettent.

 Les composantes concernées sont  de fait celles conformes,  tantôt aux  principes moraux des religions monothéistes ou leurs antécédentes,  tantôt aux principes  de l'idéologie  des droits humains universellement admise  ces jours-ci.   Qui  en découlant les  affirme en leurs  exigences sensibles.  La configuration des aires d'expansion  continentale ou locale en leur formulation  traditionnelle ou contextualisée en règle plus générale l'atteste  visiblement.  Elle traduit ça et là,  la lettre des conformités et déclinaisons  portant  les Lois et les valeurs dont proviennent les règles sociétales des uns et des autres. Quasiment vides de sens transcendantal, elles servent un ordre matériel, là où le système judiciaire le permet. 

Valeurs   recommandées   en dépit de ce qui rituellement les sépare,  elles sont d'essence divine laïcisée à l'époque moderne en Occident, avant partout ailleurs. Démystifiées en l'espace précité sécularisé depuis plus d'un siècle de marche vers la raison pure et plus de deux millénaires d'apologie de la rationalité commerçante, elles substituent une forme de sacralité à la sacralité antérieure. Subsistant en tant que telles, elles  restent sans équivoques et indubitablement   des axiomes  considérés équilibrants malgré les glissements de sens quand il ne s'agit carrément de faux  et d'usage de faux. Telle la fameuse et très moderne notion de relativité qui, démontant le système moral qui a fait l'essor et la puissance des civilisations mondiales les plus rayonnantes, le défigure.  Privant les hommes des connaissances  avérées menant  au plein épanouissement de l'être et à l'évolution équilibrée optimum des sociétés, la raison pure piétine l'humain défigurant   son visage fraternel. 

Donnant pleine  possibilité à la justice et au moteur qui la sous-tend, la fraternité du vivant  continue ainsi d'exister en théorie par les espoirs qu'elle suscite via les littératures religieuses et romantiques tentant une percée concrète, en vain. Faussée à la base, soit dans la quotidienneté des vécus, la fraternité  est inexistante pour qui la cherche avec la sensibilité d'un Charles Baudelaire. Exclue dans les décombres de la modernité égocentrique, elle reste une règle religieuse mythologique et mystifiante pour les  yeux impitoyablement abusés d'aujourd'hui.  Désarticulés, les humains de maintenant n'ont rien à donner d'autre au monde qu'un désenchantement revendiqué : ils sont  désabusés. Sont-ils coupables ? On ne peut honnêtement être moins aveugle : la compassion commence par soi : il faut d'abord s'aimer pour fraterniser avec le vivant . L'estime de soi est le préalable.

Connaissance de soi et  évolution optimum

Parce que c'est l'estime de soi  qui permet véritablement à la convivialité, cet idéal du  vivre-ensemble  qu'elle fonde,  de se réaliser sous sa  forme  la  plus aboutie. Le sentiment d'égalité et de fraternité que confère la convivialité  en est la source et la primeur. C'est aussi son moteur. L'estime de soi  découle de l'image du moi  projetée par l'autrui convivial, et surtout des attributs personnels  du moi se réalisant en rapport avec le projet intime reconnu à soi-même  dans le respect  de ses  limites. Tout comme la réciprocité de l'estime fondant la  convivialité,  le vivre -ensemble ne saurait exister sans  respect mutuel. Indispensables, ils forment la charpente de la vie psychique et sociale heureuse d'être au monde dans ses contingences et d'y exister  bon an mal an.

L'exemple le plus marquant de notre histoire en la matière nous parvient par Socrate  en la période pré-philosophique. Sa devise  si chère à ses disciples et émules  : «  Connais-toi toi-même » lui a valu exil et  condamnation à mort par les dignitaires de son peuple. Epitaphe du  Temple de Delphes à la base des philosophies modernes dont la toute première, la psychanalyse, cette parole prophétique  n'a pas d'équivalent, il est clair,  sinon en mystique  : «  Connais  Dieu, Il te connaîtra » etc, et « Qui connaît Allah, se connaît » etc, dans la dernière d'entre elles. Socrate qui évoluait dans une société polythéiste dont il voulait tomber les dieux en accord avec sa religion naturelle, était dans la connaissance intime de la normalité humaine  et des conditions de son équilibre existentiel. Animiste, il pressentait les dysfonctionnements dangereux alimentés par les pouvoirs colossaux des Chefs de la Cité Grecque dés lors que les Dieux du Panthéon  devenaient  mythologie et  légendes.

