21 septembre 2012

Qui sera ton Dieu ? Par Roger Garaudy. Septième partie: Pour échapper au suicide planétaire, "la perspective d’un avenir à visage humain, d’une véritable universalité riche de l’apport de toutes les civilisations"




Si l'on rejette comme opérations mercantiles subalternes les spéculations millénaristes sur le « troisième millénaire », et si l'on examine l'histoire à vol d'aigle non par numération des batailles et des dominations, mais par les grands moments créateurs de l'avenir, il apparaît que nous sommes, si nous savons mener ce combat, à l'aube d'une troisième ère de l'humanité .
Depuis la naissance de l'homme et pour assurer matériellement sa survie se sont succédées deux formes fondamentales de civilisation . Lorsque les hommes cessèrent de vivre comme les autres animaux de ce que leur donnait spontanément la nature par la cueillette la chasse ou la pêche, ces nomades devenaient sédentaires, d'abord là où les grands fleuves donnaient à la terre les meilleures conditions de vie pour l'agriculture et la pêche. Le berceau des premières civilisations ce fut les grands fleuves.
La Mésopotamie (son nom même l'indique), c'est « le pays d'entre les fleuves »: le Tigre et l’Euphrate. La Chine a son berceau dans le delta du Fleuve Jaune; l'Inde de Mohendjo Daro et d'Harappa, sur les rives de l’Indus, l'Égypte sur celle du Nil.
Les grandes voies fluviales permirent aussi des liaisons et des échanges avec les autres îlots de culture, et, le long des mers, naquit, et se développa un deuxième âge de l'homme : les civilisations de la mer dans les régions côtières, qu'il s'agisse, en Occident, de l'Empire romain dans ce qu'ils appelaient « notre mer »: la Méditerranée, ou de l’Empire chinois qui exerça son influence sur toute l'Asie baignée par l’Océan. Il fallut des siècles pour passer de « l'économie fluviale » à « l'économie côtière ».
Aujourd'hui subsiste une terrible dualité entre la terre et la mer: à l'exception de l'Europe, 60% de la population mondiale habite aujourd'hui dans les régions côtières considérées comme développées et prospères alors qu'elles ne représentent que 19% de la superficie du globe. C'est un facteur important de sa « cassure » avec les grandes poches désertiques ou sous-peuplées et enclavées de l'Afrique, l'Asie, et des forêts vierges de l'Amérique du Sud.
Longtemps les spécialistes de la « géopolitique » spéculèrent sur les moyens de domination de la  terre ou de la mer qu'il s'agisse de Mackinder au moment de l’hégémonie coloniale de l’Angleterre et de sa maîtrise des mers, ou de Hausofer pour le rêve impérial allemand d’hégémonie territoriale des grandes masses terrestres.
Ces projets de partage ou de domination du monde subsistent encore en arrière fond du thème du « choc des civilisations » d'Huntington sous le masque d'oppositions religieuses entre la « civilisation judéo-chrétienne et les collusions islamo-confucéennes ».
En face de ses spéculations millénaires sur la « cassure » et les affrontements du monde et de la rivalité de ses hégémonies, il s'agit aujourd'hui de passer à une troisième ère de la civilisation du monde, par le développement solidaire d'une humanité mettant fin à ses cassures millénaires. Les étapes du « progrès » de l'humanité ne se comptent pas par millénaires, mais par étapes de la crise de conscience de son développement et la mise en oeuvre de son unité ainsi que par les créations décisives des hommes pour l'orientation de leur destin.. Il s'agit aujourd’hui, après la faillite de la « mondialisation », nom nouveau de la domination impériale du monde par les grands monopoles de l'Amérique et de ses vassaux, d'un remodelage global du monde par un « développement solidaire » de toutes ses cultures.
Au moment où les « millénaristes » intéressés tentent de nous forcer de croire – par des prétextes dignes de Nostradamus ou de Paco Rabanne – qu'une ère nouvelle allait naître, les maîtres criminels du statu quo (de Bill Gates à Soros et à leurs marionnettes Clinton ou Chiraquo-jospiniennes) nous prédiraient ce que serait – par simple extrapolation technologique des jours heureux du même millénaire, je n'étais pas loin de partager l'opinion d’Egdar Morin définissant le « changement véritable » par un acte humain; mais avec cette différence: je crois que le troisième millénaire a commencé à Seattle – et sans se faire d'illusion sur ses effets pratiques immédiats - un véritable « événement » s'était produit: le projet des dirigeants américains et de leurs vassaux étaient mis en échec par une mobilisation planétaire qui refusait la conception impériale de la « mondialisation » permettant aux plus riches de devenir de plus en plus riches et de moins en moins nombreux et aux plus pauvres d'être de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux.
Il serait en bien des cas difficiles aujourd’hui de classer automatiquement tel pays asiatique comme capitaliste ou socialiste. Il est vrai que plusieurs d'entre eux, parmi les moins importants, sont devenus des appendices subordonnés de grands pays capitalistes d'Europe ou des Etats-Unis, mais pour ceux dont l'étendue territoriale ou la puissance créatrice a permis d'avoir, malgré des années de présence des colonialistes, une évolution relativement autonome, l'analyse doit être plus prudente: en particulier pour la Chine, l'Iran, le Japon, l'Inde, la Malaisie, et quelques-uns autres à une autre échelle de grandeur.
Ils ont certes, rassemblé autour de leur entreprise de portée mondiale pour le sauvetage de l'avenir des hommes et de leur terre, mais il subsiste encore parmi les plus grands, des mutations incertaines des équilibres instables et dont il nous serait difficile, dès maintenant, de définir le choix final. En dehors de l'immense Russie dont personne aujourd'hui ne peut prédire avec certitude l'avenir, nous esquisserons quelques hypothèses de travail sur quelques pays asiatiques qui sont aujourd'hui en pleine mue. L’Occident qui s'était pendant des siècles approprié la maîtrise de leur avenir, qu'il s'agisse de la guerre de l'opium contre la Chine, du diktat du commodore Perry au Japon, ou de la colonisation directe de la France dans la presqu'île indochinoise ou de la Hollande dans l'archipel d'Indonésie et de la Malaisie, cherchent un avenir qui leur soit propre, c’est-à-dire à la fois sur le prolongement de leur histoire et de leurs cultures millénaires, et capables d'intégrer ce qui, dans les techniques de l'Occident, peut aider à l'épanouissement de l'homme et non à sa destruction.
Un retour pur et simple au passé, sous prétexte de maintenir intacte leur identité, est une entreprise absurde de quelques intégristes qui refusent systématiquement tout ce qui, dans les techniques de l'Occident a contribué à l’élargissement des possibilités de l'homme: il ne peut s'agir de revenir de l'éclairage électrique à la torche de résine, ou du camion à la charrette à bras. De même qu'est non seulement absurde mais criminelle la tendance inverse à confondre modernisation avec occidentalisation, et d'accepter les invasions du Coca-Cola ou des films de violence d’Hollywood au détriment des jus de fruits tropicaux, ou les gesticulations parfois sanglantes des Night Clubs, à la place des grandes épopées du Ramayana, des danses liturgiques de Bali ou des films de Kurosawa ou de Misoguchi.
D'immenses désillusions ont traumatisé le continent, qu'il s'agisse de l'implosion de l'espérance socialiste dans l'ancienne Union soviétique, ou de la faillite des aventures financières globalisantes des petits pays colonisés par les purulences de l'Occident américanisé.
