13 avril 2016

Le Capital, ennemi n°1 de la transcendance



Le rapport social nommé «Capital» est fondé sur l’exploitation des masses par une classe, propriétaire des moyens économiques, la bourgeoisie, qui n’a que faire de la quête d’un sens à la vie et de la réflexion sur les buts de la société. De ce point de vue, le capital se présente comme l’ennemi  numéro un  de la transcendance.
Ici il faut préciser: «Le Capital n’est pas une puissance personnelle, c’est une puissance sociale» [Karl Marx, «Le Manifeste Communiste», 1848, Ed. Folio présentée par Maximilien Rubel, p. 417], et  donc ce que je peux être amené à dire concernant le bourgeois vise celui-ci non en tant que personne, égale à toutes les autres en dignité, mais le membre de la classe exploiteuse. Le bourgeois, en tant que personne est victime d’une formation sociale dont il est en tant que membre de la classe le bénéficiaire.

Karl Marx a dressé un tableau saisissant - et actuel en 2016 - de l’action révolutionnaire de la bourgeoisie. Extraits : «Frissons sacrés et pieuses ferveurs, enthousiasmes chevaleresques, mélancolie béotienne, elle a noyé tout cela dans l’eau glaciale du calcul égoïste. Elle a dissous la dignité de la personne dans la valeur d’échange […] La bourgeoisie a dépouillé de leur sainte auréole toutes les activités jusqu’alors vénérables et considérées avec un pieux respect. Elle a changé en salariés à ses gages le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l’homme de science. Aux relations familiales, elle a arraché leur voile de touchante sentimentalité ; elle les a réduites à un simple rapport d’argent» [op.cit, pages 401-402].
Par la violence et le cynisme, cette domination s’est étendue à la planète entière (la «mondialisation» subie) mais aussi à chaque parcelle de vie de l’individu isolé sans en exclure aucunes, même les plus secrètes, l’amour et la sexualité. Dans toutes les activités, sociales et privées,  pour tous les individus, membres de la classe exploitée (Marx disait le «prolétariat») dans ses différentes strates, des classes intermédiaires, et de la classe bourgeoise elle aussi dans ses différentes strates, pour tous, l’individualisme, la «concurrence individuelle féroce» [Alain Badiou, «Le second procès de Socrate», Actes Sud, 2015, p. 61] et «le dévouement illimité pour l’enrichissement personnel» [ibid] remplacent désormais, consciemment ou non, à la fois la trinité chrétienne et la devise républicaine. 

A la résignation, majoritaire, et même délicieuse quand il s’agit de «manger la soupe sur la tête des autres» [ibid], certains opposent l’évasion, d’autres la violence.
Evasion par les médicaments (par exemple le Prozac, cyniquement qualifié par des «médecins» de «pilule du bonheur» !) ou les drogues. Evasion par les arts et les spectacles conçus comme purs divertissements, comme anesthésiants.
D’autres réagissent par une autre violence à la violence institutionnelle induite par le Capital. Violence individuelle stimulée par de nombreux films et séries télévisées – ce qui montre soit dit en passant que la violence est parfaitement admise et intégrée au «système ». Violence collective présentée souvent par de faux prophètes comme seul moyen de s’opposer à la déshumanisation de nos vies, et qui est pourtant elle-même déshumanisante et prétexte à un renforcement de la violence institutionnelle.
Au sujet des faux prophètes – à ne pas confondre avec les révolutionnaires -,  il faut évoquer la déchéance de la foi (foi politique et foi religieuse) en intégrismes et de la nation en nationalismes, intégrismes et nationalismes tous deux pourvoyeurs en abondance des cimetières du monde.



Alain Raynaud
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