28 mai 2011

Cérémonie à la mémoire des internés du camp de Rivel

Le rendez-vous annuel organisé à l'initiative de Serge Pagès pour l'Arac (association républicaine des anciens combattants) et Andrée Zdrojower pour l'Ardiep (association des résistants, déportés, internés et emprisonnés politiques) [a eu] lieu le lundi 16 mai [2011]... sur le site de l'ancien camp de Rivel. Situé à quatre kilomètres de Chalabre, au lieu-dit «la scierie de la Prade» ("le moulin de l'évêque" est une appellation plus récente), l'endroit était jusqu'en 1939, la propriété de Guy Pierre, résidant à Toulouse. Le gouvernement français ayant alors ordonné aux préfets du sud de prévoir une arrivée massive de réfugiés, le terrain situé à 200 mètres de la gare de Rivel-Montbel (ligne Bram-Lavelanet), se transformera en un centre de séjour surveillé, placé sous la garde du lieutenant François-Paul Bonnet. Les travaux commencés en octobre 1939 seront terminés à la fin de l'année 1940 et le camp clôturé de plaques de ciment surmontées de barbelés accueillera 253 "indésirables". Nom donné à des syndicalistes et communistes, parmi lesquels Roger Garaudy, lesquels seront transférés le 28 janvier 1941 vers Saint Sulpice-la-Pointe dans le Tarn, avant un nouveau départ vers l'Afrique du Nord, en mars 1941. Le camp de Rivel accueillera ensuite des Allemands fuyant le régime nazi, et des juifs de toutes nationalités ayant cru trouver en France une terre d'asile. En août 1942, le jour de la "rafle du Vel d'hiv", tous seront transférés à Bram, les uns étant ensuite dirigés vers Rivesaltes, les autres subissant la déportation vers Auschwitz, via le camp de Drancy...
                                                                                              Autour de la stèle de l'ancien camp
                                                                                                  L'indépendant

