30 avril 2013

L'internationalisme. Rappel de quelques définitions


Etymologie : du latin inter, entre, parmi, avec un sens de réciprocité et de natio, naissance, extraction, dérivant de natus, né.

L'internationalisme du mouvement ouvrier

Issu des révolutions du XIXe siècle, l'internationalisme ouvrier est un mouvement politique qui souhaite la fin des confrontations entre les nations impérialistes ainsi qu'entre les classes sociales. Il recherche la solidarité internationale entre les prolétaires. Il s'oppose aux guerres entre les peuples, au racisme et au nationalisme .

L'internationalisme ouvrier ou prolétarien a pour objectif un processus révolutionnaire qui supprimerait les Etats et les frontières pour instaurer le communisme. Il exprime la communauté d'intérêts et de conditions des travailleurs de tous les pays.

L'internationalisme constitue le principe fondamental de la pensée théorique et des actions du marxisme-léninisme. Dans le texte inaugural de l'Association Internationale des Travailleurs, Karl Marx écrivait :
    "L'expérience du passé a montré qu'une attitude dédaigneuse envers l'alliance fraternelle qui doit exister entre les ouvriers des divers pays et les inciter à se soutenir fermement les uns les autres dans leur lutte de libération est punie par une défaite générale de leurs efforts isolés."

La guerre de 1914 a conduit à la scission entre ceux qui ont rejoint l'Union Sacrée et accepté la guerre mondiale et ceux qui, au nom de l'internationalisme, ont refusé que les peuples se massacrent pour les intérêts des dirigeants et des détenteurs des capitaux.


L'internationalisme "institutionnel"

L'internationalisme "institutionnel" recherche une organisation du monde fondée sur des accords et des échanges entre des Etats-nations. Face à la montée des nationalismes et à la mondialisation, il a pour objectif de faire coopérer les différentes nations et cultures dans un total respect mutuel.

Il se distingue du mondialisme qui vise l'unité du monde à l'aide d'institutions supranationales ou fédérales.

L'internationalisme s'est développé au XXe siècle avec les Nations Unies (ONU) et ses organisations satellites, ou au niveau régional avec l'Union Européenne, l'ALENA, le MERCOSUR...


27 avril 2013

La foi des prophètes et le sionisme. Conférence du Rabbin Elmer Berger, ancien président de la Ligue pour le judaïsme aux États-Unis (extraits)


 
Il est inadmissible pour quiconque de prétendre que l'implantation
actuelle de l'État d'Israël est l'accomplissement
d'une prophétie biblique et, par conséquent, que toutes les actions
accomplies par les Israéliens pour instaurer leur État et
pour le maintenir sont d'avance ratifiées par Dieu.
La politique actuelle d'Israël a détruit, ou, au moins, obscurci
la signification spirituelle d'Israël.
Je me propose d'examiner deux éléments fondamentaux de
la tradition prophétique.
a-D'abord, lorsque les Prophètes ont évoqué la restauration
de Sion, ce n'était pas la terre qui avait par elle-même un
caractère sacré. Le critère absolu et indiscutable de la conception
prophétique de la Rédemption, c'était la restauration de
l'Alliance avec Dieu, alors que cette Alliance avait été rompue
par le Roi et par son peuple.
Michée le dit en toute clarté : « Écoutez-donc, chefs de la
maison de Jacob, et dirigeants de la maison d'Israël, vous qui
haïssez le bien et aimez le mal... qui bâtissez Sion dans le sang
et Jérusalem dans le crime... Sion sera labourée comme un
champ, Jérusalem deviendra un monceau de ruines, et la montagne
du Temple un haut lieu d'idolâtrie. »
(Source: Michée III, 1-12.)
Sion n'est sainte que si la Loi de Dieu règne sur elle. Et cela
ne signifie pas que toute Loi édictée à Jérusalem est une Loi
sainte.
b.-Ce n'est pas seulement la terre qui dépend de l'observance
et de la fidélité à l'Alliance : le peuple réinstallé à Sion
est tenu aux mêmes exigences de justice, de droiture, et de
fidélité à l'Alliance de Dieu.
Sion ne pouvait attendre une restauration d'un peuple
s'appuyant sur des traités, des alliances, des rapports militaires
de force, ou d'une hiérarchie militaire cherchant à établir sa
supériorité sur les voisins d'Israël.
...La tradition prophétique montre clairement que la sainteté
de la terre ne dépend pas de son sol, ni celle de son peuple, de
sa seule présence sur ce territoire.
Seule est sacrée, et digne de Sion, l'Alliance divine qui s'exprime
dans le comportement de son peuple.
Or l'actuel État d'Israël n'a aucun droit à se réclamer de
l'accomplissement du projet divin pour une ère messianique...
C'est là pure démagogie du sol et du sang.
Ni le peuple ni la terre ne sont sacrés et ne méritent aucun
privilège spirituel du monde.
Le totalitarisme sioniste qui cherche à se soumettre tout le
peuple juif, fût-ce par la violence et la force, en fait un peuple
parmi les autres et comme les autres.

