30 août 2012

La voix qui chantait seule sur la colline...

«La voix qui chantait seule sur la colline  réveille des rumeurs dans l’ombre des vallons…»
                                                   Roger Garaudy

Roger Garaudy est mort le 13 juin chez lui dans la banlieue parisienne. La faucheuse l’avait déjà provoqué en 2001, lorsqu’il a été foudroyé par une double hémorragie cérébrale le jour même où il devait inaugurer la médiathèque moderne de sa Fondation pour le dialogue des cultures à Cordoue en Espagne. Tandis que sa famille le rapatriait en France dans un état critique, il apprenait les attentats qui venaient de se produire aux USA le 11 septembre, et il en tirait le titre de son dernier livre qui était prêt, Le terrorisme occidental. Philosophe reconnu, Garaudy, qui voulait être prêtre, a eu un parcours atypique. De son enfance chrétienne, il gardera des valeurs-clefs, influant sur sa trajectoire qui bifurquera sur le communisme dont il sera l’un des porte-voix attitrés. Ses livres sont appréciés. Garaudy passera de la philosophie de la misère à la misère de la philosophie, en mettant en doute bien des certitudes. Il entame une troisième vie en embrassant la religion musulmane.
Les tenants des thèses sionistes peuvent désormais dormir sur leurs deux oreilles. Leur pourfendeur acharné le plus en vue est désormais dans l’autre monde. Garaudy aura été sans doute un homme complexe, dont le parcours sinueux a désarçonné plus d’un même parmi ses plus fidèles amis.  D’ailleurs, pouvait-il en être autrement pour celui qui a déclaré que sa vie est faite de ruptures et qu’il n’en regrette aucune, car, précise-il, «aucune ne fut un reniement de ce qui la précédait, mais le dépassement d’une limite.» Parce qu’il a tenu un discours autre que celui qu’ils avaient l’habitude d’entendre, les défendeurs du sionisme politique l’ont voué aux gémonies, lynché médiatiquement et menacé  même dans son intégrité  physique. Peu de voix à l’époque se sont fait audibles pour venir à sa rescousse.
L’Abbé Pierre, qui a volé au secours de son ami et dénoncé le «lobby sioniste international» sur les plateaux de télévision français, en a eu pour son compte. Avant d’être évincé médiatiquement, il a été invité à se rétracter publiquement pitoyablement, la gorge nouée, les yeux embués.