22 mai 2011

L'alternative


Ce livre est un engagement.
Pour celui qui l'a écrit.
Pour celui qui le lit.
Ce livre, j'étais contraint de l'écrire pour rester fidèle au rêve de mes vingt ans.
Il représente dans ma vie à la fois une rupture et un accomplissement, un arrachement et un enracinement nouveau.
Je ne renie rien de mes espérances: elles se réalisent d'une manière inattendue. Le but reste le même. Les moyens pour l'atteindre sont différents: comment ne le seraient-ils pas quand le monde a plus changé en ces quelques années qu'en plusieurs siècles ?
C'est un bouleversement redoutable, dans la vie d'un homme, après avoir professé l'athéisme pendant tant d'années, de découvrir le chrétien que l'on porte en soi et que l'on a peut-être jamais cessé de porter. Et d'accepter la responsabilité de cette espérance.
C'est une angoisse, après avoir été pendant trente sept ans militant du même parti, pendant vingt ans l'un de ses dirigeants et y avoir trouvé le sens et la beauté de la vie, de mettre en question la conception même de parti, précisément pour réaliser les espoirs que ce parti a fait naître.
Ce livre a été écrit dans l'angoisse et l'espoir.
Sans esprit de polémique.
Avec la seule volonté passionnée d'aider à prendre conscience d'une impasse et de suggérer un avenir possible.
Tout ce que j'ai dit de cette tâche montre combien je suis convaincu qu'elle n'est pas celle d'un seul homme. Nul plus que son auteur n'a donc conscience du caractère inachevé de ce livre.
Mais nous vivons une histoire si vertigineusement rapide qu'elle nous interdit de différer une intervention jusqu'au moment où nous aurions la satisfaction esthétique de présenter un système parfait: le jour de sa naissance publique serait en même temps celui de sa mort, car il serait déjà dépassé par l'évènement, sans prise sur lui.
Nous avons moins besoin de systèmes - qui ne feraient du présent que l'histoire comme on fait celle des morts - que de pensées en fusion qui peuvent être des incitations, des outils ou des armes pour inventer le futur et le réaliser.
L'outil ne vaut que par celui qui s'en empare et le manie.
C'est pourquoi ce livre engage aussi celui qui le lit.
Inspiré par les colères et les espérances de la jeunesse, c'est à la jeunesse d'abord qu'il s'adresse. A la jeunesse selon le calendrier, mais aussi à la jeunesse de l'esprit et du coeur: à ceux qui croient que la vie de l'homme n'est pas faite seulement pour accepter ou pour maudire, mais pour commencer et pour créer.
Celui qui lit ce livre peut le rejeter en bloc comme une utopie prétentieuse et exigeante. Il pourra ainsi se croire quitte envers son propre avenir.
Un autre peut s'attacher à la critique des faiblesses et des insuffisances de l'ouvrage - elles sont légion - et, s'il s'en tient là, se dispenser de les corriger lui-même et de faire avencer le problème d'un pas.
Un autre lui reprochera de n'être pas un "programme", oubliant qu'il serait contraire à son esprit même de préparer, comme disait Marx, "des recettes de cuisine pour les gargotes de l'avenir". Car c'est un de ses thèmes majeurs: l'avenir de tous doit être l'oeuvre de tous, inventé et réalisé par tous.
Et puis il y a ceux qui trouveront là un écho d'une question et d'une recherche qui leur sont fraternelles, qu'ils portent déjà au fond d'eux-mêmes. Ceux-là sentiront peut-être que de la continuation de ce livre ils sont personnellement responsables pour que leur propre pensée, comme cet écrit, bourgeonne en actes. Nos mains sont déjà nouées. Nous avons encore quelque chose à nous dire. Quelque chose à faire ensemble.
Tout est à faire.
Et d'abord l'inventaire des besoins réels. Marx avait préparé, en 1880, un questionnaire pour une "Enquête ouvrière", car il n'avait pas la prétention d'être un dirigeant à tel point identifié aux masses qu'il puisse définir lui-même leurs revendications et leur programme et parler une fois pour toutes en leur nom. Il était attentif aux aspirations en train de naître en chaque moment. (Cette attitude eût été sans doute heureuse chez les dirigeants politiques et syndicaux, au printemps de 1968, pour déceler les besoins nouveaux qui affleuraient du mouvement, afin de ne pas se contenter de plaider le dossier ancien). Le questionnaire de Marx montrait qu'il voulait faire de l'économie une science vivante, s'enrichissant de l'expérience quotidienne, vécue, de chaque travailleur, s'enracinant en elle, et devenant peu à peu l'oeuvre de tous. Il ne prétendait pas apporter des réponses toutes faites, mais des questions, appelant à la réflexion personnelle de chacun. Il ne s'adressait pas "aux masses", mais aux travailleurs un par un. A partir de là l'on peut remonter, de proche en proche, vers l'élaboration théorique. Ainsi seulement peut se construire un "programme" à l'échelle des mutations de notre temps et des besoins nouveaux qu'elles font naître.
Chacun peut y contribuer, là où il est: dans son atelier, son bureau, son université, son labotatoire; dans son syndicat, son parti, son église.
Chacun peut suggérer aussi les méthodes permettant de coordonner tous ces efforts individuels, afin que chacun soit fécondé dans sa recherche par les expériences, les projets et les initiatives de tous les autres, afin que chacun soit toujours davantage un foyer de création de l'avenir. [...] Il ne s'agit pas de créer un parti mais un esprit. Et cet esprit transformera les partis, les syndicats, les Eglises. Parce qu'il exprime un besoin profond de notre temps.
Coordonner et non subordonner. Eveiller et non commander. Il y a là une forme de rapports humains dont le modèle est encore à inventer. Cela aussi est l'affaire de tous. Car jusqu'ici l'organisation a toujours été confondue avec la délégation de pouvoir et le despotisme du petit nombre.
Ce ne sera pas facile d'aller à contre-courant d'une conception de la politique vieille de tant de siècles.
Les railleries ne manqueront pas.