Hommes-dieux de la Cité athénienne, les patriarches terrorisés par la grogne   des disciples accusaient de longue date  le philosophe  de  dévoyer leurs enfants de la bonne Tradition  ancestrale. Concluant par un procès en  diffamation des divinités contre Socrate,  ils suscitèrent  une haine  qu'ils n'eurent de cesse d'attiser  jusqu'à ce qu'ils obtinrent gain de cause.  L'opiniâtre clairvoyance  du Maître le mena en prison et à la mort. La même haine défigure l'intellectuel et tout savant probe d'aujourd'hui, rien n'a changé en la matière, sinon l'époque et le type de poison. Le fin mot de l'arnaque revient immanquablement à l'argent et ses pouvoirs.
C'est tout simplement que le vrai Maître de la Cité, s'ignorant en toute raison et malgré les apparences,  se trompe d'ennemi. Sinon, il distinguerait  serait-ce par intuition le savoir humainement viable du savoir dépravé immoral  cheminant sur ses routes.  Se connaissant, et sachant à qui il a affaire, il pourrait faire la différence, même si un fiasco peut s'en suivre.  L'erreur étant humaine, ses dégâts sont limités comparativement à ce que produit un usage intempestif délibérément ravageur du praticien en quête de statut ou  de renom.  Il n'y a  pas,  en ce sens, de  commune mesure entre les positions assumées d'Alfred Nobel  et celles d’Albert Einstein, qui chacun sa façon ont indélébilement marqué l'histoire contemporaine. Le rapport à soi  de chacun des deux   a  produit un rapport à l'autre  diamétralement opposé, s'exprimant dans leur rapport au monde qui en garde jalousement la trace.

 Perte  de l'estime de soi et ses ravages
 
De fait, la connaissance de soi revendiquée par Socrate telle qu'issue des résidus  culturels antérieurs au polythéisme était inhérente à la religion naturelle. Existant à l'état latent en les personnes sensibles et sensées,  elle incitait à la réalisation de soi  dans la limite nécessaire à  l'équilibre propice au vivre-ensemble. Balisée par les religions pour le bien de la personne et des sociétés, chacune sa façon et ses méthodes, la connaissance de soi est depuis Sigmond Freud un fourre-tout qui saigne l'inconscient. Mis à nu par la fouille systémique de ses tréfonds, le « patient  »  est assailli par  son intimité supposée telle. Exhumant « sa vérité » jusque-là ignorée  et insoupçonnée,  le médecin défait ainsi le nœud  malveillant pour son bien-être à lui seul.   Perdant ses repaires, le patient déjà fragile sombre à terme dans la folie, et finit dans le suicide de quelque type qu'il soit. 
          
Tout compte fait et sans polémiquer, la connaissance de soi telle qu'instituée par Freud, développée par ses disciples et prisée par les modernes sous toutes ses variantes, dont le développement personnel   passant par  la magie, est loin d'aboutir à l'estime de soi qui se refuse. La quête de soi de la personne torturée par ses limites face aux commandes du monde qui l'écrase de ses pouvoirs et fantasmes finit à terme dans les techniques    labellisées dites rééquilibrantes et compensatoires sus-citées. Or, et c'est connu, plutôt que de socialiser et d'équilibrer, la connaissance de soi   ainsi comprise et mise en action  détricote pour le moins, sous sa forme la plus proactive et la moins nocive, le lien social et esseule. Tout simplement car  il n'y a en réalité d'équilibre que dans la joie de la rencontre et de l'accueil. Et il n'y a de vrai plaisir et de complétude que dans le partage, soit dans la vie  assumée avec  les autres.