Comment a-t-il pu oser ?
«J’imagine les insoutenables pressions dont il a été l’objet. Je comprends sa position face à l’armada médiatique qui est indigne de cette humiliation en direct. Mais l’Abbé Pierre restera mon ami pour l’éternité. D’ailleurs, on ne cesse de se rencontrer», déclarait Roger il y a quelques années…
La presse française s’est particulièrement déchaînée contre Garaudy qui a démonté «les mécanismes des mythes fondateurs de la politique israélienne», un livre de 260 pages, considéré comme un «brûlot», qualifié d’œuvre de Satan ou de Hitler.
Même l’humanité, le journal de référence de sa jeunesse, n’y est pas allé avec le dos de la cuillère en se réjouissant que la loi Gayssot, votée à l’époque, ait pu faire taire un homme dont pourtant l’humanisme a marqué une époque. Dans les médias, l’antisémitisme et le négationnisme sont brandis pour débusquer cet empêcheur de penser en rond.
Alors, Garaudy, qui n’a jamais considéré la philosophie, l’histoire ou la théologie comme une carrière libérale mais un combat pour l’homme contre tous les intégrismes, rappelle qu’il «a défendu Marx contre une Union soviétique et un parti qui le fossilisaient et l’excluaient en 1970, qu’il a défendu Jésus contre toute théologie de la domination, qu’il a défendu l’Islam contre l’islamisme et la trahison des princes et, enfin, les grands prophètes juifs contre le sionisme tribal».
C’est surtout son dernier livre qui a suscité la réprobation de ses contempteurs. Il y dénonce l’hérésie du sionisme politique, qui consiste à substituer à Dieu et Israël l’Etat d’Israël, «porte-avions nucléaire et insubmersible des provisoires maîtres du monde ; les Etats-Unis qui entendent s’approprier les pétroles du Moyen-Orient».
Garaudy y évoque «une mythologie plus moderne, celle de l’Etat d’Israël qui serait la réponse de Dieu à l’Holocauste», comme si Israël était le seul refuge des victimes de la barbarie de Hitler, alors qu’Yitzhak Shamir lui-même, qui offrait son alliance à Hitler jusqu’à son arrestation par les Anglais, pour collaboration avec l’ennemi et terrorisme écrit : «Contrairement à l’opinion connue, la plupart des immigrants israéliens n’étaient pas les restes survivants de l’Holocauste, mais des juifs des pays arabes, indigènes à la région (Yitzhak Shamir, Looking  back, looking ahead 1987 p. 574.) Il fallait faire croire avec le  mythe des six millions que «l’humanité avait assisté là au plus grand génocide de l’histoire» en oubliant 60 millions d’Indiens d’Amérique, 100 millions de Noirs, oubliant même Hiroshima et Nagazaki et les 50 millions de morts de cette Deuxième Guerre mondiale, dont 17 millions de Slaves, comme si l’hitlérisme n’avait été qu’un vaste pogrom et non un crime contre l’humanité entière. Serait-on antisémite pour dire que les juifs ont été très durement frappés, mais qu’ils ne furent pas les seuls sous prétexte que la télévision ne parle que de ces victimes mais pas des autres.
L’itinéraire communiste de Garaudy ne le préparait guère à devenir le chef de file d’une dissidence humaniste. Il était entré au parti comme on entre en religion. Sa jeunesse a été marquée par la quête religieuse. Jeune catholique, il rêvait de devenir prêtre avant de se convertir au protestanisme, à l’âge de 14 ans et d’adhérer au PCF à vingt ans. Jeune professeur de philo, repéré par Maurice Thorez en 1937, il voit sa foi vaciller en 1939 lors de la signature du pacte germano-soviétique. Mais il est mobilisé et retrouve le parti à son retour du front. Arrêté en 1940 pour propagande communiste, il est déporté en Algérie. Libéré en 1943 après le débarquement allié d’Afrique du Nord, il est réintégré comme professeur de philo et prend la responsabilité des publications du PCF en Algérie. De retour en métropole en 1945, il enseigne le marxisme stalinien et grimpe les échelons de la hiérarchie du parti. «Au début des années 1950, il venait donner des conférences à la salle Pierre Bordes sur la philosophie mais aussi sur les peuples opprimés dont le salut réside, selon lui, dans les luttes discontinues», se souvient Zahir Ihadaden alors étudiant en lettre.