Rabbin Elmer Berger : P r o p h e c y , Z i o n i s m  a n d  t h e 
 state of Israël, éd. American Jewish Alternatives to Zionism.

Conférence prononcée à l'université de Leiden (Pays-Bas)

le 20 mars 1968.

Avec des textes de
- Yehudi Menuhin, fils du  rabbin Mosché Menuhin,
Auteur de « La décadence du judaïsme » ;
- Roger Garaudy, initiateur du dialogue entre chrétiens et
marxistes avant le concile Vatican II, auteur par exemple de « De
L’anathème au dialogue » ;
- Le Père blanc  Michel Lelong, auteur notamment de « Si Dieu l’
Avait voulu » (sur l’unité de la foi), et « La vérité rend libre » (Editions
Olivier de Guibert) ;
- Dom Helder Camara, ex archevêque de Récife, l’un des fondateurs de
La théologie de la libération ;
- Léonardo Boff, franciscain brésilien qui a quitté l’Eglise, auteur entre autres de
« La face maternelle de Dieu », « Ecologie et pauvreté », « Avec la liberté de l’Evangile »

26 avril 2013

Résurrection

Chaque fois que nous sommes capables de rompre avec nos routines, nos résignations, nos complaisances, nos aliénations à l'égard de l'ordre établi ou de notre individualité étriquée, et qu'à partir de cette rupture nous accomplissons un acte créateur, dans les arts, les sciences, la révolution ou l'amour, chaque fois que nous apportons quelque chose de neuf à la forme humaine, le Christ est vivant, la création en nous, par nous, à travers nous se poursuit. La résurrection s'accomplit chaque jour.

Roger Garaudy, Parole d'homme, Robert Laffont éditeur, p 247

25 avril 2013

L'autogestion et la Commune

L'autogestion, c'est-à-dire la gestion par la base, ne se réduit nullement à un système de coopératives: c'est une conception de la société globale, dans laquelle chaque individu devient un centre d'initiative, de création et de responsabilité à tous les niveaux: celui de l'économie, de la politique, de la culture, une conception qui ne soit ni individualiste ni totalitaire, mais fondée, pour toutes les activités sociales, sur des communautés de base.
Sur le plan politique la Commune de Paris en a donné l'exemple en réalisant un gouvernement "pour le peuple et par le peuple", sans la médiation, la délégation de pouvoir, l'aliénation d'un parlement ou d'un parti. Toutes ses mesures sont inspirées par trois principes fondamentaux:
   - 1/ Démocratie directe, c'est-à-dire non pas transfert du pouvoir au nom d'une prétendue délégation de pouvoir ou procuration en blanc de la base, mais distribution effective du pouvoir à la base;
   - 2/ Autogestion économique, c'est-à-dire constitution d'organismes qui ne soient ni privés ni étatiques, mais gérés par les usagers eux-mêmes groupés en communautés de base;
   - 3/ Fédéralisme politique tendant à substituer au gigantisme des Etats nationaux centralisés des unités à échelle humaine.
C'est cette Commune de Paris que Marx, puis Lénine, considéraient comme la première "démocratie socialiste", la "dictature du prolétariat" étant la forme que prend nécessairement la démocratie socialiste devant une agression contre-révolutionnaire de l'extérieur comme de l'intérieur.