Les hésitations actuelles et les alternances de domination politique, au Japon et en Inde par exemple, mais aussi en Malaisie, sont des crises d'orientation où se joue l'avenir du monde: selon que la balance penchera sans retour vers l'imitation des maladies de l'Occident américanisé ou que sera trouvé un point d'équilibre où les «valeurs asiatiques» fondamentales, les traditions brahmaniques, les valeurs chevaleresques du Japon ancien, ou la sagesse bouddhique sauront à la fois intégrer et maîtriser les puissances nouvelles de la technique et les mettre au service de tous.
La mise en question du «modèle occidental» dans lequel le «marché» joue le seul rôle régulateur des relations personnelles ou sociales est nécessaire: ce système, on l’a vu, fait en Asie, par la famine ou la malnutrition, l'équivalent de morts d’un Hiroshima tous les deux jours; le chômage et l'exclusion qui gagnent, en Europe même, montrent que les catastrophes des «dragons» asiatiques, survenues à partir de 1997, ne sont pas seulement une «crise asiatique» mais une crise du capitalisme mondial embrassant la planète entière, depuis l'Amérique où les accords de servitude et de misère de l’ALENA lient, en un marché unique, le Mexique aux Etats-Unis et au Canada, jusqu'à l'impossibilité de donner à l'Europe une unité autre que celle d'un marché aux concurrences sauvages, maintenu sous la tutelle du dollar grâce à son euro agonisant dans l'indifférence générale avant même sa naissance (s'il naît jamais!).
Le Japon a connu, après Hiroshima, la férule de Mac Arthur et la course à la croissance économique. L'Inde a vécu deux siècles siècles de domination économique, politique et militaire, avec ses famines et ses divisions entre musulmans et hindous savamment entretenues par l'occupant afin de diviser pour régner. Le Viêt-Nam a connu l'exportation éhontée du colonialisme français, puis le napalm américain, double visage de l'Occident en Asie, et l'aide empoisonnée par les exigences de deux alliés rivaux: l'URSS et la Chine.
L'exemple du Japon est caractéristique : il a tenté de maintenir ses «trois trésors» : l'emploi à vie, le salaire à l'ancienneté, et le syndicat d'entreprise, à travers 1e développement broyeur du dogme libéral de la «flexibilité», c’est-à-dire l'exigence de la «productivité» à l'américaine où l'ouvrier est un objet jetable comme un Kleenex ou rachetable à des conditions toujours plus précaires selon les aléas de l'entreprise.
Il est devenu de plus en plus clair qu'il ne s'agissait pas, en 1997, d'une crise «asiatique», frappant d'abord les implantations occidentales en Asie, et chavirant lorsque les investissements faiblissaient. Jusque-là, le FMI et la Banque mondiale pouvaient «boucher les trous», à coup de prêts provisoires gagés sur une obéissance politique rigoureuse, à la manière dont on avait procédé au Mexique lors de l'application stricte du «libre échange» entre partenaires inégaux, afin que les plus gros requins puissent "librement" dévorer les poissons plus faibles.
Les idéologies occidentales de la fin d’un monde se dissipent aujourd’hui, même dans les pays qui furent leur terreau mortel, comme les brumes des bas-fonds, se dissipent lorsque les premiers rayons du soleil illuminent les cimes : celles d’où l’on appelle l’homme, tous les hommes, à accomplir leur destin : celui de l’unité divine du monde. 

Une nouvelle « route de la soie » et le pont « intercontinental »
De ce monde aujourd’hui nous revient la lumière : la perspective d’un avenir à visage humain, d’une véritable universalité riche de l’apport de toutes les civilisations.
Une nouvelle « route de la soie » dans sa version la plus futuriste, conduisant de Shanghai à Rotterdam, à 500 km à l’heure par un train à lévitation magnétique.
Du premier au quatorzième siècle l’ancienne « route de la soie », véhicula, avec ses caravanes, de l’Orient à l’Occident, non seulement les marchandises précieuses mais les hommes, leurs cultures et leurs créations. Le 7 mai 1996, s'ouvrit une ère nouvelle pour l'avenir de l'humanité : à Pékin, et sans exclusive aucune, fut ouverte la perspective d'un système nouveau réalisant l'unité du monde avec la participation de tous les peuples et de toutes les cultures .
L'implosion de l'Union Soviétique, depuis 1989, a retardé pour longtemps le véritable « remodelage » physique et spirituel du monde qui peut seul empêcher un inévitable « suicide planétaire »,  mais si l'on peut fixer une date pour l'avènement d'une troisième ère de civilisation,  ce serait celle du 7 au 9 mai 1996 lorsqu'à Pékin ce Colloque International sur un développement solidaire du monde réunit trente et un pays asiatiques pour recréer l'ancienne « Route de la Soie » avec les moyens techniques gigantesques que nous fournissent les sciences actuelles et dont l'une des réalisations les plus symboliques, mais aussi les plus prometteuses d'avenir, sera un chemin de fer reliant Shanghai à Rotterdam, l'Atlantique et le Pacifique avec des trains roulant à 500 km à l'heure sur des coussins magnétiques.
Ainsi naîtra, sous des formes radicalement nouvelles, le véritable «Pont eurasiatique» qui reliera les deux rives de la Grande Ile eurasiatique et préparera le « remodelage » d'un monde unifié avec ses ramifications sur l'Afrique jusqu'à la Mauritanie, et, par un tunnel sous le Détroit de Behring, qui rejoindra les réseaux commerciaux américains.
C'est l'alternative enfin trouvée, par un développement « solidaire, à la « mondialisation impériale meurtrière des hommes et des cultures. »
Un noyau constitué par trente et un pays asiatiques proposait au monde, à partir du projet de « Nouvelle route de la soie », devenu «Pont eurasiatique continental», la grande alternative à la « mondialisation » monarchique des Etats-Unis.
Les investissements n'y seraient plus consacrés aux diverses variantes de la spéculation mais au développement des infrastructures et des économies de chaque peuple selon leurs vœux, avec le seul dénominateur commun de l'intérêt prioritaire de la communauté internationale dans sa totalité.
Le colloque définit une stratégie gigantesque pour développer le continent eurasiatique par le système intégré d'un réseau intercontinental de transports modernes pour l'énergie, l'irrigation et les communications par voies ferrées, liant la côte Pacifique de la Chine à la côte Atlantique de l'Europe .
Ce gigantesque « remodelage » de la terre au profit de l'humanité entière est fondé essentiellement sur un transfert radical des richesses financières et des possibilités immenses des sources et des techniques actuelles de la zone de la spéculation à celle de l'économie productive réelle.
En termes simples il s'agit que l'argent ne serve plus à faire de l'argent, mais à construire la cité des hommes par des investissements productifs de cultures et de biens, et non plus de prêcher la productivité pour elle-même de telle sorte qu'une production pléthorique crée le chômage chez les uns, et, sous prétexte de « transfert de technologies », apporte les surplus à des pays déjà appauvris auxquels ce genre de technique n'est pas adapté.
La Renaissance de l'Asie ne se fait donc pas contre l'Europe et l'Occident en général, mais, au contraire, dans un esprit de collaboration qui permette à l'Occident aussi de sortir de ses ornières. La plupart des pays asiatiques se montrent disposés à participer à cette oeuvre.