Itinéraire déroutant
Il fut un universitaire apprécié. Professeur titulaire à Poitiers de 1969 à 1973, il enseignait notamment la philo : «Il donnait des cours d’esthétique, sur la danse et les arts premiers, se souvient l’un de ses anciens étudiants. A l’époque, ses cours affichaient complet. Il faisait le show, c’était brillant.» C’est à Poitiers que Roger Garaudy apprit, en mai 1970, son éviction du Parti communiste après avoir dénoncé la normalisation en Tchécoslovaquie et qualifié son premier secrétaire, Georges Marchais,  de fossoyeur du PC. Il avait déjà enseigné la philosophie en 1958 au lycée Bugeaud d’Alger. Arrêté pour faits de résistance, Garaudy a été déporté en Algérie en 1940.
«On nous a envoyés à Djelfa, la porte du désert. Quelques jours après notre arrivée, nous apprenons que nous allons changer de camp, remplacés par des brigades internationales. On a vu arriver des brigades, ils ont donné le signal, et tous les copains se sont mis à chanter : ‘‘Allons au-devant de la vie’’. Le colonel est rentré dans une fureur terrible. Il appelle des soldats du Sud, des combattants algériens à qui on donne l’ordre de nous fusiller, le peloton s’installe, et le colonel hurle : ‘‘Arme au  pied, épaulez, visez, feu’’ ! Mais ils n’ont pas tiré. C’était merveilleux ! Ils n’avaient aucune raison de nous aimer. Mais il est contraire à l’honneur d’un guerrier du Sud que quelqu’un qui est armé tire sur un homme désarmé. Ainsi les communistes furent sauvés par des Algériens !»
Roger Garaudy racontait qu’il avait par la suite revu l’un de ces trois hommes simplement purs qui lui avaient sauvé la vie. Exactement comme eux, Roger voua sa vie au salut in extremis d’inconnus, de ses concitoyens surtout en danger de mort spirituelle. «L’honneur d’un guerrier du Sud c’est la plus belle figure que je puisse trouver de l’Islam. Peut-être que ma venue à l’Islam était due à cette expérience», avait-il confié à la fin de sa vie. A la suite de cet événement, il rencontre en 1944, à Aflou, Cheikh Bachir El Ibrahimi alors l’un des chefs de file des oulémas.
C’est à  Genève qu’il rencontre, à l’occasion d’une conférence qui se tient au début des années 1980, Salma El Farouki, avec laquelle il se marie après s’être converti à l’Islam en prenant le prénom de Raja. L’imam qui officiait la cérémonie n’était autre que l’Algérien Mahmoud Bouzouzou, également membre de la fondation Cordoue. Déroutant, il surprendra même Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur qui, en 1983, avait claqué la porte de la salle Atlas parce qu’il n’avait pas apprécié les «outrances» de Garaudy qui y tenait une conférence en s’en prenant vigoureusement à la politique ségréganniste d’Israël. Parmi les nombreux questionnements de Garaudy, nous avons tiré celui-ci.

«Comment j’ai embrassé l’Islam ?»
«Pour choisir une fois encore son camp, contre l’idéologie dominante des dominés, j’ai choisi l’Islam, idéologie dominante des dominés non pour en partager les nostalgies du passé où l’imitation de l’Occident, mais pour prendre parti à l’exemple des théologies de la libération. Elles sont nées en  Amérique latine, en Afrique, en Asie, là où les multitudes meurent de leur misère, au rythme d’un Hiroshima, tous les deux jours, parce que le modèle de croissance de l’Occident ne cesse d’aggraver leur sous-développement, corollaire de leur dépendance.»
A un moment où l’existence de l’Islam et surtout ses perversions occupent une grande place dans la vie politique et son orchestration médiatique, il s’agit de fournir des repères à la pensée, pour porter un jugement serein sur les raisons qui firent la grandeur de l’Islam, puis sa décadence dans le passé et ses ambiguïtés dans le présent. Une religion qui représente sociologiquement le 1/5 de l’humanité. «Le problème de l’avenir de l’Islam se pose en termes très simples et très clairs : ou bien il entrera dans l’avenir à reculons, les yeux fixés sur le passé, rabâchant des commentaires et des commentaires de commentaires sur les problèmes juridiques qui se posaient au temps des Omeyades et des Abbassides, ou bien il se montrera capable de résoudre le problème d’un nouveau modèle de croissance et il reprendra son vol victorieux comme au temps où il résolvait au Ier siècle de l’Hégire les problèmes posés par la décadence des deux empires de Byzance et de Perse.»
Rien n’est plus contraire à la vision dynamique du monde, celle du Coran, que de croire avec suffisance que tous les problèmes du présent et de l’avenir ont été résolus et qu’il suffit de savoir par cœur les formules du passé pour avoir réponse à tout. Roger sera un habitué des séminaires sur la pensée islamique organisés en Algérie dans les années 1980. Roger avait cogité sur l’au-delà.
Dans son essai consacré à la pédagogie de la mort, il écrit : «Ma propre mort, c’est peut-être le rappel essentiel que mon projet n’est pas un projet individuel. C’est ainsi que la mort donne à la vie son sens le plus haut : elle exige que nous fassions des choix qui transcendent la vie, des choix qui témoignent que tel ou tel projet nous paraît préférable à la vie elle-même.»

