28 février 2011

La dictature des deux poids deux mesures

Conflit israélo palestinien : Indignons-nous


D’aucuns connaissent, sans doute des Kadhafi, des despotes politiques. Mais connaît-on les Kadhafi, les despotes en philosophie ?
L’un d’eux, qui n’a jamais fait mystère de son attachement au sionisme, vient de s’indigner en public : «… Un opuscule qui a eu un succès fulgurant, qui a été vendu à près d’un million d’exemplaires ».

Il s’agit de : « Indignez-vous ! ». Livre écrit par Stéphane Hessel, rescapé des camps de la mort, ancien résistant au nazisme et actuel résistant à la barbarie sioniste, ancien diplomate et juif.

Un juif, ancien résistant au nazisme, rescapé des camps de la mort où il y a laissé plusieurs parents, pour avoir osé, objectivement et avec forces preuves à l’appui, critiquer Israël pour ses crimes contre l’humanité, voir un tel critique [taxé]par des lobbies sionistes français d’"antisémitisme ", de "négationnisme",   de "révisionnisme " et de "sénile" . Qu’en serait-il si ce critique n’était pas juif ?

Roger Garaudy, un intellectuel français, ancien résistant, qui avait à son actif plusieurs dizaines de livres à succès, au milieu des années 90, quand il a écrit : « Les mythes fondateurs de la politique israélienne», n’a trouvé aucun éditeur en France pour le publier. Il l’a quand même publié à compte d’auteur. Les libraires de France et de Navarre ont refusé de l’exposer dans leurs vitrines et de le proposer à la vente à leurs clients.

Une odieuse campagne a été menée contre lui. L’Abbé Pierre qui avait esquissé une timide tentative de défense de son : « vieil ami de 40 ans», s’était vu, à son tour, livré par des médias sionistes à un lynchage médiatique en règle.

Plus tard, dans un pays qui ne cesse de se gargariser de sa laïcité, de sa séparation des pouvoirs, le législateur français, sous influence des mêmes lobbies sionistes, s’est introduit par effraction dans le domaine de l’histoire pour accoucher d’une loi condamnant tout réexamen de l’histoire. Oubliant par là que la « Shoah », le « génocide arménien ...», relèvent du domaine strictement réservé aux historiens.

Le moment n'est-il pas encore venu pour s'indigner face à la dictature de deux poids deux mesures? A la justice selon laquelle : "Vérité en deçà des Pyrénées et mensonge au delà ?".

Mon tour du siècle en solitaire

LA LONGUE MARCHE DE ROGER GARAUDY

Mercredi 3 mai 1989

Avec "Mon tour du siècle en solitaire "(1), Roger Garaudy nous a donné...une autobiographie très inspirée où défilent, de Staline à Kadhafi, de Bachelard à Sartre, de Castro à Rafsanjani, président du Parlement iranien, des personnalités de tout calibre, connues et moins connues. En Garaudy, chrétien, marxiste puis musulman, certains ne voient qu'une girouette. Le philosophe, pour sa part, considère ses «conversions» comme «les étapes d'un déconditionnement»: en ce sens, sa vie est «une longue marche du multiple à l'un, du partiel à l'universel».

Garaudy était à Bruxelles ces temps-ci. Nous lui avons demandé comment il en était venu à écrire ses mémoires...
- Je m'étais toujours dit que je ne les écrirais pas. Et puis on me pressait tellement de divers côtés... Je me suis laissé prendre au jeu. Évidemment, il n'était pas question de multiplier les anecdotes: j'en serais venu à noircir trois mille pages! Je devais faire une sélection sévère dans mes souvenirs, retrouver le fil conducteur de ma vie, recenser les événements qui faisaient sens, qui me révélaient à moi-même, en tant que participant à un projet divin: la découverte d'un secret d'amour maternel, la rencontre avec ma première femme, l'expérience directe de la mort à vingt-huit ans, l'exclusion du parti, etc. J'ai vu pas mal de monde, j'ai eu beaucoup d'amis, Picasso, Dom Helder Camara. Certaines rencontres se sont faites sous le signe de l'ange, comme si l'interlocuteur me disait: «Je suis ton éternité». 

- Pouvez-vous dire comme Sartre - que vous avez bien connu - que vous n'avez pas de regrets?
- Non, je ne regrette rien. Je n'ai pas eu une vie exemplaire. Mais chacune de mes erreurs portait une leçon. S'il y a quelqu'un de parfait en ce monde, qu'il me jette la première pierre! Ce qui est important, c'est que je crois être resté fidèle au rêve de mes vingt ans qui était d'unir Abraham et Prométhée, Kierkegaard et Karl Marx. Aujourd'hui, à la tour Calhorra de Cordoue, qui fut jadis un centre de rayonnement de la culture, je m'efforce de jeter un pont entre l'Orient et l'Occident. Je demeure fidèle à la vocation de toute ma vie, celle du Jean-Christophe de Romain Rolland: «Charrier, comme une artère, toutes les forces de vie de l'une à l'autre rive». 

