05 août 2014

Un Etat commun entre le Jourdain et la mer



75 ans : c’est le temps écoulé depuis le premier plan officiel de partition de la Palestine en deux États, l’un juif et l’autre arabe. Trois quarts de siècle pendant lesquels on a vu passer d’innombrables résolutions, conférences, déclarations, missions, « feuilles de route » et autres « relances du processus de paix ». Pourtant la perspective de voir « deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité » est plus lointaine que jamais.
C’est que la partition de la Palestine historique en deux États n’est pas une solution, mais un discours. C’est un discours de guerre drapé dans une rhétorique de paix, qui permet de justifier les faits accomplis comme ceux à venir. Ce discours si commode ne peut pas déboucher, ne débouchera jamais sur une solution véritable, car la partition de la Palestine n’est tout simplement pas possible.
Il faut en finir avec l’idée de la partition et la remplacer par celle du partage de ce pays, sa mise en commun entre tous ceux qui y habitent et qui en deviendront les citoyens libres et égaux. Le partage, loin de représenter une utopie, est la seule solution réaliste et réalisable car elle correspond à la situation actuelle dans le pays.
Fait étrange, cet État commun est présenté tantôt comme une utopie – face à la solution « réaliste » qui n’a pas avancé d’un pouce en trois quarts de siècle – et tantôt comme une grave menace. Il faut choisir : une utopie ne peut pas être une menace – et si l’État commun constitue une menace, c’est qu’il n’est pas une utopie.
Aujourd’hui, le thème de One State, de l’État commun, est discuté dans le monde entier y compris en Israël. Il est grand temps que le public français, tenu jusqu’ici soigneusement à l’écart, puisse être informé des termes d’un si crucial débat.

Offert avec cet ouvrage, Un État commun, conversation potentielle, film réalisé par Eyal Sivan, éclaire et précise le propos du livre qu’il accompagne. Ce film rassemble une série de vingt quatre entretiens sur l’État commun, avec des responsables politiques et des colons, des juristes et des artistes, des vieux et des jeunes, des juifs israéliens sépharades et ashkénazes, des arabes palestiniens d’Israël et des territoires occupés… Les mêmes questions leur sont posées, auxquelles ils répondent dans leur langue maternelle, en dialogue avec le réalisateur. L’écran est divisé en deux, un israélien juif d’un côté et un Palestinien de l’autre : l’un parle et l’autre écoute, et vice versa. La mise à l’écran vient réunir ceux que la fragmentation de la situation sépare, le film permet la rencontre que le conflit empêche jour après jour.
Eric Hazan
Eric Hazan est éditeur, gérant et fondateur des éditions La fabrique, et écrivain.
Eyal Sivan
Eyal Sivan est cinéaste israélien, Il est professeur à la School of Arts and Digital Industries de l’University of East London où il codirige le master de cinéma. Il est également enseignant à l’École des arts du son et de l’image du College Academic Sapir en Israël. Parmi ses derniers films : Route 181, fragments d’un voyage en Palestine-Israël (coréalisé avec Michel Khleifi, 2003), Pour l’amour du peuple (coréalisé avec Audrey Maurion, 2004) et Jaffa, la mécanique de l’orange (2009).