L'on nous accusera de substituer à la science le prophétisme et l'utopie. Ce sera bon signe si nous mettons en colère les "réalistes" et les positivistes de toutes nuances; le signe que nous ne cédons pas aux entraînements d'aujour'hui et d'hier, que nous maintiendrons fermement que le possible fait partie du réel, et que toute science dite "humaine" et toute politique qui refuse de tenir compte de cette dimension majeure de la réalité sociale n'est pas science mais scientisme mort, n'est pas politique mais empirisme aveugle.
L'on nous accusera de substituer à la sacro-sainte "organisation" un messianisme et une chevalerie de Don Quichotte. Ce sera bon signe de mettre en colère les hommes d'appareil et les manipulateurs de tous bords: le signe que nous ne céderons pas à la mode d'un certain "manageering" économique ou politique pour lequel l'homme n'est qu'une "marionnette mise en scène par les structures" et que nous maintiendrons fermement que si l'homme ne sauvegarde pas sa "distanciation" à l'égard de toute institution, s'il abdique son droit à l'initiative historique, l'organisation cesse de servir l'homme pour l'asservir.
L'on nous accusera de substituer à la politique une mythologie anarcho-syndicaliste. Ce sera bon signe si nous mettons en colère tous ceux pour qui la politique est devenue le métier de parler au nom des autres en se substituant à eux: le signe que nous ne céderons pas aux facilités de la délégation de pouvoirs et que nous entendons changer le concept même de politique en en faisant la science et l'art de créer les conditions dans lesquelles chacun pourra participer à la détermination des fins de la société et à l'autogestion de toutes les activités sociales.
Une science, car il appartiendra par exemple aux économistes qui entendent pousser plus loin ce projet, de construire (comme le fit le docteur Quesnay avec son "Tableau économique de la France", à un autre moment de fracture de l'histoire, quelques années avant la Révolution française), un double modèle, du réel présent et du possible futur. C'est-à-dire: mettre en évidence, avec le maximum de rigueur, les sources actuelles du revenu national et sa répartition entre les diverses couches de la nation; et, en opposition, construire un modèle possible dégageant les sources potentielles du revenu national qui naîtraient d'une réorganisation des structures économiques et sociales, d'une réorganisation de la production ayant pour fin non les profits de quelques-uns mais les besoins de tous, éliminant les parasitismes, les gaspillages, les freinages inhérents au système fondé sur le profit pour le profit, et la croissance aveugle. Je n'ignore pas les difficultés d'une telle entreprise, mais seule la construction d'un tel modèle permet d'échapper à toute démagogie tendant à juxtaposer des revendications et des convoitises sans démontrer la possibilité concrète de leur financement et de leur satisfaction. Seule la construction d'un tel modèle donnera une image crédible et accessible à tous de ce que pourra être une planification démocratique et une répartition nouvelle du revenu national orientée par la priorité absolue des investissements dans l'homme. La réalisation d'une telle tâche requiert la participation de milliers de spécialistes, de chercheurs bénévoles, militants, et l'articulation avec la permanente enquête à la base sur les besoins naissants et leur incessante évolution.
Un art aussi. Car il ne suffit pas de connaître et de faire connaître, il faut encore appeler et éveiller. A cela peuvent contribuer tous ceux qui possèdent le moindre moyen d'expression, de l'artiste créateur au journaliste, et à quiconque a le désir de communiquer sa foi dans un avenir à visage humain.
Ce livre aura atteint son but s'il a aidé quelques-uns à prendre conscience à la fois de l'impasse, de la possibilité d'en sortir, et de leur responsabilité personnelle dans cette entreprise.
Cette prise de conscience c'est un feu qui peut s'allumer. Il peut s'éteindre si nul n'est décidé à le nourrir du meilleur de lui-même. Il peut devenir incendie qi quelques-uns, au départ, éprouvent l'exigence de le porter plus loin pour changer radicalement l'atmosphère politique d'un pays.
[...]
Prendre conscience du possible ce n'est pas croire en quelque recette magique nous sauvant "du dehors", sans notre participation personnelle. Il n'y a pas de libération passive: c'est dans la lutte pour la liberté que nous commençons à exercer notre liberté. Si nous ne l'exerçons pas dés maintenant et personnellement nous ne la recevrons jamais et de personne.
La tentation permanente, pour un révolutionnaire, c'est que les exigences de la lutte pour la libération ne le conduisent à corrompre ou à détruire la liberté même pour laquelle il combat. Il n'est pas vrai que l'on puisse d'abord conquérir le pouvoir et changer les structures par tous les moyens et, ensuite, octroyer, du haut du pouvoir conquis, une liberté véritable. Comment concevoir des moyens homogènes à la fin poursuivie ? Les suggérer fut l'une des préoccupations principales de ce livre.
Les hommes ne font pas leur histoire arbitrairement; ils la font dans des conditions structurées par le passé. Mais ils font leur ,propre histoire. Les structures conditionnent les hommes, mais les hommes transforment et créent les structures. Tout, dans cette dialectique tragique, passe par les hommes, leurs volontés et leurs décisions.
Le rappeler à l'heure d'un choix urgent et vital était le but majeur de ce livre exigeant.
Certes il serait plus facile, en prônant le socialisme, d'avoir une référence, de pouvoir dire: le but à atteindre est accessible puisqu'il a déjà été atteint. Lorsqu'on parle de modèle de société à créer l'on est invariablement traité d'utopiste. Ainsi raisonnèrent les féodaux à la veille de la Révolution d'Octobre: cela ne s'est jamais vu et n'existe nulle part, donc c'est impossible.
Les révolutionnaires ont invariablement démenti semblables pronostics: "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait."

