23 avril 2013

Le mystère Garaudy

  « Il y a un mystère Garaudy qui en recouvre plusieurs... »
En tout cas, c'est ce qu'affirme Claude Glayman, en mars-avril 1970, qui précise que ces lignes ont été écrites avant que Roger Garaudy ne soit exclu du PCF.
Ces lignes sont extraites d'un ouvrage intitulé « Garaudy par Garaudy », ouvrage qui rapporte les entretiens de Claude Glayman avec, donc, Roger Garaudy.
Je vais pas, ici, reprendre tous les mystères dont il est question là.
Juste ajouter une autre citation de l'introduction que l'auteur a titrée « Le printemps de Garaudy » :
« Garaudy aime la vie. Cette immédiateté, certains la jugeront béate, niaise, voire coupable. Pour ma part je lui en suis reconnaissant et n'oublierai pas comment il m'annonça qu'il allait être grand-père. A entendre les mots qu'il employa, on ne pouvait que songer à la Nativité.
« Jésus, dit-il, est un homme de rupture. Mais il fut aussi un homme de vie. Si Jésus n'est qu'un homme mortel, à l'image de notre prochain que nous pouvons croiser dans le métro, sur l'autoroute, à l'usine ou au bureau, alors qui pourra à la longue soutenir que l'enfer, c'est « les autres » ? En vérité l'enfer serait alors l'absence des autres.
« Cependant nous n'en sommes pas là ! Y parviendrons-nous ? Le poids des chapelles et de l'argent pèse lourd. Qui sait si nous ne capoterons pas, comme nous le craignons... »
Ci-dessous un autre aspect du « mystère » Garaudy par Maurice Béjart
Michel Peyret 

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          Le livre est en vente (occasion) ici

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Béjart et Garaudy. Danser sa vie