Des lignes continues ont d'ores et déjà été prolongées pour partir traverser la Thaïlande de Chiang Mai à Bangkok puis la Malaisie de Kuala Lumpur à Singapour. Des projets pour la réhabilitation de la ligne qui va de Singapour jusqu'à Phnom Penh au Cambodge ont déjà été préparés. La construction d'une nouvelle voie de chemin de fer qui va de Pnom Pen jusqu'à la ville de Hô Chi Minh (l'ancienne Saïgon ) permettrait la connexion avec la ligne actuelle au Nord-Ouest du Viêt-nam pour assurer une connexion directe via Danang et Hanoï, et aller jusqu'à Nanning au sud de la Chine.
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A la base de cet immense programme il y a le problème de l’eau, à la fois pour l'électrification de longs segments de la « nouvelle route de la soie », pour la création d'un puissant réseau de canaux permettant une circulation fluviale de grande ampleur sur une grande partie du parcours, et enfin l'irrigation de larges zones aujourd'hui quasi désertiques de l'Asie centrale pour en désenclaver les pays sous-développés de cette région.
La Chine a donc commencé ce travail prométhéen par le « Barrage des trois gorges » du Yang Tsé-Kiang, l'un des plus grands fleuves du monde. Le problème de la maîtrise des eaux est un problème majeur tout au long de l'histoire chinoise. Le légendaire Empereur Yu le Grand, est considéré, en Chine, comme un des héros de la civilisation: comme Prométhée apportant aux hommes le feu, on lui attribue d’avoir entrepris, il y a trois millénaires, la maîtrise des eaux. Le fondateur de la première République chinoise, Sun Yat Sen, fut le premier à envisager le barrage des Trois Gorges du Yang Tsé Kiang .
Voici, sous sa forme moderne, comment les Chinois s'appliquent à la solution du problème. La mise en chantier a commencé en décembre 1994 .
« Si le gouvernement chinois a pris la décision de réaliser ce projet c'est pour maîtriser les crues. Si l'on en croit les 2.000 ans de données hydrologiques en notre possession 200 grosses inondations se sont produites , environ une tous les 10 ans. Celles-ci ont provoqué d'énormes pertes dans les bas et moyens cours du Yang Tsé Kiang. Les plus petites inondations provoquèrent plusieurs milliers de morts et les plus grosses des dizaines de milliers, voire davantage. Le plus grand désastre de l'histoire se produisit en 1870 avec la mort de 300.000 personnes.
En 1.870, 300.000 personnes sont noyées, 145.000 disparaissent en 1931, 40.000 en l954, 30.000 en 1959 .
C'est donc pour contrôler les crues que le gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec la construction de ce projet.
Lorsque le projet sera terminé la contenance du réservoir sera de 39,3 milliards de mètres cubes, dont 22 milliards peuvent être utilisés pour retenir l'eau des crues, ce qui permettra de les contrôler efficacement. Les chinois tireront de cette énorme quantité d'eau un profit considérable en terme de production d'électricité. La capacité totale du projet sera de 18.200 MW, répartie en 26 unités de 700 MW chacune. La production annuelle d'électricité sera de 84,7 milliards de kilowatts Le développement économique s'en trouvera fortement amélioré .
Outre la maîtrise des crues et la production d'électricité, la navigation fluviale bénéficiera également de ce projet. Une fois le barrage des Trois Gorges terminé, la capacité de transport de fret passera des dix millions de tonnes actuelles à cinquante millions par an. » (Quin Zong Yi)
Quelques données techniques :
Longueur du barrage 2.354 mètres.
            Hauteur jusque 175 mètres par endroits.
Cela représente le déplacement de cinquante-sept millions de mètres cubes de terre dont vingt-sept millions de mètres cubes de béton, créant un lac de six cents kilomètres de long et de quarante milliards de mètres cubes d'eau.
Calendrier. Durée de réalisation du projet: dix-sept ans.
          décembre 1994; le gros -oeuvre -bétonnage- est entamé.
          les travaux de retenue d'eau seront terminés en 2009.
          en 2005 (onzième année de construction), est prévue l’inauguration des structures de navigation et du premier groupe d'unités .
Coût total du projet (estimation en 1993) environ 50.000 milliards de yuans (soit environ trente milliards de francs).
Les riverains. La zone vulnérable compte quinze millions d'habitants. Etant donné que le réservoir du barrage inondera quelques 28.750 hectares, près d'un million de personnes devront être déplacées des provinces de Sitchouan et de Houpei. La plupart seront relogées dans des régions proches de leur lieu d'origine. Le programme de mise en oeuvre du projet des Trois Gorges opte pour un relogement orienté vers le développement plutôt que de payer des compensations comme cela a pu être fait en d'autres occasions. En d'autres termes le transfert de population devrait être combiné organiquement avec le développement de cette zone .
Électricité : la station hydroélectrique des Trois Gorges aura une capacité de production totale de 18.200 mégawatts et sera la plus grosse du monde. Vingt-cinq générateurs seront placés de chaque côté du « déversoir » du barrage : 84,7 milliards de kilowattheures seront produits (soit l'équivalent de la combustion de cinquante millions de tonnes de charbon) .
Navigation : le projet comprend la construction d'une double voie navigable. Quand le barrage sera en service, des bateaux de dix mille tonnes pourront ainsi remonter le fleuve de Wouhan jusqu'à Tchongking.
Coopération internationale : de nombreuses entreprises de différents pays sont impliquées dans le projet : Allemagne, France, Japon, Russie, Etats-Unis et Canada.
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Les crises permanentes du système ne peuvent être résolues ni par la « croissance » qui se nourrit de toutes les catastrophes, comme de toutes les avancées techniques qui chassent les paysans de la terre et les ouvriers des usines.
La seule alternative à cette course au suicide planétaire, ne peut donc être que mondiale. Dans la perspective de l’économie de marché  tout projet est voué à l'échec tant que les deux tiers de la planète demeure insolvable et meurt de misère et de faim, alors que des millions de travailleurs des pays dits « riches » sont voués au chômage, et que l'on parle de « surproduction » de viandes, de céréales ou de lait,  en faisant abstraction de ces milliards d'affamés à qui l'on conseille seulement (comme à la Conférence du Caire sur la « démographie »), d'avoir moins d'enfants pour que les Etats-Unis et l'Europe puissent continuer leurs gaspillages et leur création de gadgets: le meurtre préventif est un ersatz des massacres périodiques des guerres qui sont les issues aux impasses engendrés par les principes mêmes du système.
La seule alternative est mondiale: celle d'un développement solidaire d'un monde où la « prospérité » d'un petit nombre n'ait pas pour corollaire la misère et la faim des multitudes .
Des tentatives ont jusqu'ici été faites par ceux qui se situaient en dehors du règne mondial régnant.
Par exemple, fut conçu, en Union Soviétique, un projet qui eût permis dès cette époque, de changer radicalement la géographie même de l'Asie centrale en désenclavant les régions semi-désertes d'une grande partie de la Sibérie en inversant le cours des fleuves qui, actuellement, vont se perdre inutilement dans la Mer Arctique, et en les dirigant vers la mer d'Aral, en voie de dessèchement.