Roger Garaudy, Parole d'homme, Editeur Robert Laffont, pp 195-196

24 avril 2013

La révolution de l'amour

Une révolution ne sera complète et irréversible que si elle exige non seulement la justice, mais aussi l'amour, c'est-à-dire non pas: à chacun selon son dû, mais: tout à chacun; sans cela, il y aura transfert de propriété, de pouvoir, de culture, mais la noire trinité de l'avoir, du pouvoir et du savoir subsistera avec toutes les dominations et les aliénations qu'elle implique.

Roger Garaudy.
Face à Jésus, ouvrage collectif , CERF, 1974, pages 67-68. 

23 avril 2013

Le mystère Garaudy

  « Il y a un mystère Garaudy qui en recouvre plusieurs... »
En tout cas, c'est ce qu'affirme Claude Glayman, en mars-avril 1970, qui précise que ces lignes ont été écrites avant que Roger Garaudy ne soit exclu du PCF.
Ces lignes sont extraites d'un ouvrage intitulé « Garaudy par Garaudy », ouvrage qui rapporte les entretiens de Claude Glayman avec, donc, Roger Garaudy.
Je vais pas, ici, reprendre tous les mystères dont il est question là.
Juste ajouter une autre citation de l'introduction que l'auteur a titrée « Le printemps de Garaudy » :
« Garaudy aime la vie. Cette immédiateté, certains la jugeront béate, niaise, voire coupable. Pour ma part je lui en suis reconnaissant et n'oublierai pas comment il m'annonça qu'il allait être grand-père. A entendre les mots qu'il employa, on ne pouvait que songer à la Nativité.
« Jésus, dit-il, est un homme de rupture. Mais il fut aussi un homme de vie. Si Jésus n'est qu'un homme mortel, à l'image de notre prochain que nous pouvons croiser dans le métro, sur l'autoroute, à l'usine ou au bureau, alors qui pourra à la longue soutenir que l'enfer, c'est « les autres » ? En vérité l'enfer serait alors l'absence des autres.
« Cependant nous n'en sommes pas là ! Y parviendrons-nous ? Le poids des chapelles et de l'argent pèse lourd. Qui sait si nous ne capoterons pas, comme nous le craignons... »
Ci-dessous un autre aspect du « mystère » Garaudy par Maurice Béjart
Michel Peyret 

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          Le livre est en vente (occasion) ici

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Béjart et Garaudy. Danser sa vie