http://www.elwatan.com

28 août 2012

Ombres et lumières, Roger Garaudy



 Un homme extrêmement lucide qui se laisse aveugler par le coeur.
Helder Camara (il parle ici de son ami Roger Garaudy dans une lettre à lui adressée le 14 septembre 1979 et citée dans le livre "Mes témoins", Editions A Contre-Nuit, p 58)



  Roger Garaudy mort, sa trace demeure. Avec les inévitables jeux d'ombres et de lumières car "il n'est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien"(1).
     "Je ne peux plus vous faire d'autres cadeaux que ceux de cette lumière sombre
      Hommes de demain soufflez sur les charbons
                             A vous de dire ce que je vois "(2).

     Comme ces paroles s'appliquent bien à l'engagement de Roger Garaudy, appel constant à la vie, à la résistance et à l'invention de l'avenir. Il fallait bien convoquer un poète communiste français puisqu'aucun des dirigeants actuels du parti communiste français n'a eu le courage de dire ne serait-ce que quelques mots sur celui qui fût non seulement l'ami de Louis Aragon, de Paul Eluard et de Maurice Thorez - pour ne citer qu'eux - mais surtout pendant vingt ans l'un des principaux dirigeants de leur parti, avant que la bande à Marchais n'en soit le fossoyeur ainsi qu'il l'avait compris dès 1968.


     Les dirigeants du PCF n'ont pas pardonné à Garaudy d'avoir eu raison avant eux par exemple sur l'Union Soviétique, et les anti-communistes d'avoir été stalinien "des pieds à la tête" comme il le disait lui-même. Le communisme comme idéal: l'URSS patrie du socialisme, le dévouement des militants, l'exemplarité des dirigeants d'un parti qui à l'époque ne voulait pas être et n'était pas "un parti comme les autres". Le communisme comme repoussoir: la dictature, les procès, l'écrasement du Printemps de Prague et la "normalisation". Garaudy a participé à l'espérance communiste pour le pire comme pour le meilleur, mais il a su rompre avec le pire. Trop tard pour les uns, trop tôt pour les autres. Ombres et lumières ! Mais pourquoi ne voir dans le marxiste que le stalinien, et non par exemple l'homme du dialogue avec les chrétiens et l'homme d'un "marxisme du 20e siècle".

     Après le communisme "réel", le retour aux sources: "Le socialisme et le communisme ont été défigurés et discrédités par l'expérience stalinienne et ses séquelles. Le socialisme et le communisme [...] ont donné un visage à l'espérance des hommes [...] Ce visage de la plénitude humaine dans toutes ses dimensions. Vivre selon la loi fondamentale de l'être: l'amour. La Croix m'en a appris les renoncements. La Résurrection les dépassements. Je suis chrétien." (3)

     Le dialogue chrétiens-marxistes devient un élément du plus vaste dialogue  des cultures et des civilisations. Et l'on moque la naïveté de Don Quichotte de Garaudy - dont il est fier -, on dit qu'il enfonce des portes dont l'avenir montrera qu'elles n'étaient pas si ouvertes que ça, mais on n'argumente pas contre lui. Il participe au débat politique en France, à des conférences dans le monde entier, il écrit des livres qui "se vendent bien" (4), mais il ne fait pas, il ne fait jamais ce que le système médiatico-politique attend de lui.

     Comme il serait plus "convenable" en dénonçant l'URSS comme n'étant pas socialiste qu'il se rallie au capitalisme rebaptisé "libéralisme" pour s'accaparer la référence à la liberté ! Mais il continue à se battre "pour un socialisme à visage humain", selon la belle formule des communistes tchécoslovaques, contre ce qu'il appellera plus tard le "monothéisme du marché". Comme il serait plus convenable en prenant ses distances d'avec le PCF qu'il rejoigne les héraults de l'anti-marxisme, mais non il défend le marxisme "méthodologie de l'initiative historique" et non "recettes de cuisine pour les gargotes de l'avenir" ou catalogue de lois immuables.