La première phase devrait avoir détourné environ 27 kms cubes d'eau par an de l'Ob et de son grand affluent, l’Irtysh,  pour les acheminer vers un canal navigable de 2.544 kms de long. En plus de sa capacité d'approvisionner toute la région de l'Asie Centrale en grandes quantités supplémentaires d'eau, ce canal vital offrait la possibilité d'une importante nouvelle voie de navigation entre le nord et le sud. A l'ouverture du canal, de grandes stations de pompage devaient être utilisées pour élever l'eau au-dessus de la division entre l'ouest de la Sibérie et le bassin de la Mmer d'Aral. De là l'eau devrait s'écouler par pesanteur jusqu'à l'extrémité sud du canal pour l’acheminer l'eau vers un grand réservoir installé au nord de la mer d'Aral.
Le travail serait accompli en quinze ans avec un coût d'investissement total de dix-huit millions dollars. Ce projet de détournement de l'eau sibérienne vers la mer d’Aral a fait l'objet de longs débats en Union soviétique au milieu des années 80. Il fut approuvé en 1984, par le Comité central du parti communiste de l'Union soviétique. Mais ce plan de développement à long terme, dont l'achèvement était prévu pour le début du XXIe siècle, et qui eût augmenté le transfert total d'eau de 27 à 60 kilomètres cubes par an grâce à l'accroissement de la capacité des stations de pompage et du canal central, ne fut pas réalisé - non pour des difficultés techniques – mais pour des raisons liées à l'organisation politico-économique de l'État qui, ayant adopté le modèle de croissance à court terme de l'Occident, était obsédé par la conception coloniale de la concentration de la culture du coton en Asie Centrale.
C'est dans un tel contexte que l'on peut le mieux comprendre en quoi le projet chinois de « Pont Eurasiatique » (sous le nom romantique de « Nouvelle route de la soie ») est la seule alternative possible de réalisation de l'Unité symphonique du monde, contre la tentative de « mondialisation », nom d'emprunt de la visée américaine de domination impériale du monde, par une série de guerres et d'explosions sociales, excluant toute possibilité d'épanouissement des cultures et des hommes.
En janvier 1996, sept nations, dont la Chine, le Kazakhstan, le Japon, et la Corée du Sud, ont conclu un accord qui vise à augmenter le volume des marchandises transportées le long du passage de Drujba-Alataou (à la frontière de l’Union soviétique) sur la base de la coopération et de l'intérêt réciproque.  Le développement à long terme de l'économie en Eurasie ne dépend pas uniquement de l'achèvement d'un réseau ferroviaire transcontinental en coordination avec d'autres voies de transport optimales. La transformation de ces voies (et d'autres nouvelles lignes) en « couloirs de développement infrastructurel » est aussi essentielle pour ouvrir l'histoire de l'humanité vers une nouvelle ère d'expansion universelle des investissements, de l'urbanisation, et du développement agro-industriel.
Les régions de l’Asie centrale souffrent de la rudesse du climat et des moyens de transport archaïques. Pourtant, elles sont riches en sol fertile et en toutes sortes de ressources naturelles qui leur offrent d'énormes perspectives de développement et de prospérité, Ces régions sont aussi dotées d'immenses ressources d'énergie. Elles peuvent même être considérées comme le foyer des ressources d'énergie pour le monde entier. D'où la forte interdépendance et complémentarité qui caractérise la région du nouveau Pont Terrestre Eurasiatique et annonce les grandes possibilités de coopération d'avenir.
La population, directement ou indirectement liée par les « Ponts eurasiatiques », compte plus de cinq cents millions d'habitants en Europe, et plus de quatre milliards d'habitants dans les nouveaux pays développés en Asie orientale et méridionale.  Ce rêve est d'ores et déjà en cours de réalisation. En 1990, la dernière section de la route ferrée rénovée de 14.131 km de long fut achevée. Le trafic ferroviaire pour conteneurs de transport de marchandises de la Chine a été inauguré en 1992.
Pour les nations nouvellement indépendantes du Kazakhstan et des républiques de l'Asie centrale, du Turkménistan, ainsi que de l'Ouzbékistan, du Tadjikistan, et du Kirghistan, la renaissance de la Route de la Soie est la source de l'espoir en l'avenir. Étendue sur une superficie pratiquement deux fois plus grande que tous les pays de l'Union européenne réunis, et occupant un emplacement stratégique situé entre la Chine, la Russie et l'Europe, cette immense région jouit d'une richesse culturelle et historique, d'une population multiethnique qui compte environ cinquante-trois millions habitants, ainsi que des plus grands gisements de pétrole et de gaz, de métaux stratégiques et d'autres ressources minérales du monde. La productivité de l'investissement dans les régions arctiques en Sibérie, aussi bien que dans les régions désertes en Asie centrale, dépend de la facilité d'accès à leurs richesses (électricité, combustibles, eau, etc.) et de leur ouverture sur le monde extérieur à travers la performance des réseaux de transport et des moyens de communication.
En 1997, à Ankara, la rencontre des représentants des plus grands Etats islamiques (Iran, Malaisie, Nigeria, Pakistan et Turquie) annonça la création d'une nouvelle organisation internationale, le « G 8 islamique ». Le premier ministre turc Erbakan déclara que cet événement constituerait un « tournant dans l'histoire de l'humanité » et que les Huit ne tarderaient pas à exercer une influence décisive sur la politique mondiale. Ils constitueraient une « tentative de remplir le vide laissé par la dissolution de fait » en 1989, du mouvement des non-alignés de Bandung.
Nous avons déjà évoqué la construction d'une ligne ferrée ultra-rapide, de Kuala Lampur jusqu’à Singapour, avec une réduction de la durée de voyage, qui est actuellement de sept heures, à une heure et demie.
Il est important que ces nouvelles liaisons permettent le rapprochement entre l’Inde avec ses neuf cents millions d'habitants et l'Iran, entre l'Asie Centrale et l'Ouest, et entre la Chine, l'Asie du sud-est et l'Est.
Le développement de grands centres urbains: comme l’avait dèjà rêvé Sun Yat Sen, le gouvernement chinois envisage de construire  au cours des vingt ou trente prochaines années deux cents nouvelles villes qui devraient compter un million d'habitants chacune, et viendront border le Pont terrestre.

Appréciation du projet et de son opportunité politique
Une réflexion sur le développement asiatique doit tenir compte de deux phénomènes internationaux. D'une part, la république islamique d’Iran occupe une position centrale dans l'économie globale et dans les relations politiques en Asie centrale et au Caucase. L'Iran doit cet important rôle de rapprochement entre les diverses nations dans cette région tant à son emplacement géographique qu'à sa politique étrangère.
Toutes les républiques de l'Asie centrale, hormis la Géorgie, sont des régions enclavées dépourvues de tout accès à la mer. Elles sont donc obligées de passer par l'Iran pour nouer des relations économiques, directes ou indirectes, avec les autres pays du monde. Les pays qui veulent établir des relations économiques avec les républiques de l’Asie centrale et le Caucase sont, eux aussi, obligés d'emprunter les routes terrestres et aériennes en Iran, en Chine et en Russie.
L'Iran et la Chine sont les seuls, parmi tous ces pays, à être dotés d'un emplacement géographique clé. La Chine a une frontière commune avec l'Asie centrale au Kazakhstan, le Kirghistan et le Tadjikistan. Elle a aussi plusieurs routes terrestres et aériennes qui vont jusqu'à l'Asie centrale. L'Iran a, quant à lui, des frontières communes avec l'Asie centrale et le Caucase. Ses routes terrestres et maritimes sont reliées à l'Asie centrale, le Caucase et la Russie. Pour cette raison, une étude internationale qui porte sur les routes reliant l'Iran à l’Asie centrale est très constructive.