Roger Garaudy , L'alternative, Editeur Robert Laffont, 1972. Extraits de la conclusion, pages 245 à 252

13 mai 2011

Il y a un type qui s'appelait Staline...

1. Demande d'amendement Toubon
Journal officiel du 22 juin 1991, p. 3571-3

Intervention de Jacques Toubon, député RPR:

. [ ] Il s'agit donc du délit de négation des crimes contre l'humanité commis pendant l'Holocauste, donc du délit de révisionnisme.
Lorsque nous en avons discuté en 1990, sur la base d'une proposition de loi du groupe communiste, dont le premier signataire était M. Gayssot, j'avais contesté je n'étais pas le seul le principe de ce texte, qui consiste à fixer la vérité historique par la loi au lieu de la laisser dire par l'histoire.
Certains objectent que si c'est bien l'histoire qui fait la vérité et si ce n'est pas à la loi de l'imposer, certains propos vont trop loin et il ne faut pas permettre de les exprimer. Mais c'est glisser insensiblement vers le délit politique et vers le délit d'opinion.
Donc, sur le fond, il y a dans ces dispositions un très grand danger de principe [ ].
Par conséquent, sur le principe, l'article 24 bis représente, à mon avis, une très grave erreur politique et juridique. Il constitue en réalité une loi de circonstance, et je le regrette beaucoup. Une année s'est écoulée. Nous ne sommes pas à un mois des événements de Carpentras. Nous n'avons pas à examiner un texte que la conférence des présidents avait, je le rappelle, inscrit à l'ordre du jour en toute hâte, quarante-huit heures après son dépôt, et qui avait été discuté immédiatement parce que le président de l'Assemblée, M. Fabius, avait décidé personnellement son inscription. Un an après, à froid, nous pouvons, comme je viens de le faire, examiner la validité de cette loi, la validité de ce délit de révisionnisme prévu par l'article 24 bis et conclure, avec Simone Veil, que ce délit est inopportun. [ ] C'est une faute sur le plan politique et sur le plan juridique.

M. Jean-Claude Lefort [communiste]:
Monsieur Toubon, retirez cet amendement qui est véritablement obscène, au sens strict du terme. [ ] Cet amendement, monsieur Toubon, il a vraiment une mauvaise, une très mauvaise odeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)


M. Jacques Toubon: . Il y a un type qui s'appelait Staline en 1936 : il a fait exactement le boulot que vous venez de faire ! Ça s'appelait des procès ! [ ] Sur le fond, il est parfaitement clair que l'institution d'un délit de révisionnisme a fait régresser notre législation, car c'est un pas vers le délit d'opinion. Cela a fait régresser l'histoire parce que cela revient à poser que celle-ci [ne] peut être contestée. Je suis contre le délit de révisionnisme, parce que je suis pour le droit et pour l'histoire, et que le délit de révisionnisme fait reculer le droit et affaiblit l'histoire.

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Extrait du Nouvel Economiste , n 1051, du 7 juin 1996, p. 6: "Simone Veil [déportée à Auschwitz, ancien ministre] souhaite l'abrogation de la loi Gayssot qui permet d'engager des poursuites contre les personnes niant l'existence du génocide juif par les nazis: "Cette loi a donné l'impression que l'on avait des choses à cacher. Or de nombreux travaux d'historiens ont été faits et sont tout à fait clairs. Au fond, cela me paraît presque monstrueux de pouvoir empêcher les gens de contester. Sans cette loi, jamais il n'y aurait eu une polémique avec l'abbé Pierre. Il ne faut jamais donner l'impression que l'on porte atteinte à la liberté d'expression, même sur un sujet de ce genre."
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L'esprit critique menacé