     Ayant rejoint l'Islam avec la Bible sous un bras et le Capital sous l'autre, il rallie ainsi en 1982, après l'éclatement de l'URSS, le camp du "nouveau Satan", celui de la religion majoritaire des exploités et des opprimés du monde.  Mais le musulman, comme le marxiste et comme le chrétien, ne fait pas ce que les "docteurs de la foi" attendent de lui.
     Dénonçant, et avec quelle vigueur, toutes les "théologies de la domination" (juives, chrétiennes, islamiques) il indispose fortement les intégristes de tous poils.
     Commencé avec le procès de son article dans "Le Monde" sur l'agression israélienne au Liban - qu'il gagne contre la LICRA - et parachevé avec le procès des "Mythes fondateurs de la politique israélienne" - qu'il perd -, son emmurement étouffe désormais pour le grand public la parole d'un homme qui a pourtant tant à dire. N'oublions pas, à notre époque où les intégristes sont pour l'Occident le danger principal ici et ses meilleurs alliés là-bas à l'Orient et en Afrique, qu'entre les deux dates Roger Garaudy a démonté l'argumentation de tous les intégrismes, de ceux de l'Occident (marxisme dogmatique, monothéisme du marché) à ceux de l'Orient (sionisme maladie du judaïsme et  "islamisme maladie de l'Islam") (5).

     La "shari'a" - la "Voie" - confondue avec le "fiqh" - le droit historiquement limité, et c'est la décadence de l'Islam. Comme il y eut avec Esdras et Jérémie la décadence du judaïsme prophétique en "loi". Comme il y eut décadence du christianisme de Jésus en Constantinisme à Nicée (6). Et, toute proportion gardée, comme il y eut décadence du marxisme en catalogue de prêt-à-porter, comme il y a décadence de l'histoire en histoire "officielle" avec ses lois qui en figent le contenu. Pourtant, si une révolution est bien, ainsi que la définit  Garaudy, pour une société ce qu'est une conversion pour l'individu - "changer le but et le sens de la vie " - alors elle a aujourd'hui "plus besoin de transcendance que de déterminisme" (7).

     Les idoles, toutes les idoles doivent être brisées (8). Des mythes doivent être déconstruits. Roger Garaudy s'y est essayé toujours avec courage face aux risques encourus, mais parfois - rarement mais parfois - imprudemment. Comme le rénovateur Luther, à qui on a parfois comparé Garaudy, commit la faute de prendre le parti des princes allemands contre la révolte des paysans, le rénovateur Garaudy commit la faute de contester le chiffre de 6 millions de juifs victimes d'Hitler (9), chiffre pourtant admis - avec certes des variantes, mais faibles - par tous les historiens (10). La contestation, elle-même contestable, de ce chiffre, comme celle de la réalité des chambres à gaz, n'apportent d'ailleurs rien à la démonstration de l'instrumentalisation du génocide des juifs au service de l'Etat d'Israêl, de sa politique, et de la politique américaine "hungtingtonienne" (le "choc des civilisations") dans cette région, démonstration qui avait été déjà faite dans "L'affaire Israël" (11). Ombres et lumières !

     Sans l'ignorer, ne pas réduire Roger Garaudy à "L'affaire des Mythes" si l'on veut comprendre le sens de son oeuvre. Ne pas en faire un "gourou" à l'abri de l'erreur. Mais, adaptant une formule qu'il cite souvent, savoir trouver et ranimer la flamme sous la cendre, telle est la vocation de ce blog.
     "Tout ce que je dis de Dieu, c'est un homme qui le dit" (12) aimait à dire Garaudy. Et bien, en ce qui me concerne, tout ce que je dis de Garaudy, c'est un homme qui le dit, un homme simple, "de la base", que les actes et les livres de Garaudy accompagnent depuis ses 20 ans en 1968. Ni universitaire, ni historien amateur, ni théologien ou philosophe, je ne prétends pas à l'exhaustivité, ni même à l'objectivité. Mais je ne mettrai de voile ni sur la lumière pour en atténuer l'intensité et la portée ni sur l'ombre pour la soustraire aux regards. Toutes les collaborations sont les bienvenues.