En 1973, Roger Garaudy publie au Seuil  Danser sa vie. 
Le livre est préfacé par Maurice Béjart. Voici cette préface:
      Il y a quelques années, en vacances dans une île de la Méditerranée orientale restée, à l’époque, en dehors du circuit touristique, je vécus pendant des semaines, l’été, la vie de pêcheurs, de paysans authentiques dont le rythme était celui de l’air, de l’eau, de la lumière, des végétaux.
      Le soir, la journée terminée, le village se retrouve assemblé sur la place entre les deux cafés, le gros arbre, la fontaine et la rue qui mène au port. Les gens passent, se regardent, se saluent, sourient, disparaissent, reviennent, vont s’asseoir. Un petit mur de pierre, un banc, une chaise devant l’un des cafés, le bord de la fontaine. La nuit vient de tomber (rapidité du coucher de soleil en Orient). Silence. Puis les hommes se mettent à parler. Alors, presque toujours au bout d’un certain laps de temps, le ton s’élève : discussions, disputes – personne n’est d’accord – incompréhension. Certains soirs, c’est la bagarre, violente et sans raison. Interrogés le lendemain, ils ont cette réponse : « On a eu des mots ! »
      Ils sont de la même race, du même milieu social, du même âge…et les mots ont pour chacun une signification différente. Les mêmes mots. Mythe de Babel !
      D’autres soirs, le silence se prolonge, puis un homme se lève et danse – un autre – un troisième – les autres regardent mais leurs yeux affirment leur union profonde, leur participation totale. La danse continue tard dans la nuit, les danseurs se relaient de temps en temps, et lorsque chacun rentre enfin chez soi, l’unité demeure, la joie est véritable, le repos parfait. La parole divise. La danse est union.
      Union de l’homme et de son prochain. Union de l’individu et de la réalité cosmique.
      La danse est un rite : rituel sacré, rituel social. On y retrouve cette double signification qui est à l’origine de toute activité humaine.
      Danse sacrée – l’homme est seul en face de l’Incompréhensible : angoisse, peur, attirance, mystère. Les mots ne servent à rien. A quoi bon nommer cela Dieu, Absolu, Nature, Hasard ?...Ce qu’il faut, c’est entrer en contact. Ce que l’homme recherche au-delà de la compréhension, c’est la communication. La danse naît de ce besoin de dire l’indicible, de connaître l’inconnu, d’être en rapport avec l’autre.
      Danse profane  - l’homme est membre d’un groupe ethnique, social, culturel donné. Il a besoin de se sentir faire totalement partie de ce groupe : d’être en rapport avec les autres. Bien plus que les lois, les coutumes, les vêtements, le langage, c’est le geste qui va donner existence à cette union. Les mains se joignent, le rythme unit les souffles, la danse folklorique naît, avec son leitmotiv universel – la ronde, la farandole…
      Danse sacrée, danse profane : le soliste seul devant l’inconnu métaphysique, le groupe uni dans sa fonction sociale – l’origine et la réalité de toute danse doit être recherchée dans ces deux formes essentielles.
      C’est un lieu commun que de parler de la solitude de l’homme moderne au sein d’une civilisation déchirante. Pourtant l’homme ne souffre pas seulement de cette solitude, mais aussi, surtout, d’une division profonde de son être. Nous avons dissocié l’éducation du corps, celle de l’esprit et celle de ce centre (là encore on bute sur les mots) que nous nommons, suivant nos coutumes, l’âme, le cœur, l’intuition, la connaissance transcendante. Les sciences physiques et naturelles font abstraction de ce principe et de sa diffusion dans l’univers. Notre religion ne satisfait pas aux besoins de l’intelligence. Notre intellect nie le corps tandis que la médecine ne veut rien savoir ni de l’âme ni de l’esprit.
      Un univers de culs-de-jatte paralysés, tout au long du jour, au bureau, en voiture, à la maison, devant la télévision, à table et qui, durant la semaine, ne fait fonctionner qu’une petite partie du cortex cervical, se précipite, les week-ends et jours de fête, dans une activité pseudo-sportive incohérente et sans rapport aucun avec l’existence profonde de tout un chacun : ici l’esprit, là le corps, ici le sexe, là-bas le cœur, - vivisection perpétuelle dont tout être ressent actuellement le malaise profond.
      La danse est une des rares activités humaines où l’homme se trouve engagé totalement : corps, cœur et esprit. La danse est un sport (complet).
      La danse est aussi une méditation, un moyen de connaissance à la fois introvertie et extravertie. Il y a quelques années, en Inde, je rencontrai un maître, yogi réputé et véritable, et m’ouvris à lui de mon désir de faire du yoga, profondément, et non pas cette petite culture physique pour gens du monde hypertendus. Il me répondit : « Le mot yoga veut dire union. Cette union, vous pouvez la trouver par la danse car la danse aussi est union. Vous êtes danseur : Shiva, le Seigneur du monde, le grand yogi, est aussi nommé Nataraja, le roi de la danse…Vous êtes danseur, vous avez de la chance. Que votre danse soit votre yoga, n’en cherchez point d’autre. » Puis, me regardant, plus tard, au moment de nous séparer, il ajouta : « Ah ! si tous les Occidentaux pouvaient réapprendre à danser. »
      Les spectacles de danse ont chaque jour un succès plus grand, un public plus jeune, plus nombreux. Au XXe siècle, le ballet prend la place occupée au XIXe par l’opéra, aux XVIIe et XVIIIe par le théâtre parlé. La danse a repris dans le cortège des arts la place qu’une civilisation chrétienne et puritaine lui avait retirée. Mais est-ce suffisant ?
      La danse n’est pas uniquement un spectacle et l’engouement d’un public nouveau et fervent ne mènera nulle part si une révolution profonde ne lui rend pas sa place au sein d’une société qui se cherche.
      Il est aussi important pour l’enfant de danser que de parler, de compter ou d’apprendre la géographie. Il est essentiel, pour cet enfant, né dansant, de ne pas désapprendre ce langage sous l’influence d’une éducation répressive et frustrante. Que chacun, sortant d’un spectacle de danse qu’il a aimé, se penche sur ce problème et l’envisage au niveau de l’existence et non à celui du spectacle, et transpose cette joie sur le plan de la participation durable.
      La place de la danse est à la maison, dans la rue, dans la Vie. Alors, comme disait Nietzsche dans Naissance de la tragédie, « l’esclave est libre, alors se brisent toutes les barrières rigides et hostiles que la misère, l’arbitraire, la mode insolente ont établies entre les hommes. Maintenant, par l’évangile de l’harmonie universelle, chacun se sent avec son prochain, non seulement réuni, réconcilié, fondu, mais encore identique en soi, comme si s’était déchiré le voile de Maïa, et comme s’il n’en flottait plus que les lambeaux devant le mystérieux UN-primordial ».
(Texte proposé par Luc Collès)

