18 juillet 2015

Se retirer ou se soumettre

La seule possibilité de réaliser notre rêve méditerranéen, qui serait le prélude à un changement radical des rapports Nord-Sud à 1'échelle du monde,serait de rompre  radicalement avec les institutions nées de Bretton Woods, c'est à dire de nous retirer du FMI, de la Banque Mondiale, de "1'Organisation Mondiale du Commerce",de se retirer en un mot de toutes les instances globales, non pas pour opérer un repli nationaliste et protectionniste sur notre nation, ou sur un groupe de nations, mais au contraire de reconquérir la liberté de nous ouvrir sur le monde entier.

Nous pourrons ainsi réaliser non pas une unité impériale, qui prétend être une "mondialisation" et n'est en réalité qu'une marchandisation et une américanisation du monde, mais une unité symphonique où chaque peuple, à titre égal, apporte la contribution de sa propre culture en un véritable dialogue des civilisations.

Cinq siècles d'expérience du système marchand ont montré, que par une libéralisation croissante des échanges, l'on aboutissait pas, comme le croyait Adam Smith à ce que chacun poursuivant son intérêt personnel, l'intérêt général soit satisfait.

Tout au contraire, ce système, dont certains continuent à nous vanter les mérites jusqu'à voir dans son triomphe universel la "fin de l'histoire"( le titre du livre de Fukuyama) a conduit en fait à une accumulation de la richesse à un pôle de la société et à la misère des multitudes: selon les chiffres du PNUD, aux Nations Unies: 80% des ressources naturelles du monde sont contrôlées et consommées par 20%. Ces 20% les plus riches disposent de 83% du revenu mondial, et les 20% les plus pauvres de 1,4%. Il en résulte que le modèle occidental de croissance coûte au monde chaque année 40 millions de morts de malnutrition ou de faim, c'est à dire l'équivalent de morts de 1 Hiroshima tous les deux jours.

Pour atteindre ce résultat la dette et les échanges inégaux sont plus meurtriers que les armes: il suffit pour maintenir l'esclavage et la mort, d'imposer le "libre-échange" et d'abandonner au seul marché la régulation de tous les rapports humains. Comme 1'écrivait déjà au siècle dernier, le Père Lacordaire:"Entre le fort et le faible c'est la liberté qui opprime".

Il est ainsi chimérique, en maintenant les règles de la"mondialisation", c'est à dire du marché libre à l'échelle mondiale, tel qu'il est imposé par l’Organisation mondiale du Commerce de spéculer sur une unité méditerranéenne autonome.

Instaurer les réglementations nécessaires pour créer une communauté méditerranéenne est en contradiction radicale avec la loi d'airain de l'O.M.C. qui en son principe même ne peut subsister que si elle ne comporte aucune exception.

Il n'est donc que deux possibilités: se retirer ou se soumettre.
Roger Garaudy, 1995
[En bleu: souligné par l'administrateur du blog]