(1) Aragon, Les poètes
(2) idem
(3) dernières lignes de Parole d'homme, 1974
(4) Par exemple Appel aux vivants (1979) et sa suite Il est encore temps de vivre (1980)
(5) Voir par exemple Intégrismes, 1991
(6) Sur ces sujets, voir notamment Biographie du 20e siècle, 1985
(7) L'avenir, mode d'emploi, 1998; Le XXIe siècle, suicide planétaire ou résurrection ?, 2000; etc.
(8) Sa volonté d'être incinéré, au grand dam des intégristes, ne participe-t-elle pas elle aussi de cette exigence ?
(9) Les mythes fondateurs de la politique israélienne, 1998
(10) Par exemple Raul Hilberg, La destruction des juifs d'Europe, 1ère édition 1988, 2éme 2006. [ Mais le Grand Larousse 2015 égratigne le "dogme des 6 millions"; à l'article "antisémitisme"(page 89), il est écrit: "De 1940 à 1945, au nom de l'idéologie national-socialiste, entre 5 et 6 millions de juifs d'Europe sont exterminés". Note ajoutée le 19/01/2015]
(11) 1983
(12) Karl Barth

Photos:  - A Caracas
            - Au Bureau Politique du PCF
            - Avec deux amis de toujours, l'Abbé Pierre et Don Helder Camara
            - A Moscou avec la petite Françoise

26 août 2012

Faut-il se remémorer la "Shoah" tzigane ?