Noter également cet autre livre, de Maurice BEJART: Danser le XX siècle. Préface de Léopold Sedar SENGHOR. Recit de Jacques FRANCK. Textes de Maurice BEJART, Marie-Françoise CHRISTOUT, Jacques FRANCK, Roger GARAUDY, Antoine LIVIO. Paris, Hatier, 1977.
(Pour acheter ce livre : http://www.livre-rare-book.com/book/5472444/4518)

21 avril 2013

Pour une levée spirituelle

J'entends par "spirituel", non pas ce qui est confessionnel, voire clérical, mais, au contraire, ce qui est la caractéristique de toute politique à hauteur d'homme: la conscience, en chacun, d'être personnellement responsable de l'avenir de tous les autres...Notre pays, aujourd'hui, n'a pas besoin d'un Bonaparte, mais de milliers de Gandhi, éveilleurs des vivants.

Pages 254 et 256

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20 avril 2013

Avoir la foi, si je cherche à déchiffrer l'image chrétienne...


Avoir la foi, si je cherche à déchiffrer l'image chrétienne, c'est percevoir dans leur identité la résurrection et la crucifixion. Affirmer le paradoxe de la présence de Dieu dans Jésus crucifié, au fond du malheur et de l'impuissance, abandonné de Dieu.
C'est libérer l'homme des illusions du pouvoir et de l'avoir. Dieu n'est plus l'empereur des Romains, ni cet homme dans sa beauté et sa force qu'il était pour les Grecs. Ce n'est pas une promesse de puissance.
C'est cette certitude qu'il est possible de créer un avenir qualitativement nouveau seulement si l'on s'identifie à ceux qui, dans le monde, sont les plus dépouillés, et les plus écrasés, si on lie son sort au leur jusqu'à ne concevoir d'autre victoire que la leur.

Roger Garaudy, "L'alternative", pages 125 et 126

Une révolution est d'abord,pour une société, ce qu'une conversion est pour l'individu: changer le but et le sens de la vie.


Depuis la Renaissance mais surtout depuis le milieu du XXe siècle, la science occidentale est devenue une merveilleuse puissance qui, mise au service de fins proprement humaines, devrait permettre de donner à chaque homme sur terre toutes les possibilités d'être pleinement un homme.
Malheureusement on aboutit à un divorce entre la science et la sagesse, c'est-à-dire entre l'organisation des moyens et la réflexion sur les fins.
L'absence de finalité humaine de la science transforme celle-ci en une véritable "religion des moyens", fondée sur ce postulat implicite que tout ce qui est techniquement possible est nécessairement souhaitable, et provoque une indifférence radicale à l'égard des effets destructeurs de cette formidable puissance sur la nature et sur les hommes.
Car une offensive d'une telle envergure contre la nature exige une mobilisation telle des forces humaines que la violence contre la nature porte en elle la violence contre les hommes.
Cette science est en fait une négation positiviste de la valeur de toute forme de connaissance qui ne soit pas quantitative et qui ne tende pas à la manipulation des choses (et des hommes assimilés à des choses par les "sciences" dites "humaines").
Elle conduit à une spécialisation trés étroite et au refus de responsabilité de la majorité des spécialistes devenus des technocrates, c'est-à-dire des rouages d'un appareil dont les finalités leur échappent, et à l'intérieur duquel ils ne se posent que la question du "comment", jamais celle du "pourquoi", comme si le fonctionnement de la machine était le but.