En ce contexte, désespérante  est  la solitude des plus démunis  qui n'attendent plus rien des promesses officielles, et des perclus harcelés et coincés sans espoir de salut depuis un dérapage de jeunesse ou une histoire héritée ou fabriquée de toutes pièces. Et abandonnés par les proches et les voisins.  Pour ceux-là, l'impasse est là, augurant des drames futurs. Se connaissant, et connaissant l'attitude des milieux d'accueil pour s'être confrontés sans issue aux murs les expulsant partout hors les droits reconnus, quand ils sont issus de contrées et de cultures étrangères, ils savent que l'avenir ne sera pas avenant. Les petits musulmans d'occident qui naviguent entre deux cultures dont ils ne connaissent que les stéréotypes  les matraquant ou les chants de sirènes cassant les derniers remparts de l'estime  de soi,  sont de ceux-là. Et on le leur fait savoir.  Résisteront-ils à l'attrait des suicides multiformes formellement interdits par Allah L'absent  refusant de se manifester par le secours et le soutien promis par la sub-culture d'origine, si peu comprise? Saura-t-on les prémunir à temps pour prévenir la violence vengeresse   s'imposant en arme ultime  d'auto-défense au nom du Dieu de l'Islam envers et contre tout? 

Le constat global est que  la solitude dans le monde de l'opulence est telle que ne peuvent la combler ni l'argent ni les jeux et les commodités foisonnants de nantis privilégiés.    Encore moins le divan du psychanalyste, qui ne fait qu'aggraver la perte d'estime de soi et les désarrois inhérents à la perte de sens et de confiance en  l'existence. L'occultisme et ses  sciences et pratiques, refuges de  dernier recours des impuissants et exclus  sont encore plus déshumanisants. Minant  les chances  infimes de bien-être et d'équilibre, ces dérives annihilent la confiance  et le  respect dû à  l'être en soi,   démolissant l'estime de soi, tout particulièrement. Les limites ayant été écrasées par le mépris et l'exclusion haineuse, le massacre  collatéral est bien souvent irréversible.

 L'humain étant  en déficit,  le tissu social s'en trouve abîmé comme jamais. Le développement de plus en plus pointu des technologies de l'information  tous domaines confondus n'arrangeant en rien les rapports humains,    la séparation  et l'isolement sont  aggravés sans commune mesure : le lien restant  virtuel et s'y limitant, l'affect est inexistant.  Le vivre-ensemble étant chanté  plus qu'il n'est vécu, comme l'amour,  il est absent  et galvaudé. S'il en est ainsi du vivre-ensemble au niveau local, il est encore plus difficile de le penser et de le réaliser au niveau global. Malgré la proximité, la distance est sidérale, le village est bien  planétaire au propre et au figuré : les images ne sont que ce qu'elles sont : des images couleur de sang répulsif coulant au loin ou bleu marine attractives pour casser l'ennui et changer d'air.  

Les règles équilibrantes de l'évolution humaine sont flouées  par l'intensité du développement matérialiste alimentant une guerre souterraine continue quand elle n'est visiblement tapageuse par les éclats d'armes. L'indifférence  antérieure à  la peur  et la suivant, est  devise. Le «  Connais-toi toi-même  » de Socrate et les  «  Qui connaît Dieu se connaît » des mystiques sont inversés.  Construite sur la défiance envers l'autre, la connaissance de soi  moderne  mine les raisons du partage et  de la mise en commun des intérêts collectifs et des espoirs individuels. L'estime de soi  s'effilochant au fil du temps par les retours des  milieux de vie misant sur la concurrence guerroyante et les conflits, à la suite de la  confiance  tôt disparue, mène à la schizophrénie  s'étalant sous les yeux du monde.

En résumé, l'évolution sociale épanouissante a ses lois. Elle requiert des institutions , un projet social, des avant-gardes et des vigiles, et des citoyens responsables massivement engagés pour défendre leurs droits et ceux d'autrui menacés de flagrant  déni. C'est par quoi se construit le vivre-ensemble qui nécessite le  respect de la personne et du groupe social jusqu'en ses droits culturels et cultuels, attributs spécifiques inaliénables. C'est ce qui cultive l'estime de soi, et la confiance prédisposant  à la convivialité   résultant à terme du nécessaire vivre-ensemble.

Charleroi, le  1/ 02/ 2014