03 mai 2014

Sartre et Garaudy



Dr. Mohammad Amrani-Hanchi

[...] 

Dans un débat qui réunissait Sartre et
Garaudy à l'Institut Gramsci, sur invitation du
secrétaire général du Parti Communiste
italien, Palmiro Togliatti, qui avait la démocratie
 chrétienne surle dos, et voulait trouver une issue à la
problématique électorale propre à l'Italie, du
faite de l'influence qu'à le Vatican sur l'opinion
italienne, le dialogue suivant eu lieu.

Sartre :
Je rumine depuis longtemps, une étude sur les
fondements de l'histoire, sur sa possibilité, à par
tir de projets individuels et de leur aliénation, d'être
une totalité vivante

Garaudy:
Votre philosophie, Sartre, vous interdit ce
passage, par ses propres postulats : « Chacun n'est
soi qu'en s'opposant à l'autre....l'autre est pour moi
un obstacle permanent.  » Vous n'avez jamais renié
 ce «solipsisme» de l'Être et le Néant. Vous ne
 pouvez pas sauter par-dessus votre
ombre. Comment pouvez-vous concevoir une histoire à
partir de ce pullulement de destins individuels se
heurtant les uns aux autres comme les atomes
d'Épicure. Vos définitions des «groupes historiques»
sont valables aussi bien pour ceux qui
ont pris la Bastille que ceux qui font la queue à la
station d'autobus, pour le parti nazi ou pour une équipe
de football. Ce n'est pas en fondant l'Histoire sur le
développement dialectique des rapports entre Robinson
(Cruzoé) et Vendredi que vous pourrez distinguer
 une contre révolution d'une révolution.

Togliatti, entre en scène, et interrompt l'envolée
véhémente de la raillerie caricaturale de Garaudy.

Togliatti
s'adressant à Garaudy :
Comment expliques-tu les prises de position de Sartre ?
 Il s'est trouvé du bon côté dans la Résistance, pendant
la guerre du Viêt-nam et celle d'Algérie, au mouvement
de la paix, avec nos partis...

Garaudy:
Pardonne moi, Palmiro, il ne s'agit pas d'attaquer sa
 personne ni, en général, son action. Je dis
seulement que toutes ces positions, dont je suis
heureux, il les a prises non pas grâce à sa philosophie,
mais malgré elle. A Helsinki, au congrès du Mouvement
 de la paix, où nous étions une fois de plus épaule contre
épaule, je lui disais : « Pour agir, vous êtes obligé de
‘faire comme si’ l'Histoire avait déjà un sens.
Mais c'est justement ce que votre philosophie refuse.
Vous avez le cœur à gauche et la tête à droite.» 

 [...]

Roger Garaudy, 1989 : « Mon Tour du siècle en
Solitaire », p. 187
Titre du chapitre : « Frère ennemi de Sartre, 10 ans de débat »