Les postulats de la culture faustienne de l'Occident
Ce modèle "faustien" de la civilisation occidentale, depuis la Renaissance, se définit par trois postulats.
Le postulat de la primauté de l'action et du travail comme valeur fondamentale: "C'est en agissant sans relâche que l'homme déploie toute sa grandeur", dit le Faust de Goethe. Toutes les révolutions bourgeoises ont été faustiennes: celle de Cromwell, celle de l'Indépendance américaine, celle de Robespierre. Puritains ou Jacobins ont eu la religion du travail.
Mais dans tout régime capitaliste ce travail est "aliéné", c'est-à-dire que la fixation du but du travail et de ses méthodes, et l'appropriation de son fruit, sont le privilège du propriétaire des moyens de production, et que le travailleur en est exclu.
Le postulat de la primauté de la raison: la raison peut résoudre tous les problèmes, avec ce corollaire: les seuls problèmes réels sont ceux que la science peut résoudre.
Le postulat de la primauté du "mauvais infini", c'est-à-dire de l'infini purement quantitatif. Au nom de ce postulat (relayant celui du "progrès" indéfini), l'on a pu croire à une augmentation sans fin de la croissance et définir la croissance comme une croissance purement quantitative de la production et de la consommation.
Au nom de ce postulat, nos sociétés fonctionnent selon le principe qui était celui des sophistes de la Grèce, ancienne: créer les désirs et les besoins même les plus artificiels et les plus nocifs pour produire ensuite les moyens de les assouvir.
La civilisation occidentale, fondée sur ces trois postulats, réduit l'homme au travail et à la consommation, l'esprit à l'intelligence, l'infini au quantitatif.
Cette civilisation, la première dans l'histoire qui ne soit fondée sur aucune finalité humaine, transforme la nature en réservoir et en dépotoir, crée dans la société un individualisme de jungle ou un totalitarisme de termitière, mutile l'homme de toute dimension transcendante.
Du fait de son hégémonie universelle, si elle n'engage pas avec les civilisations non-occidentales un dialogue lui permettant d'établir d'autres rapports avec la nature, avec les autres hommes, et avec l'avenir et le divin, elle conduira le monde à un suicide planétaire.