La liaison ferroviaire eurasiatique a été menée à bonne fin. Pour mieux tirer profit de son emplacement géographique qui lui confère le rôle clé d'un pont de liaison régionale et continentale entre les pays de l'Asie centrale et la haute mer, la république islamique d'Iran a relié son réseau ferroviaire à celui des nouvelles républiques et de la Russie. Cette nouvelle connexion ferroviaire facilitera le transport des marchandises et les échanges commerciaux entre l'Asie Centrale et d'autres régions dans le monde entier. Elle contribuera également à donner une meilleure image de la culture, de la religion, et de l'histoire de ces nations. La construction de la voie de chemin de fer de Mashhad-Sarakhs-Taja (300 km de long), qui vient compléter la voie ferroviaire de Balk-Bandar Abbas (700 km de long), a pu être menée à son terme. Ce réseau de chemins de fer fut inauguré le 14 mai 1996.
Ce grand projet du siècle, appelé « la Route ferroviaire de la Soie » par la commission sociale et économique pour l'Asie et le Pacifique aux Nations-Unies, a été achevé avec la participation du Turkménistan sans aucune aide internationale. Ainsi fut comblé le chaînon manquant dans le réseau ferroviaire eurasiatique.
Avec la mise en service de cette voie ferroviaire, le port de Lianyungang, à l'est de la Chine, sera relié à Bandar Abbas au golfe Persique en passant par les villes d'Urumqi, Almaty (appelée dans le passé Alma-Ata), Tachkent, Sarakhs, Mashhad et Téhéran. Ceci permettra d'une part, l'accès aux hautes mers pour les régions à l'intérieur de l'Asie centrale, et d'autre part, la connexion de ce chemin de fer à Rotterdam via Téhéran, Istamboul et l'Europe.
La participation de la Chine à la construction de certaines sections de ce réseau ferroviaire, a permis, en novembre 1995, le départ, pour la première fois, d'un train du port de Lyianyungang jusqu'à Tachkent.
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Dans cet immense continent eurasiatique, en dehors de ceux qui ont pris la « grande initiative »: la Chine et l'Iran, qui ont exercé une influence déterminante, un grand nombre de pays asiatiques après l’expérience récente des mésaventures des « dragons » et leur crise financière au moment de leur plein essor dans la voie mortelle de la « croissance » à l’occidentale, sont actuellement en pleine mutation, hésitant à s’intégrer au système d’hégémonie mondiale américaine (sous le nom de « mondialisation »), mais hésitant aussi à s’engager dans la voie du renouveau à laquelle ils sont conviés : il s’agit du Japon, de l’Inde, de la Russie ; celle-ci peut être la charnière entre l’Asie et l’Europe dans le « nouveau pont eurasiatique ».
Des « graines d’espoir » sont en train de germer, à partir de principes radicalement opposés à ceux du monothéisme du marché et de la spéculation, au profit d’une économie productive et créant les infrastructures nécessaires à un véritable développement humain et non financier, croissance de l’homme et non du seul profit.
A la différence de l’Europe, les peuples d’Asie continuent à puiser une force dans leurs spiritualités traditionnelles (fort diverses d’ailleurs : du shintoïsme japonais au confucianisme chinois, à l’Islam iranien, au brahmanisme hindou).
L’exemple le plus éclatant de cette victoire du « sens sur la puissance », comme l’écrivait Zaki Laidi en 1992, fut, au milieu du siècle, l’épopée spirituelle de Gandhi face à l’empire britannique.
Au-delà des alliances passagères, qui firent, par exemple, de l’URSS l’allié privilégié de l’Inde de Nehru, ou du Pakistan l’allié des Etats-Unis, ou, au contraire des animosités et des guerres passagères de la Chine et de l’Inde, en 1962 par exemple, subsiste, dans ce continent asiatique où naquirent toutes les grandes spiritualités du monde, du Tao et des Vedas aux prophètes d’Israël et à « l’asiate Jésus » (comme disait le cardinal Daniélou dans son Histoire de l’Eglise) « le plus grand potentiel de signification de la vie que le monde connaisse aujourd’hui en face de la dégradation humaine du monothéisme du marché ».
Cet éveil de l’homme contre une vie dépourvue de signification par le règne individualiste impitoyable de l’argent, se manifeste aussi en d’autres continents, non comme des nostalgies mais comme des espérances, dans les théologies de la libération en Amérique du Sud et du Centre, dans le réveil islamique lorsqu’il n’est pas parasité par l’intégrisme et qu’il retrouve son universalisme matinal, dans la prise de conscience aussi des valeurs traditionnelles de l’Afrique longtemps conduite à l’agonie par l’esclavage, le pillage colonial, la spéculation des capitalismes extérieurs.
De tout cela, qui est l’humanité dans sa plénitude et sa totalité, peut naître un monde nouveau qui n’a plus le choix aujourd’hui qu’entre un suicide planétaire s’il obéit aux lois actuelles de la domination américaine, ou qui peut connaître une authentique résurrection, si à l’exemple de l’entreprise géante de la Chine et de l’Iran d’un pont eurasiatique, puis transcontinental en y associant l’Amérique comme l’Afrique, nous décidons de construire une unité symphonique du monde, respectueuse de la spécificité des cultures et  des spiritualités de chacun, mais unis par une même foi pour construire un monde, un et solidaire par la fécondation réciproque de chacun, par la connaissance et la reconnaissance de la riche unité de la nature, de l’humain et du divin.

La civilisation des tropiques
Tout au long de l’histoire humaine, depuis la découverte du feu, mais plus encore depuis ce que l’on a appelé (depuis le XVIIIe siècle et jusqu’à nos jours) « la révolution industrielle », l’utilisation de telle ou telle forme d’énergie, a joué un rôle déterminant dans les rapports de l’homme avec la nature et de l’homme avec l’homme, dans les structures économiques, politiques entre les peuples et à l’intérieur même des nations, dans la spiritualité.
L’Occident, depuis sa « révolution industrielle » a employé successivement le charbon, le pétrole, l’électricité et le nucléaire qui, ne  pouvant se produire à partir de l’un d’eux, ne marquait pas une rupture dans ce développement. Or si nous faisons abstraction du nucléaire, qui a suscité les derniers engouements, et qui pose actuellement des problèmes insolubles, notamment pour le stockage de ses déchets, nocifs pendant des siècles (ce qui a déjà conduit un pays aussi industrialisé que l’Allemagne, à arrêter la construction de centrales et à renoncer à cette forme d’énergie), l’Occident a fondé sa puissance sur l’exploitation de ressources non renouvelables : le charbon, et puis le pétrole. L’ascension, par exemple, de l’Angleterre, puis de l’Allemagne eut pour moteur l’utilisation du charbon.
Ces choix ont engendré des structures sociales radicalement nouvelles : d’abord la concentration dans les centres producteurs, puis l’industrialisation mécanisée qui entraîna, d’une part, la réduction de la paysannerie (l’exode rural) et la concentration des populations dans des « mégalopoles » où la commercialisation des produits industriels suscitait, à la fois, par la multiplication et la centralisation des centres de distribution, et les services afférents, un afflux de main-d’œuvre par les postes de travail qu'il créait, et une fascination pour la jeunesse par les possibilités de consommation et de divertissement qu'elle offrait. Ce n'était d'ailleurs qu'un leurre car les concentrations urbaines les plus vastes, comme hier Chicago ou Detroit, aujourd'hui Sao Paulo ou Mexico, sont les cités où règne, plus qu'ailleurs, la misère, la violence, et la délinquance qui en découlent.