En 1973, Roger Garaudy publie au Seuil  Danser sa vie. 
Le livre est préfacé par Maurice Béjart. Voici cette préface:
      Il y a quelques années, en vacances dans une île de la Méditerranée orientale restée, à l’époque, en dehors du circuit touristique, je vécus pendant des semaines, l’été, la vie de pêcheurs, de paysans authentiques dont le rythme était celui de l’air, de l’eau, de la lumière, des végétaux.
      Le soir, la journée terminée, le village se retrouve assemblé sur la place entre les deux cafés, le gros arbre, la fontaine et la rue qui mène au port. Les gens passent, se regardent, se saluent, sourient, disparaissent, reviennent, vont s’asseoir. Un petit mur de pierre, un banc, une chaise devant l’un des cafés, le bord de la fontaine. La nuit vient de tomber (rapidité du coucher de soleil en Orient). Silence. Puis les hommes se mettent à parler. Alors, presque toujours au bout d’un certain laps de temps, le ton s’élève : discussions, disputes – personne n’est d’accord – incompréhension. Certains soirs, c’est la bagarre, violente et sans raison. Interrogés le lendemain, ils ont cette réponse : « On a eu des mots ! »
      Ils sont de la même race, du même milieu social, du même âge…et les mots ont pour chacun une signification différente. Les mêmes mots. Mythe de Babel !
      D’autres soirs, le silence se prolonge, puis un homme se lève et danse – un autre – un troisième – les autres regardent mais leurs yeux affirment leur union profonde, leur participation totale. La danse continue tard dans la nuit, les danseurs se relaient de temps en temps, et lorsque chacun rentre enfin chez soi, l’unité demeure, la joie est véritable, le repos parfait. La parole divise. La danse est union.
      Union de l’homme et de son prochain. Union de l’individu et de la réalité cosmique.
      La danse est un rite : rituel sacré, rituel social. On y retrouve cette double signification qui est à l’origine de toute activité humaine.
      Danse sacrée – l’homme est seul en face de l’Incompréhensible : angoisse, peur, attirance, mystère. Les mots ne servent à rien. A quoi bon nommer cela Dieu, Absolu, Nature, Hasard ?...Ce qu’il faut, c’est entrer en contact. Ce que l’homme recherche au-delà de la compréhension, c’est la communication. La danse naît de ce besoin de dire l’indicible, de connaître l’inconnu, d’être en rapport avec l’autre.
      Danse profane  - l’homme est membre d’un groupe ethnique, social, culturel donné. Il a besoin de se sentir faire totalement partie de ce groupe : d’être en rapport avec les autres. Bien plus que les lois, les coutumes, les vêtements, le langage, c’est le geste qui va donner existence à cette union. Les mains se joignent, le rythme unit les souffles, la danse folklorique naît, avec son leitmotiv universel – la ronde, la farandole…
      Danse sacrée, danse profane : le soliste seul devant l’inconnu métaphysique, le groupe uni dans sa fonction sociale – l’origine et la réalité de toute danse doit être recherchée dans ces deux formes essentielles.
      C’est un lieu commun que de parler de la solitude de l’homme moderne au sein d’une civilisation déchirante. Pourtant l’homme ne souffre pas seulement de cette solitude, mais aussi, surtout, d’une division profonde de son être. Nous avons dissocié l’éducation du corps, celle de l’esprit et celle de ce centre (là encore on bute sur les mots) que nous nommons, suivant nos coutumes, l’âme, le cœur, l’intuition, la connaissance transcendante. Les sciences physiques et naturelles font abstraction de ce principe et de sa diffusion dans l’univers. Notre religion ne satisfait pas aux besoins de l’intelligence. Notre intellect nie le corps tandis que la médecine ne veut rien savoir ni de l’âme ni de l’esprit.
      Un univers de culs-de-jatte paralysés, tout au long du jour, au bureau, en voiture, à la maison, devant la télévision, à table et qui, durant la semaine, ne fait fonctionner qu’une petite partie du cortex cervical, se précipite, les week-ends et jours de fête, dans une activité pseudo-sportive incohérente et sans rapport aucun avec l’existence profonde de tout un chacun : ici l’esprit, là le corps, ici le sexe, là-bas le cœur, - vivisection perpétuelle dont tout être ressent actuellement le malaise profond.
      La danse est une des rares activités humaines où l’homme se trouve engagé totalement : corps, cœur et esprit. La danse est un sport (complet).
      La danse est aussi une méditation, un moyen de connaissance à la fois introvertie et extravertie. Il y a quelques années, en Inde, je rencontrai un maître, yogi réputé et véritable, et m’ouvris à lui de mon désir de faire du yoga, profondément, et non pas cette petite culture physique pour gens du monde hypertendus. Il me répondit : « Le mot yoga veut dire union. Cette union, vous pouvez la trouver par la danse car la danse aussi est union. Vous êtes danseur : Shiva, le Seigneur du monde, le grand yogi, est aussi nommé Nataraja, le roi de la danse…Vous êtes danseur, vous avez de la chance. Que votre danse soit votre yoga, n’en cherchez point d’autre. » Puis, me regardant, plus tard, au moment de nous séparer, il ajouta : « Ah ! si tous les Occidentaux pouvaient réapprendre à danser. »
      Les spectacles de danse ont chaque jour un succès plus grand, un public plus jeune, plus nombreux. Au XXe siècle, le ballet prend la place occupée au XIXe par l’opéra, aux XVIIe et XVIIIe par le théâtre parlé. La danse a repris dans le cortège des arts la place qu’une civilisation chrétienne et puritaine lui avait retirée. Mais est-ce suffisant ?
      La danse n’est pas uniquement un spectacle et l’engouement d’un public nouveau et fervent ne mènera nulle part si une révolution profonde ne lui rend pas sa place au sein d’une société qui se cherche.
      Il est aussi important pour l’enfant de danser que de parler, de compter ou d’apprendre la géographie. Il est essentiel, pour cet enfant, né dansant, de ne pas désapprendre ce langage sous l’influence d’une éducation répressive et frustrante. Que chacun, sortant d’un spectacle de danse qu’il a aimé, se penche sur ce problème et l’envisage au niveau de l’existence et non à celui du spectacle, et transpose cette joie sur le plan de la participation durable.
      La place de la danse est à la maison, dans la rue, dans la Vie. Alors, comme disait Nietzsche dans Naissance de la tragédie, « l’esclave est libre, alors se brisent toutes les barrières rigides et hostiles que la misère, l’arbitraire, la mode insolente ont établies entre les hommes. Maintenant, par l’évangile de l’harmonie universelle, chacun se sent avec son prochain, non seulement réuni, réconcilié, fondu, mais encore identique en soi, comme si s’était déchiré le voile de Maïa, et comme s’il n’en flottait plus que les lambeaux devant le mystérieux UN-primordial ».
(Texte proposé par Luc Collès)

Noter également cet autre livre, de Maurice BEJART: Danser le XX siècle. Préface de Léopold Sedar SENGHOR. Recit de Jacques FRANCK. Textes de Maurice BEJART, Marie-Françoise CHRISTOUT, Jacques FRANCK, Roger GARAUDY, Antoine LIVIO. Paris, Hatier, 1977.
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