Les révolutions de l'Occident
Ces révolutions n'ont pas mis en cause les fondements de cette civilisation ni le modèle de croissance qu'elle implique.
La Révolution française, loin de mettre en cause ce modèle né de la Renaissance, avait pour objet d'assurer sa victoire. Son problème majeur était d'assurer le libre jeu des lois du capitalisme qui a créé ce modèle de croissance et en est inséparable.
Le capitalisme est le système économique et social dans lequel le marché est devenu à tel point dominant que tout, y compris la force de travail de l'homme, y est acheté et vendu. En achetant la force de travail de l'homme, le capitaliste, c'es-à-dire le propriétaire des moyens de production (les locaux et instruments de travail), s'approprie la totalité du produit du travail, alors que ce produit est le résultat de tout le travail antérieur de l'humanité (sciences, techniques, etc.) et du travail manuel et intellectuel des hommes vivants.
Pour permettre le libre jeu des lois du capitalisme, il était nécessaire de mettre les structures politiques de la France en harmonie avec ses structures économiques (dans lesquelles la bourgeoisie détenait les forces d'avenir: la banque, l'industrie, le commerce, alors que la noblesse terrienne, ne détenant que les formes archaïques de l'économie, avait jusque-là en mains les leviers essentiels de l'Etat).
La Révolution française a accompli cette grande tâche et Napoléon l'a conduite à son terme en créant un appareil d'Etat si bien accordé aux exigences du développement de l'économie capitaliste qu'il a subsisté, pour l'essentiel, pendant un siècle et demi.
La Révolution russe s'est intégrée au modèle occidental.
Karl Marx, au XIXe siècle, a offert la seule alternative valable au régime capitaliste fondé sur l'exclusive économie de marché, la concurrence anarchique conduisant à une guerre de tous contre tous et à l'exploitation du travail par les propriétaires des moyens de production.
Il a défini le socialisme par ses fins: créer les conditions économiques, politiques, culturelles, pour que chaque homme qui porte en lui le génie de Mozart puisse devenir Mozart.
Il l'a défini par ses moyens: mettre fin à la propriété privée des moyens de production.
Mais ceux qui, un siècle après, se réclament de lui, faisant leur le modèle capitaliste de croissance, n'ont pas compris qu'un socialisme réel (défini par ses fins) n'est pas possible à l'intérieur de ce système de croissance qui est la loi du capitalisme lui-même.
Ils ont défini le socialisme seulement par ses moyens sans voir que la socialisation des moyens de production ne mettait pas fin à l'aliénation si elle ne s'accompagnait pas d'une socialisation des décisions (y compris des décisions sur les fins).
Enfin, en d'autres continents et d'autres civilisations, non-occidentales, d'autres révolutions, en Asie et en Afrique, ou d'autres mouvements révolutionnaires (par exemple ceux qui, en Amérique Latine, ont engendré des "théologies de la libération", et une "pédagogie des opprimés") peuvent aider l'Occident à prendre conscience de ce qu'est une véritable révolution changeant à la fois les institutions et les hommes.
Une révolution est d'abord,pour une société, ce qu'une conversion est pour l'individu: changer le but et le sens de la vie.

Roger Garaudy , Comment l'homme devint humain, Editions J.A,pages 327 à 332
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15 avril 2013

" Qu'on prépare des poèmes et des images, non qui comblent mais qui énervent "





Tel est en vérité l'état contemporain
des choses : la classe moyenne se délecte des
marchandises et des images téléportées,
cependant que la révolution, le communisme,
tels des astres morts, gravitent au loin,
privés de toute image affirmative, et comme
englués dans l'imagerie où le monde dominant
et son armée de préfets de police s'imaginent
pouvoir les cantonner pour toujours.
Dans une pièce de jeunesse, Empereur et
Galiléen,Ibsen traite de l'histoire de Julien
l'Apostat, appelé ainsi parce qu'il a voulu
restaurer le paganisme après Constantin,
après la conversion de l'Empire au christianisme.
Et selon Ibsen, Julien l'Apostat,
balancé entre l'esthétique venue des Grecs
et la révélation des chrétiens, déclare magnifiquement
: « L'ancienne beauté n'est plus
belle, et la nouvelle vérité n'est pas encore
vraie. » Qu'est-ce que le temps présent,
pour nous autres, qui tentons de maintenir
ouverte la porte par laquelle on s'évade de
la caverne de Platon, du règne démocratique
des images ? C'est un temps où
l'ancienne politique révolutionnaire n'est
plus active, et où la nouvelle politique
expérimente, difficilement, sa vérité. Nous
sommes les expérimentateurs de l'intervalle.
Nous sommes entre deux mondes,
dont l'un tombe peu à peu dans l'oubli, et
dont l'autre n'est que fragmentaire. Il s'agit
de passer. Nous sommes des passeurs.
Nous créons par fragments une politique
sans fétiches, pas même, surtout pas, le
fétiche démocratique. Comme le dit dans
L e Balcon un des révoltés :
Comment approcher la Liberté, le Peuple,
la Vertu, et comment les aimer si on les
magnifie ! Si on les rend intouchables ? Il
faut les laisser dans leur réalité vivante.
Qu'on prépare des poèmes et des images,
non qui comblent mais qui énervent.

Alain Badiou - Pornographie du temps présent - Editeur Fayard/France Culture - 2013 - pages 43 et 44