Le pétrole joua un rôle plus déstructurant et plus meurtrier pour la planète entière: d'abord il en consomma la cassure entre les conquérants, et les pays dont il accroissait la dépendance et son corollaire ; le sous-développement. Il modifia d'abord les relations internationales. L’exemple le plus évident en est la politique de «mondialisation» des Etats-Unis, c’est-à-dire d'une hégémonie fondée sur la maîtrise de tous les gisements de ce pétrole qui est devenu le moteur de la «croissance» de type occidental, c'est à dire la croissance des profits. Toutes les guerres des Etats-Unis et leur politique étrangère, génératrice de guerre, sont inspirées par la volonté de s'emparer de toutes les sources possibles de pétrole. Pour nous en tenir à la dernière période, ce fut la guerre du Golfe, qui permit de dominer la production pétrolière de l'Irak, et, sous prétexte de «protéger l'Arabie saoudite» d'en faire un état vassal.
Les pénuries alimentaires de la Somalie (ni plus ni moins tragiques que celles du reste de l'Afrique) ne les intéressèrent que lorsque les prospecteurs des grandes compagnies pétrolières découvrirent des gisements off-shore sur ses côtes.
Les «embargos» visent essentiellement les pays producteurs de pétrole, tels que la Libye ou l'Iran. Les interventions destructrices en Europe, de la Bosnie au Kosovo, qui par eux-mêmes, ne constituent pas des proies pétrolières, n'ont d'autre but que d'exercer un contrôle de plus en plus musclé sur l'Europe de l'Est, pour mettre la main ultérieurement sur les pétroles de Bakou et de la Caspienne, avec des bases aériennes de plus en plus rapprochées, et cette mise en tutelle, par leur soutien inconditionnel d'Israël (leur porte-avion insubmersible au Moyen Orient, leur permet de contrôler les sources de pétrole) depuis la chute de leur gendarme favori, le shah d'Iran, leur coopération avec la junte militaire de Turquie, et leurs larges subventions à l'Égypte (les plus fortes après celles accordées à Israël) tendent à neutraliser le monde arabe.
Les pays pétroliers résistant à cette invasion sont qualifiés d'« États voyous » et de centres du terrorisme : la Libye et l'Iran en particulier .
Les effets seconds de ce rapt des ressources énergétiques du monde est la cause principale de la «cassure» de la planète. La vente du pétrole parce qu’elle se fait en dollars, conduit à la ruine les pays du Tiers-monde. Ils sont contraints par le FMI, bras séculier des États-Unis, de se ruiner pour payer leurs dettes en dollars et pour tenter un illusoire «développement» à l'occidentale .
Ils sont obligés d'adopter les structures politiques, militaires et policières d'une part, et d'être mono-producteurs de matières premières, selon les besoins de la «métropole». Depuis le colonialisme classique (celui de la pluralité des colonialismes, de leurs rivalités et de leur présence militaire) le colonialisme unifié des États-Unis atteint les mêmes objectifs, soit par la formation de dictatures autochtones («École des Amériques» pour les dirigeants, dans les années soixante-dix surtout, du Brésil, de l'Argentine, ou des autres pays d'Amérique latine) soit par la corruption généralisée des dirigeants politiques .
Il est remarquable qu'en faisant ces choix énergétiques d'énergie non renouvelables les provisoires maîtres du monde ont condamné eux-mêmes leur «domination» à être éphémère. Les ressources pétrolières jusqu'ici «trouvées», ne peuvent assurer que trente ans de survie à leur clientèle, et même si de nouveaux gisements exploitables sont découverts, ils ne peuvent espérer fournir l'énergie nécessaire jusqu'à la fin du XXIe siècle (prévisions qui excluent, d'ailleurs, les deux tiers du monde de cette consommation orgiaque, réservée au G7, les sept pays les plus industrialisés du monde.)
C'est pourquoi, d'autres «graines d'espoir» des pays non-occidentaux offrent aujourd'hui une alternative à cette entropie mondiale, en montrant qu'il est possible, avec des énergies renouvelables, de garantir à toute la terre (et pas seulement au « milliard doré » sur six milliards) un développement durable et solidaire.
Les pionniers dans cette recherche (comme Gilberto Freyre dans son livre L'Homme, la culture et les tropiques ; Bautisto Vidal, dans ses nombreux travaux, notamment sur le « défi amazonien à l'avenir » par une « civilisation des tropiques »; Sergio de Salvo Brito, et de nombreux savants du Brésil) ont montré la possibilité concrète d'assurer au monde une autre forme de civilisation durable et solidaire (n'excluant aucun peuple du monde) en fondant cette civilisation sur des énergies renouvelables.
Pour exposer, dans toute son ampleur, cette formidable inversion qui permettrait, comme la « nouvelle route de la soie » de la Chine, et en constituant la complémentaire, d'atteindre notre objectif majeur: l'unité symphonique du monde, contre la cassure imposée par l'Occident depuis cinq siècles, nous laisserons essentiellement la parole aux pionniers de ce nouveau cycle de civilisation .
Et d'abord Sergio de Salvo Britodans son livre; L'Avenir de la civilisation des Tropiques :
« Les maîtres de la civilisation occidentale qui, aujourd'hui sous des formes diverses, dominent ou influencent fortement l'Économie, la Pensée, l'Organisation sociale et le Mode de vie de la quasi totalité de la population mondiale, se sont développés à partir des régions tempérées du Sud du continent européen.
A partir du XVème siècle commence l'extension mondiale de ces peuples par la commerce et par la conquête. Ce qu'il est convenu d'appeler la Renaissance en Occident, c'est le développement du rationalisme instrumental de la culture européenne et de la supériorité technique et agricole qui en découlent. La maîtrise des sources fossiles d'énergie et la technique de ses transformations a conduit, au XIXème et au XXème siècle, à une domination mondiale méprisant et détruisant les autres civilisations.
Au cours de cette expansion les grandes sources de la puissance de la civilisation occidentale (dans la perspective de ce rationalisme occidental faisant abstraction des fins et recherchant seulement à multiplier la puissance de ses moyens), la source essentielle d'énergie c'étaient les combustibles fossiles (le charbon minéral d'abord - en Angleterre, en France, en Allemagne - qui exigent des structures politiques centralisées, des Etats-nations. Le développement de cette expansion occidentale a conduit à la décadence des autres civilisations. Elle a entraîné les plus redoutables inégalités : entre le Nord et le Sud, avec le rétablissement de l'esclavage et de toutes les formes de dépendance ;  et, à l'intérieur même des pays occidentaux, une polarisation croissante de la richesse et du pouvoir, et l'accroissement du nombre des exclus.
L'exportation des modes occidentaux de technique et de production produisit de terribles dégâts, à la fois du point de vue du déséquilibre éco­logique et de la misère des multitudes. Les exemples les plus typiques, de cette destruction des équilibres naturels sont la destruction des forêts ama­zoniennes et indonésiennes ou une exploitation de l'Afrique qui permet au désert saharien d'avancer de plusieurs kilomètres par an[1]. »
Un seul pays, avec 6% de la population totale de la planète, consomme 35% de la production mondiale d'aliments, et il est inadmissible que 90% des êtres humains, qui souffrent de faim dans le monde, vivent dans des zones rurales où la proportion ne cesse d'augmenter. L’agriculture "industrialisée", qui a ses centres de décision dans les pays riches, en est responsable. Ce sont les multinationales de l'agro-alimentaire qui contrôlent 85% du cacao, 90% du café, 60% du sucre et une poignée d'autres grandes entreprises, 90% du coton et 90% du bois.
