26 mars 2011

Khadafi et le socialisme musulman

En 1969, le capitaine Khadafi prend le pouvoir en Lybie. Se réclamant du pan-arabisme et du socialisme, il s'inscrit alors dans un mouvement global progressiste lorsque Roger Garaudy le rencontre. Voici le compte rendu que ce dernier donne de leur entretien dans son livre "Appel aux vivants" (pages 294-295 de l'édition dans la collection "Points-Actuels" au Seuil, 1979).Chacun jugera si Khadafi s'est tenu ou non sur la voie qu'il se fixait alors...
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Cette même liaison intime de la politique et de la foi, je l'ai retrouvée dans les propos que me tint, dans les plaines herbeuses qui entourent Tripoli, en 1978, le colonel Khadafi.
L'essentiel de notre entretien avait porté sur la Bible et le Coran avant que nous n'abordions les problèmes politiques. Rejetant tout fanatisme et tout sectarisme comme contraire à l'"oecuménisme" du Coran, Muammar Khadafi me citait les versets (136 sq) de la IIe sourate du Coran:
     Nous croyons en Dieu,
      à ce qui nous a été révélé
      à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus,
      à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus;
      à ce qui a été donné aux prophètes,
      de la part de leur Seigneur.
      Nous n'avons de préférence pour aucun d'entre eux.
      Nous sommes soumis à Dieu.

"Ce texte, me dit Khadafi, est répété sous différentes formes plusieurs fois dans le Coran. Un musulman fidèle au prophète se doit d'honorer et de vénérer Abraham, Moïse et Jésus. Car il est dit dans la révélation que Dieu a envoyé à chaque peuple son messager et son prophète."

Dans cet esprit, Khadafi établit le lien entre la loi religieuse constitutive de la communauté et la Constitution comme loi fondamentale édictée par l'homme.
La traduction politique de cette loi sacrée, c'est une démocratie sans délégation de pouvoir et sans aliénation. "Pas de substitut au pouvoir du peuple, dit Khadafi, ni à travers des partis ni à travers des parlements, mais, au-delà de l'imposture de la représentation, démocratie directe par les comités populaires et les congrès populaires qui sont l'émanation directe des entreprises, des coopératives agricoles, des universités, des villages, des quartiers."

Sur le plan économique, la propriété publique ne doit pas passer par l'intermédiaire d'un étatisme qui n'abolirait pas, mais, au contraire, perpétuerait le système du salariat. Le salariat dépouille le salarié de ses droits sur ce qu'il a produit, que la propriété soit privée ou étatique. 
A partir de là Khadafi définit le socialisme comme un régime dans lequel nul homme ne peut exercer sur un autre homme le pouvoir mortel de le priver de la satisfaction de ses besoins fondamentaux: le revenu, le logement, le transport, mais aussi la terre, mais encore tous les autres besoins matériels et spirituels. Telle est la loi humaine lorsqu'elle est conforme à la loi sacrée.