Renaud Camus, Michel Houellebecq, Oriana Fallaci, Edgar Morin, Olivier Pétré-Grenouilleau, Max Gallo, Elisabeth Lévy, Paul Nahon, Alain Finkielkraut... la liste devient longue et inquiétante des journalistes, écrivains, universitaires et intellectuels poursuivis ou menacés de poursuites pénales par des associations vindicatives et sectaires pratiquant l'intimidation judiciaire soit pour faire taire toute opposition à leur cause, soit tout simplement pour interdire à l'avance le moindre débat sur leur conception particulière de l'amitié entre les peuples.
Ces lobbies, que l'écrivain Philippe Muray qualifie à juste titre de « groupes d'oppression », défendent le plus souvent un communautarisme narcissique dégénérant en paranoïa identitaire et victimaire et prétendent détecter des atteintes à leur dignité à tous les coins de rue. Le terrorisme de ces croisés de l'hygiénisme mental consiste désormais à qualifier de « phobie » (homophobie, lesbophobie, handiphobie, islamophobie, judéophobie, mélanophobie, etc.) toute expression d'une opinion contraire à leurs prétentions ou  revendications. Une phobie étant l'expression d'un trouble mental, on comprend bien qu'il s'agit de traiter le dissident en malade dont l'accompagnement psychiatrique devrait sans doute être recommandé en parallèle à la répression pénale.
Cette situation ridicule est indigne d'une démocratie libérale et donne de la France l'image d'un pays immature dérivant dramatiquement vers la mise sous tutelle judiciaire de l'intelligence et de l'esprit critique, où le sectarisme conduit les mêmes à vouloir expédier un philosophe en prison et distraire de la justice un terroriste italien ou des incendiaires de banlieue.
La responsabilité première de cette dérive incombe aux gouvernements successifs, de gauche comme de droite, qui, par lâcheté, complaisance, clientélisme et aliénation aux oukases médiatiques, ont multiplié à l'infini ce qu'il faut bien appeler les délits d'opinion. Le législateur français semble ainsi avoir oublié que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme » (article 11 de la Déclaration de 1789) et que « la liberté d'expression vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction de la population » (arrêt Handyside, Cour européenne des droits de l'homme, 1976). Mais non content d'avoir restauré la censure, ce même législateur a décuplé son efficacité en permettant systématiquement à des associations se proposant par leurs statuts de lutter contre le fléau de la malpensance, de porter plainte contre les dissidents.

Cette tendance lourde du législateur français, ajoutée à sa propension parallèle à décréter des vérités officielles (reconnaissance à portée rétroactive de génocides ou de crimes contre l'humanité, prescriptions de contenus pédagogiques à caractère idéologique ou moralisateur, logorrhée normative à vocation compassionnelle, etc.), soulève de très sérieuses questions mettant en cause nos principes constitutionnels. Outre leur caractère liberticide plusieurs fois dénoncé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, ces dispositifs aboutissent à une véritable privatisation de l'action publique, la politique pénale se trouvant ainsi quasiment déléguée à des associations corporatistes au mépris des principes républicains.
C'est aussi le principe d'égalité et d'universalité des droits qui est remis en cause par la multiplication de groupes de personnes faisant l'objet de protections juridiques spécifiques. Le Conseil constitutionnel a jugé en 1999, au sujet de la Charte européenne des langues minoritaires et régionales, que la reconnaissance de groupes était incompatible avec l'universalisme de la Constitution française. Mais le politiquement correct qui préside à l'adoption de ces législations pénales catégorielles dissuade les parlementaires de l'opposition comme ceux de la majorité de les déférer au Conseil. En outre, la sélection opérée par les associations entre les personnes qu'elles décident de poursuivre et celles qu'elles préfèrent ignorer crée évidemment une rupture arbitraire de l'égalité des citoyens devant la loi. Enfin, la définition vaseuse des incriminations par le code pénal laisse une large place à l'appréciation subjective des juges auxquels le pouvoir politique abandonne ainsi lâchement nos libertés.