L’arrivée d’Hitler au pouvoir va enclencher en Europe occupée une folie génocidaire appelée alors par les nazis : "la destruction des vies inutiles". Dans toute l’Europe occupée, on entreprend la traque du tzigane, d’abord en 1939, ensuite en 1941 et 1943. L’extermination des 5 à 600 000 nomades a lieu dans les différents camps de concentration.
En fait, la persécution commence avant l’arrivée des nazis dès 1933, la "stérilisation eugénique", l’interdiction des mariages mixtes en 1934-1935 et enfin les premiers enfermements au camp de Dachau, en 1936. A l’automne 1939 les déportations deviennent massives ; et c’est sur deux cent cinquante enfants tsiganes que les nazis testent le zyklon B, au camp de Buchenwald, en 1940. Ensuite commence l’extermination à grande échelle en Europe occupée. La moitié de la population tzigane d’Europe fut supprimée. L’extraordinaire dans cette affaire est que le nom des victimes Tsiganes ne fut même pas mentionné durant le Procès de Nuremberg, alors que la Shoah des juifs éclipsait toutes les autres horreurs !
En 1945, les nazis se sont livrés encore à de multiples massacres sur les derniers Tziganes internés dans les camps allemands. Les résistants tziganes qui avaient survécu, n’ont pu bénéficier à la fin de la guerre, des promesses d’intégration sociale qui leur avaient été faites. Ils ne trouvèrent personne pour les défendre. Le peuple tzigane ne sait pas pleurer ; il subit en silence, que dis-je ! en chantant ! la morbidité et les lamentations ne sont pas son point fort !
Sous le gouvernement de Vichy, dès 1940, des Tziganes sont internés dans des camps de concentration, à Argelès-sur-Mer et au Barcarès, dans les Pyrénées Orientales. En 1942 est créé un camp d’internement réservé spécialement aux Nomades, celui de Saliers, dans les Bouches-du-Rhône. Les Tziganes ont été systématiquement massacrés. 20.000 gazés pour la seule nuit du 31 juillet 1944, à Auschwitz. Plus de 600000 Roms, Kalderas, Manouches, ont péri dans les différents camps de concentration.
Les nazis voulaient exterminer le peuple tzigane tout comme le peuple juif, les opposants politiques, les homosexuels, les témoins de jéovah, les noirs, les handicapés et les malades mentaux dont un grand nombre a péri dans des camions et des chambres à gaz.
L’extermination des Tziganes est un fait trop souvent oublié. Pourquoi si peu de films documentaires ou livres sur le sujet ? Pourquoi lorsqu’on parle de la seconde guerre mondiale on évoque généralement la seule shoah le seul génocide juif et jamais ou presque le génocide tzigane ?
En France, la shoah est déjà largement enseignée au collège et au lycée. Pourquoi ne pas consacrer un peu plus de lignes sur d’autres génocides et massacres dans les manuels scolaires ? Tziganes, amérindiens, traite des noirs, crimes coloniaux etc.
Ou doit-on comprendre qu’il y a la prédominance d’une mémoire sur les autres.
Une foule de questions qui demeurent sans réponses !
Depuis le Procès de Nuremberg à nos jours, l’occident semble atteint d’une amnésie sélective.
En réalité cette situation n’a rien de fortuit, elle est le résultat de cette vision manichéenne qui constitue le fondement même de la pensée occidentale. Les juifs, en tant que pilier de la pensée et de l’histoire judéo-chrétienne, sont de vrais interlocuteurs dans le sens linguistique du terme. Les juifs forment le "tu", c’est l’alter-égo, une fois incriminé, haï, une autre valorisé.
Par contre le reste des humains forment le "il" c’est à dire des non-personnes, absentes de l’acte de la parole, réduites à l’état d’objet. Peu importe qu’Hitler extermine les homosexuels, les témoins de jéovah, les noirs, les handicapés, les malades mentaux et les Tziganes, ce ne sont que des sous-hommes.
Dire qu’on nous présente toujours Hitler comme une sorte d’extra-terrestre barbare qui est venu agresser une civilisation harmonieuse où la chèvre et le chou font bon ménage. On oublie que l’antisémitisme est un sentiment qui existait en Europe bien avant le nazisme ainsi que l’esclavage, le génocide des amérindien, les exactions coloniales. Hitler constitue l’état paroxysmique d’une civilisation malade. Une civilisation qui souffre d’avoir cru détenir le Sens et la Vérité. Une civilisation où une race s’est cru supérieure et se le croit encore et qui s’octroie le droit d’aliéner le reste de l’humanité. Non, Hitler n’est pas un accident historique, c’est la quintessence de l’eurocentrisme, c’est l’illusion universaliste en délire !
Il faut comprendre que du point de vue occidental la faute commise par Hitler est d’avoir assimilé les juifs à l’altérité, de les avoir confondu avec les masses déshumanisées du monde "non-civilisé". Malmener les juifs est toléré mais les exterminer c’est ébranler les fondements idéologiques du monde occidental qui sont de nature ethno-religieuse et non ethnique comme ont pu le croire les nazis.
Sautant sur l’occasion, les sionistes, médias et politiciens occidentaux aidant, vont jouer avec excellence la partition de la victimisation. La "Shoah" devient en quelque sorte une nouvelle religion dont les Ashkénaze, juifs européens, constituent le noyau et la victime par excellence.
Tous les autres génocides du 20eme siècle, même celui de Tziganes sont perçus comme de simples évènements historiques vite oubliés. Le génocide des juifs est affublé de deux dénominations spécifiques : la Shoah et l’Holocauste, deux noms propres, commençant par une majuscule, ce qui leur confère une valeur absolu.
La "Shoah", mot hébreux dont la singularité fait qu’il soit perçu comme l’expression d’un phénomène unique, n’est pas un génocide parmi d’autres mais le seul, l’unique, l’incomparable. L’"Holocauste" signifie au sens propre, un sacrifice religieux où la victime est offerte à Dieu par quelque sacrificateur. Le génocide des Juifs européens est donc vu, non pas comme un "holocauste" ou l’"holocauste des Juifs européens", mais comme l’"Holocauste" dans le sens absolu du terme.
Il possède une connotation religieuse sacrificielle, attribuant aux victimes un destin spécifiquement divin, sacralisant ainsi un fait historique . L’unicité de la Shoah est brandie, devenant ainsi le symbole du "peuple élu". Hegel dit bien que les juifs n’ont pas d’histoire, ils n’ont que des martyrs, la Shoah se présente comme le superlatif de la martyrisation .
On retrouve dans cette manière de penser la même obsession eurocentrique : on n’est pas seulement détenteur exclusif de la connaissance, de la foi, de la civilisation , on est aussi détenteur du malheur suprême, de la souffrance suprême.
Les Ashkénazes se présentent comme les seules victimes dotées d’humanité. A l’hypervictimisation des juifs blancs d’ Europe répond une hyperculpabilisation de leurs cousins chrétiens occidentaux. Les sionistes qui croient que les juif exterminés sont d’une nature différente des autres génocidés de l’Histoire vont mettre en valeur ce privilège. Il bénéficieront ainsi de l’absolution pour tous les crimes qu’ils vont commettre. Le rêve de ces victimes exceptionnelles du nazisme sera l’extermination d’un autre peuple, un peuple qui, en fait, n’en est pas un puisqu’il se situe hors des frontières de la "civilisation". La Shoah constitue une autre facette de l’idéologie dominante occidentale dans sa longue marche truffée de génocides, de colonisations et de mépris de l’altérité. La victimisation a servi d’excuse à la colonisation de la Palestine et d’écran aux différents épisodes d’épuration ethnique des autochtones. On est en droit de se demander si la Shoah est la sacralisation de la souffrance d’un peuple ou un vulgaire instrument de chantage servant à extorquer des fonds au profit des organisation sionistes comme le démontre si bien Norman G. Finkelstein dans son livre : « L’industrie de l’Holocauste : réflexions sur l’exploitation de la souffrance des juifs ».
Étrange est le destin de ceux qui de victimes se sont mués en bourreaux ! Faut-il laisser les Sionistes continuer à éclabousser la mémoire de ceux qui ont souffert le martyr ? Faut-il qu’une bande d’assassins se serve de la mémoire de ces martyrs pour martyriser des innocents ? Faut-il que les juifs soient associés à une telle entreprise criminelle ?

