29 avril 2015

Majid Rahnema: de la différence entre misère et pauvreté...


Défendre la pauvreté pour mieux combattre la misère (Majid Rahnema)


Majid Rahnema est mort le 14 avril 2015 à l’âge de 91 ans. Ce diplomate iranien s’était livré ces vingt dernières années à une critique sévère du modèle productiviste et à une réhabilitation de la pauvreté, qu’il distinguait radicalement de la misère et percevait comme le meilleur bouclier contre cette dernière.
Il a publié sur le sujet deux essais :  Quand la misère chasse la pauvreté (2003) et La Puissance des pauvres (2008).

AVT_Majid-Rahnema_5207« L’existence reconnue de quatre milliards de personnes dont le revenu journalier est inférieur à deux dollars par jour constitue bien la preuve selon laquelle les immenses « progrès » économiques et technologiques n’ont abouti qu’à une augmentation sans précédent du nombre des naufragés de notre économie. (…) Il est temps de réaliser que la course à la croissance économique n’est pas la réponse à leur problème. Elle est elle-même le problème qu’il faudra enfin aborder sans peur ni préjugé ».
« Ce n’est pas en augmentant la puissance de la machine à créer des biens et des produits matériels que [le] scandale [de la misère] prendra fin, car la machine mise en action à cet effet est la même qui fabrique systématiquement la misère. Il s’agit aujourd’hui de chercher à comprendre les raisons multiples et profondes du scandale. C’est cette recherche qui m’amène aujourd’hui à montrer combien une transformation radicale de nos modes de vie, notamment une réinvention de la pauvreté choisie, est désormais devenue la condition sine qua non de toute lutte sérieuse contre les nouvelles formes de production de la misère. » (Majid Rahnema, Quand la misère chasse la pauvreté)
« L’essentiel, je crois, est d’arrêter de prendre les pauvres pour des incapables et de vouloir leur imposer des formes de richesse qui n’ont aucun sens pour eux. Des organisations comme la Banque Mondiale devraient ainsi cesser de définir la pauvreté comme elles le font (un revenu mimimun d’un ou deux dollars par jour), pour essayer plutôt d’associer toutes les victimes de la mondialisation à redéfinir ensemble ce qu’est la richesse. Il y a de fortes chances que les richesses ainsi redéfinies correspondraient pour la plupart à celles-là même que ces organisations sont en train de détruire au nom de la lutte contre la pauvreté.
Fort de sa connaissance des pauvres, Gandhi exhortait en son temps tous les docteurs-ès-pauvreté à laisser les pauvres tranquilles – plus précisément à ne pas peser sur leurs épaules (get off their back). Il avait compris que ses amis les pauvres seraient bien mieux servis si au lieu de lutter contre la pauvreté, on les aidait à renouer avec leurs ressources et leurs capacités millénaires, leur meilleur outil contre l’adversité. » (M. R, Source)

Emprunté à l'excellent site "Réveil mutin"