Il devient urgent que nos gouvernants et représentants politiques, et notamment ceux qui prétendent se réclamer de la droite « libérale » ou de la gauche « libertaire », se ressaisissent et prennent conscience de la gravité des atteintes aux libertés fondamentales qu'ils ont contribué à introduire au pays de Voltaire et de Zola. Une remise à plat de l'arsenal répressif accumulé depuis la loi Pleven de 1972 et un retour aux principes initiaux et libéraux de la loi de 1881 sur la presse doit être envisagée. Il en va de la crédibilité de la France sur la scène internationale : comment pourrions-nous  donner des leçons à la Turquie ou à la Chine en matière de droits de l'homme si nous laissons envoyer nos journalistes et nos intellectuels en correctionnelle ? Qu'on ne nous rétorque surtout pas que cet arsenal serait nécessaire pour enrayer la montée en puissance de partis extrémistes. L'expérience a parfaitement montré la vanité et les effets pervers de ce type de législation. La liberté d'expression étouffée dans le prétoire se venge plus tard dans l'isoloir.

Anne-Marie Le Pourhiet , professeur de droit public à l'université fr Rennes-I.
Le Monde, 2 décembre 2005.

07 mai 2011

Plus de démocratie pour sauver la démocratie

"Plus de démocratie est le remède aux maladies de la démocratie"

Mercredi 31 janvier 2007

Notre tâche politique est de mettre sur pied une véritable démocratie en France, en Europe et dans le monde... Pour le moment en France.
Pour cela : rassembler, former une majorité large dans l’opinion. Il ne s’agit plus, assez simplement, de dire "non" majoritairement, mais de construire un "oui". Le oui le plus accessible est un oui à un texte positif : une constitution.
Le plus économique serait de partir du texte de la constitution actuelle pour ne pas s’égarer dans des manifestes longs qui ne seront pas lu (cf TCE) par nos compatriotes ou deviennent incroyables (cf Les 110 propositions de François Mitterrand).
Cela suppose d’abandonner, non les idées de justice, de vérité, d’égalité, de liberté, de fraternité, de solidarité, d’honnêteté, de laïcité, etc... mais des mots qui nous sont chers comme : communisme, socialisme, gauche, antilibéralisme, etc.
L’actualité nous offre une occasion extraordinaire de dépasser l’économique pour rejoindre l’humain et la justice. Notre problème touche directement le statut de la science, la liberté d’opinion, l’égalité devant la loi et la laïcité dans notre société.
Nous devons tester les candidats à la présidence sur l’ensemble des lois qui prétendent écrire l’histoire (Fabius-Gayssot, Arménie, Colonisation). Ces lois bien intentionnées signifient en réalité la fin de la liberté de recherche scientifique, notre réel déclin et bientôt celui de l’Europe et de notre civilisation basée sur la reconnaissance des faits. Pour caricaturer, sur ce chemin-là, on pourrait en venir à fixer, par vote d’assemblée, la forme de notre planète...
Ecrire l’Histoire n’est pas de la compétence d’une représentation politique. C’est le métier des Historiens. Déjà eux ont beaucoup de mal à rester objectifs à cause des pressions politico-religieuses. Cependant, ils obtiennent des résultats avec temps, travail et patience.
Si l’objectivité des Historiens échappe difficilement au politique, pour des représentants élus directs du peuple c’est mission impossible ! Les députés ont un travail constant d’auto-nettoyage des lois existantes et d’innovation qui suffit amplement à leur mandat. Ce n’est pas leur fonction d’arrêter les recherches historiques sous peine de poursuites.
On peut avoir, en toute légitimité historique, avoir des divergences sur le nombre des victimes de l’hitlérisme. Divergences aussi sur la notion de génocide. Chaque assassinat n’est-il pas déjà un début de génocide ?
Jacques Toubon (RPR) s’était, en son temps, engagé à abroger la loi Fabius-Gayssot qui installe la confusion entre histoire et politique (atteinte à la vraie laïcité)... mais rien n’est venu quand il fut garde des sceaux.
Roger Garaudy - ce n’est pas un homme parfait - ne fut pas seulement membre, mais un des principaux dirigeants du PCF. Il en a autrefois été exclu par sa direction pour des motifs dignes d’égard. Roger Garaudy était un des amis de l’abbé Pierre. Or, il a été condamné pour négationnisme. Cela ne vous parait-il pas un peu gros ? suspect ?
Edgar Morin, chercheur et trouveur à l’honnêteté encore moins suspectable, a lui aussi été condamné de façon semblable via la même loi Fabius-Gayssot.
On n’a pas besoin de cette loi pour condamner les négationnistes quand ils nient des faits. Les faits démontrés suffisent.
Le négationnisme de Roger Garaudy, ami de l’abbé Pierre, est un mensonge.
Cordialement et multi-citoyennement,