L'agriculture industrialisée, avec l'emploi intensif de capitaux, est une grande dévoratrice d'énergie. Elle est, en outre, un aspect de la société de consommation, puisque le seul critère qu'elle retient est le critère économique. Le néolibéralisme connaît seulement les coûts économiques, sans s'intéresser au coût social ni environnemental. Son moteur est toujours le plus grand profit.
La situation critique existant dans plusieurs pays tropicaux, malgré leur potentialités à l'échelle planétaire, est la conséquence du modèle servile imposé par les pays centraux, depuis des siècles.
Darcy Ribeiro, anthropologue de renommée mondiale, dénonçait en 1991 au Sénat brésilien cet injuste statut quo international :
« Dans notre pays une nouvelle mode est apparue. Il s'agit d’une soumission fanatique au monde des riches. Une soumission non seulement économique, mais aussi culturelle ...Ce qu'il faut faire dans notre pays ce n'est pas une modernisation comme celles qu'on a connues, qui modernisent le système productif pour le rendre plus efficace comme fournisseur de biens pour le marché mondial. Il nous faut faire un saut qualitatif, établir une économie autonome des grands centres décisionnels… Nous devons nous unir aux autres peuples exploités, pour combattre et mettre un terme à l'ordre économique en vigueur, qui fait que les plus pauvres paient la prospérité des pays riches, par la voie d'un échange international inégal insupportable… Or nous avons tout pour que fleurisse une civilisation belle et solidaire. Nous avons les plus grandes, belles et riches régions de la planète... Serons-nous capables de développer les potentialités contenues dans notre terre ? Ou est-il inéluctable que nous continuions à enrichir les riches et à nous appauvrir ? Nous avons été historiquement un prolétariat externe du marché international. Nous n'avons jamais existé pour nous-même. Nous avons existé pour servir les pays riches… »
Ainsi, le futur de l'humanité n'est pas ce qui sera, mais ce que nous ferons. Cela dépend en grand partie, de la construction d’une civilisation solidaire et autonome fondée sur le creuset de vie des tropiques, cette région qui, pour paraphraser Hérodote, est un don du soleil.
« Le Soleil, dit le professeur Vidal, est un gigantesque réacteur à fusion nucléaire qui fond dans son sein des noyaux d'hydrogène, dégageant ainsi des quantités formidables d'énergie, qui sont lancées à travers l'espace sidéral jusqu'à atteindre la Terre, sous la forme d'ondes électromagnétiques calorifiques, visibles, les ultraviolettes entre autres. C'est un réacteur qui, situé à une distance prudente, ne provoque pas de dégâts. Il nous envoit des rayonnements propres, dépurés d'ondes ultraviolettes, grâce au filtre constitué par la couche d'ozone qui entoure la Terre. Cette couche protectrice est néanmoins en train d'être détruite, par des substances lancées dans l'atmosphère, comme résultat du type d'industrialisation, à la base de laquelle se trouve la "rationalité" des théories économiques qui expriment les intérêt économiques des pays hégémoniques.
Rien ne se crée, rien ne se détruit, seulement cela se transforme. C'est le premier Principe de la Thermodynamique. Aucune ‘loi’ du marché, ne peut altérer ce principe inexorable. Il s'agit du principe qui régit le monde physique. Mais cette énergie, peut être détériorée, réduite. C'est là la question fondamentale : la confrontation et la suprématie de ces astucieuses pseudo lois du marché sur les principes et les lois de la nature. Le travail, l'intelligence, la créativité et la maîtrise technologique, sont des facteurs nécessaires, mais non suffisants, pour créer et maintenir les civilisations. La base fondamentale de leur existence et de leur évolution est liée obligatoirement au potentiel énergétique, toujours issu du patrimoine naturel. On ne peut pas altérer cette réalité physique, sans produire de graves conséquences, définies avec rigueur par la science. »
Parmi les ressources naturelles les plus méprisées et ignorées par les théories économiques imposées par les pays riches, se trouve le soleil. Les forêts sont le résultat, grâce à la photosynthèse, de cette gigantesque énergie envoyée par le soleil. C'est elle qui rend possible le maintien des cycles naturels et qui garantit la vie.
La quantité d'énergie qui tombe chaque jour sur les Tropiques humides est l'équivalent de six millions de bombes nucléaires du modèle Hiroshima. Alors que la civilisation du pétrole est la «civilisation d'un jour», nous avons là la base énergétique d'une autre civilisation à condition d'en finir avec la dépendance de l'extérieur. Le pétrole, et le charbon, eux aussi, ont comme origine le soleil. Leur formation exige de deux à trois cents millions d'années, alors que le charbon végétal, l'énergie éolienne, ou la biomasse se renouvellent de façon permanente. La photosynthèse capte, par les plantes, cette énergie.
A l'échelle mondiale furent détruites des cultures qui étaient mieux intégrées aux conditions du milieu et aux formes d'organisation sociale correspondantes, pour imposer des mono-productions soit agricoles comme le café, le sucre, les arachides etc. et, du point de vue industriel, pour piller les matières premières, le pétrole d'abord, mais aussi les richesses minérales. Ainsi furent détruits non seulement les équilibres naturels, mais les formes d'organisation sociale qui depuis des millénaires avaient maintenu les équilibres écologiques.
Le choix unilatéral des sources d'énergies fossiles non renouvelables et la logique interne du système (qui impliquait l'utilisation de quantités toujours croissantes de cette énergie) ont conduit à la perspective actuelle d'épuisement de ces ressources, si bien qu'aujourd'hui, au rythme actuel de leur utilisation, les ressources présentes en pétrole dans le monde pourraient être totalement épuisées d'ici une trentaine d'années et, même si des découvertes nouvelles de gisements permettent de reculer ces limites, le moment d'un épuisement total est inéluctable.
Ce mode d'utilisation des énergies non renouvelables entraîne la destruction des grandes sources millénaires d'énergies renouvelables. L'exemple le plus saisissant est le saccage de la forêt amazonienne pour produire de l'énergie électrique selon les méthodes employées en Occident, telles que les grands barrages hydrauliques qui exigent au Brésil l'inondation et donc, d'abord, la destruction de milliers d'hectares de forêts.
Une forêt de la zone tempérée, bien exploitée, peut produire normalement deux à trois stères de bois par hectare et par an tandis que la même exploitation, dans la forêt tropicale, peut en fournir de quarante à soixante. Le Brésil, par exemple, possède environ 325 millions d'hectares de terres impropres à l'agriculture (soit 20% du territoire national), mais la moitié de ces surfaces seraient susceptibles, par une exploitation forestière appropriée, de produire de manière permanente l'équivalent énergétique de six milliards de barils de pétrole par an, c’est-à-dire à peu près la production totale des pays de l'OPEP. On peut imaginer aisément que l'utilisation, même partielle, de ce potentiel énergétique changerait profondément toute la structure actuelle du pouvoir mondial.
