13 juillet 2015

Marathon


Pour démystifier Marathon il suffirait [...] de ne pas se contenter de répéter la version d'Hérodote contre laquelle Plutarque nous met en garde, en rappelant qu'elle avait pour but "de flatter les Athéniens pour en avoir une grande semence de deniers".
Thucydide ramenait l'événement à sa vraie grandeur en ne lui consacrant que deux lignes dans sa Guerre du Péloponnèse. Ce qui n'empêche pas, en 1968, l'un des meilleurs spécialistes de l'hellénisme à la Sorbonne, François Chamoux, d'écrire dans son livre sur La civilisation grecque (p.100) qu'il s'agissait là d'une victoire décisive de l'Occident contre l'Orient: "Les Grecs, écrit-il, ne combattaient pas seulement pour eux-mêmes mais pour une conception du monde qui devait devenir plus tard le bien commun de l'Occident."
Un autre éminent spécialiste, le professeur Robert Cohen, écrit dans son livre: La Grèce et l'hellénisation du monde antique, à propos des expéditions d'Alexandre: "L'histoire de la Grèce, se confond, pour toujours, avec celle de l'Univers." (p. 396.)
A l'époque d'Alexandre existaient déjà depuis longtemps, les Hymnes védiques, les Upanishads et le Bouddha, la Chine de Lao-Tseu et de Confucius, et bien d'autres peuples qui ignoraient l'existence d'Alexandre et de sa légende. Mais l'optique de l'Occident limite le monde à son propre horizon.
Ce qui fait oublier, en nous, [...] que cette escarmouche était si peu décisive, qu'un siècle après Marathon, en 386, un simple gouverneur perse d'Ionie, Tiribaze, dictait, au nom du grand roi, ses volontés, aux délégués d'Athènes, de Sparte de Corinthe, d'Argos et de Thèbes. Xénophon, dans ses Helléniques (Livre V, chap. 1), nous apprend que "les Grecs se pressèrent à son invitation". Le diktat du roi des Perses, Artaxercès, disant: "il est juste que les villes d'Asie soient à lui, ceux qui n'accepteront pas cette paix je leur ferai la guerre sur terre et sur mer." Les envoyés rapportèrent ces conditions à leurs états respectifs. Tous jurèrent de les ratifier.
Isocrate commente: "Maintenant c'est lui (le Barbare) qui règle les affaires des Grecs ... ne l'appelons-nous pas le Grand Roi comme si nous étions ses captifs." (Panégyrique p. 120- 121.)

Roger Garaudy - L'avenir, mode d'emploi - Editions Vent du large - 1998 - pages 132-133