Fethi GHARBI

http://www.legrandsoir.info/Faut-il-se-rememorer-la-Shoah-tzigane.html

Islam, christianisme et marxisme contre le monothéisme du marché

02 août 2012

Un chemin fait d'essais contradictoires et fraternels


Quel est ton Dieu ?
Une question à laquelle, depuis des millions d'années, des milliards d'êtres humains ont trouvé réponse, une question pourtant dont il est impossible de formuler la réponse.
Ceux qui, en près d'un siècle de vie furent mes guides et mes modèles, où qu'ils en puisent la source, ont avivé la même flamme : vous, Dom Helder Camara; l'archevêque brésilien qui écrivait au dirigeant communiste que j'étais alors : « Nous avons la même soif ». Et vous, père Chenu, ou plutôt : Chenu;, mon Père, écrivant : « Plus je travaille plus Dieu est créateur. » Et vous, mes compagnons, de Thorez; me montrant, dans le martyre du théologien Thomas Münzer, les racines du socialisme moderne, à Aragon dont résonne encore en mon cœur le poème La rose et leréséda.
Nous sommes tous restés au bord du même gouffre, du même néant silencieux peuplé d'une infinité de possibles. Nous sentions bien le vide dont il nous entourait et l'inextinguible désir d'en explorer la forêt vierge.
Je ne sais pas comment j'aurais pu vivre sans eux, sans ces appels venus pourtant de tous les horizons. Si j'aurais pu vivre ce qui s'appelle la vie.
Depuis cette enfance de la foi, jusqu'à ses dernières et inaccessibles lueurs, je me sens hanté, mais illuminé aussi dans ma nuit, par mille essais contradictoires et fraternels.

Roger Garaudy


Ces lignes sont extraites de l'introduction d'un texte inédit et percutant de Roger Garaudy intitulé "Qui sera ton Dieu ?", texte qui a servi pour la rédaction de "L'avenir mode d'emploi" (1998) et de "Le terrorisme occidental" (2004). Le blogue publiera "Qui sera ton Dieu ?" dés la rentrée de septembre sous forme de "feuilleton", comme nous l'avons fait avec le livre du Père Boly "Journal d'un mutant de l'île de Gorée".