Dans la zone tropicale pourrait s'instaurer une nouvelle distribution du pouvoir, car cette mutation historique de réhabilitation de l'homme tropical et de son milieu naturel, permettrait, à partir de ressources énergétiques renouvelables, en particulier celle de la biomasse, de créer des formes nouvelles de rapports sociaux et politiques. Cela exige de mettre fin à l'exploitation de nos ressources naturelles par les prédateurs de l'Occident et de ses vassaux, et de fonder un modèle de développement sur l'exploitation rationnelle de ces ressources renouvelables, avec toutes les conséquences politiques, stratégiques ou écologiques qui en découlent.
Le rapport Projet énergétique et technologique adapté au milieu ambiant , indique : «[…] La cause principale de la destruction de la foret tropicale est le développement d'une structure économique fondée sur des modèles technologiques importés qui conduisent à la dégradation de l'environnement[2]
Le cas de la biomasse est emblématique, le problème majeur de son développement ne se trouve pas dans le domaine technologique, mais dans le domaine géopolitique :
« La technologie relative à l'utilisation de la biomasse à des fins énergétiques fut développée fondamentalement en Europe au XIXe siècle. Or, elle disposait d'un très bas rendement, étant donné l'insuffisante insolation des régions tempérées. Avec le développement industriel, ces ressources se sont avérées insuffisantes et l'utilisation de l'énergie de la biomasse (bois) fut abandonnée. Des habitudes liées au mimétisme culturel, encouragées par le modèle de développement dépendant, firent que cette attitude des pays industrialisés soit copiée par les nations de la périphérie, et l'alternative réelle qu'offre la biomasse, fut présentée comme dépassée et sans perspective. Mais ces conceptions contredisent la réalité et doivent être revues à la lumière d'une compréhension plus profonde du potentiel de la biomasse énergétique ».
L'énergie fixée dans la biomasse par la photosynthèse, a une très grande valeur stratégique ; elle offre aux pays périphériques des opportunités historiquement sans égal, du point de vue énergétique, social et politique. La biomasse requiert un investissement de capitaux relativement peu important, par rapport aux énergies fossiles. En outre, elle peut se développer avec les moyens existants, au niveau régional, voire local. Elle est plus qu'une alternative énergétique et constitue la base d'un développement technologique et industriel viable, fondé sur les données concrètes de la réalité qu'offrent les tropiques, avec l'intégration de l'homme à une économie en harmonie avec son environnement naturel.
La biomasse énergétique disponible dans l'Amazonie, notamment le manioc, les huiles végétales, la cellulose, la canne à sucre, le sorgho, etc., peut remplacer les dérivés du pétrole en alimentant des moteurs Diesel et Otto (moteur à quatre temps), chaudières, turbines, etc. La production d'électricité, est d'ailleurs l'une des applications de ce potentiel de biomasse dont dispose le Brésil (utilisation de la lignite, des huiles et du charbon végétal).
Le programme de production d'alcool mené au Brésil -malgré les tentatives de l'arrêter par des pressions étrangères- constitue un des atouts majeurs de ce pays, qui pourrait ainsi envisager, dans le futur, le remplacement progressif du pétrole et à terme, la fin de sa dépendance énergétique : avec plus de quatre cents usines d'une capacité de production de l'ordre de 16 milliards de litres d'alcool éthylique, ce programme est le plus important dans le domaine de la biotechnologie au Brésil et l'un des plus importants au monde. En plus, si ces potentialités s'étendaient à d'autres matières premières énergétiques et à d'autres combustibles substitutifs du pétrole, ce projet pourrait atteindre une portée mondiale. Dans le domaine de la biomasse, le Brésil se situe parmi ceux qui disposent d'une technologie des plus adéquates, comme résultat de l'existence, jusqu'en 1979, d'une structure institutionnelle, d'une coordination et d'une volonté politique. Plus de mille trois cents ingénieurs et chercheurs travaillaient dans ce programme, qui par la suite fut interrompu.
Cet immense potentiel énergétique que représente la biomasse tropicale, constitue un facteur qui pourrait faire changer la structure du pouvoir à l'échelle internationale. Pour cette raison, l'utilisation et le développement des tropiques, situé principalement en Amérique du Sud, en Afrique et dans le Sud-Est asiatique, est systématiquement découragé par les pays centraux qui contrôlent, de leur côté, les autres ressources d'énergie dans le monde.
Dispersée dans l'Amazonie, elle peut avoir aussi un rôle décentralisateur, en contribuant à la distribution plus uniforme de la population dans ce vaste territoire. Dans le cas du Brésil, cela aiderait à la transformation de l'organisation économique, sociale et politique du pays, en rompant l'organisation actuelle, dépendante de la production centralisée de l'énergie, fondamentale, dit-on, pour couvrir les grandes agglomérations urbaines.
L'alternative de l'utilisation de l'énergie de la biomasse, implique une nouvelle forme d'occupation du territoire et conduit à une nouvelle conception de la civilisation.
Bien entendu, il ne s'agit pas de procéder à la déprédation systématique de la forêt, dit J.B. Vidal, mais à une exploitation rationnelle de celle-ci, ce qui implique la préservation du patrimoine naturel des tropiques, par la voie de la reforestation systématique des territoires L'utilisation d'huiles végétales, offre des conditions excellentes pour la préparation de substituts à l'huile Diesel. Si l'on prend comme exemple la productivité moyenne de quatre tonnes annuelles par hectare et si nous prenons deux millions d'hectares à Bahia et soixante-dix millions d'hectares dans l'Amazonie, on pourrait envisager une production d'huile équivalent à six millions de barils d'huile Diesel par jour, dix-huit fois la consommation actuelle du Brésil.
En ce qui concerne la production d'éthanol, le Brésil pourrait atteindre avec la technologie actuelle, une production moyenne annuelle de 6 000 litres à l’hectare, à partir de l'exploitation de la canne à sucre et du manioc. Ainsi, une production de cinquante milliards de litres par an (880.000 barils par jour d'alcool), n'aurait besoin que de 8,5 millions d'hectares, à peine 1% de son territoire.
La production d'alcool représente 180.000 barils de pétrole par jour, la création de presque un million d'emplois directs, l'activation de l'industrie avec la construction de près de six cents nouvelles usines, la production et la circulation de plus de deux millions de voitures utilisant l'alcool comme combustible.
En extrapolant ces chiffres et ces exemples à l'échelle internationale, les spécialistes affirment qu'avec le développement des forêts et des cultures énergétiques tropicales, il serait possible de combler tous les besoins mondiaux de combustibles solides, liquides et gazeux aussi bien que les besoins d'électricité, pour une période pratiquement illimitée.
Grâces à ses potentialités économiques, à ses conséquences sociales et à son extension quantitative, la biomasse, peut devenir, à moyen terme, le principal levier pour le développement du monde tropical et, à plus longue échéance, un puissant outil de transformation de la structure mondiale du pouvoir.
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Ces deux exemples, riches d’une infinité de promesses, nous montrent que le Tiers Monde pourrait bien être celui par qui le salut économique advient. Le salut pour le christianisme pourrait bien y germer aussi, c’est ce que signifie l’immense espoir soulevé par la théologie de la libération, malgré son rejet catégorique par l’Église romaine, constantinienne et paulinienne, pour qui l’option préférentielle pour les pauvres est un stigmate du communisme.

Roger Garaudy

A SUIVRE

[1]. éd. de l’Université de Brasilia. 1990
[2]. (Brasilia 1986)