La Bible et Le Capital
- Vous pensez que votre adhésion à l'islam s'inscrit dans une logique?
- J'ai dit à un journaliste saoudien que j'étais venu à l'islam avec la Bible sous un bras, et Le Capital, de Marx, sous l'autre, bien décidé à n'abandonner aucun des deux. L'islam correspond pour moi à un approfondissement et à un accomplissement. Ce n'est pas une religion nouvelle. Mohammed le reconnaît: «Je ne suis pas un innovateur parmi les prophètes». Pour un musulman fidèle, Moïse, Abraham, Jésus, apportent le même message de soumission à Dieu. Je ne vois rien là qui ne reflète ma foi de toujours. Le christianisme ne m'a pas donné de méthode efficace pour transformer la société. Chez Marx, je n'ai pas trouvé une métaphysique mais un projet, fondé sur une analyse des contradictions de la société capitaliste, pour réaliser cette transformation. L'islam m'offre son esprit communautaire: il affirme que seul Dieu a le savoir, que Dieu seul commande et possède... 

- Quelles sont, d'après vous, les contradictions du néo-capitalisme?
- Depuis Hiroshima, on dispose d'un arsenal de bombes capables d'anéantir 75 milliards d'être humains: contradiction dans le progrès technique! La Commission européenne vote un crédit de cent milliards d'écus pour agrandir les entrepôts frigorifiques de viande et de beurre de l'Europe. Pendant ce temps-là, des millions de gens meurent de malnutrition. Cinq fois plus que durant la Seconde Guerre mondiale: contradiction dans la gestion économique! A la télévision qui pourrait être un formidable instrument d'éducation, on diffuse des films exaltant la violence, la loi du plus fort. On pollue l'esprit des enfants en ne leur montrant que la laideur: contradiction dans la communication! 

- Les Versets sataniques?
- Médiocre et ennuyeux!
- Une question bateau: quels sentiments vous inspire l'affaire Rushdie?
- Je pense d'abord qu'on a grand tort de se servir des déclarations de Khomeiny pour condamner tout l'islam et créer une atmosphère de croisade, au moment même où, hypocritement, pour des raisons financières, on prend fait et cause pour les princes de Saoudie et du Golfe, princes de l'or noir. L'imam a invoqué une tradition contraire au Coran, non conforme à la Révélation, une tradition fondée sur la loi du Lévitique, pour appeler à l'assassinat de Rushdie. C'est dans la Torah qu'on peut lire que «le blasphémateur sera puni de mort». Dans l'Évangile, il est écrit que Dieu maudira le blasphémateur dans ce monde et dans l'autre, ce qui implique que le jugement appartient à Dieu seul. Le Coran a repris la formule. Concernant les Versets sataniques, je ne vous dirai qu'une chose: c'est un livre médiocre et ennuyeux, fabriqué au moyen d'une méthode désuète, empruntée à Joyce et à Faulkner, et qui occulte totalement le message de l'islam, la dimension de l'homme qu'il révèle. Le fanatisme consiste aujourd'hui à insulter les éditeurs qui se refusent à publier. Que veut-on? Des progroms antimusulmans? Bagatelle pour un massacre, de Céline, qui diffame les Juifs, est interdit. On ne s'en plaint pas. 

Propos recueillis par M.G. (extraits)

(1)Roger Garaudy, Mon tour du siècle en solitaire, Robert Laffont

27 février 2011

La Quête humaine du Sacré chez les Mi’kmaq

La Quête humaine du Sacré chez les Mi’kmaq (First Nations) du Canada


« Au-delà de nos croyances religieuses ou spirituelles, chaque peuple a une richesse spirituelle qu’il a à communiquer aux autres. Personne ne peut prétendre avoir Dieu pour lui comme il aurait un porte-monnaie dans sa poche. La quête du sacré est une quête qui hante tous les peuples du monde.»
Les Mi’kmaq est l’une des 630 groupes d’aborigènes (First Nations) du Canada. On les retrouve particulièrement dans la Province de la Nouvelle-Ecosse. Située à près de vingt minutes de voiture de la petite ville d’Antigonish , la communauté mi’kmaq de Paqtnkek a été le lieu idéal pour mes collègues et moi de vivre l’expérience de la richesse culturelle et spirituelle de ce peuple.
Tout se passe en ce soir du 3 décembre 2010, fête patronale de l’université qui nous accueille, St Francis Xavier University. La fête m’est personnellement mémorable parce qu’elle me rappelle mes jours d’internat au Petit Séminaire St François Xavier, dans le Mayombe. Comme durant mes années d’école au Petit Séminaire, St Francis Xavier University offre en cette soirée un dîner spécial. Les décors de Morisson Hall, qui sert de restau pour les étudiants, ont un apparat spécial bien teinté de couleurs de fête pour célébrer la Saint François Xavier. Au sortir des cours à 16h30, on peut s’apercevoir que l’ambiance est vraiment de fête : les tenues qui défilent devant mes yeux ne sont celles de tous les jours. Tous, étudiantes et étudiants, enseignants et travailleurs, sont d’une élégance inégalée. C’est vraiment la fête. Exceptionnellement, on peut voir de l’extérieur du Hall quelques bouteilles de vin et de champagne sur les tables.
C’est, pourtant, dans cette ambiance festive que mes collègues, Fil du Guatemala et Dulla de la Tanzanie, et moi-même recevront des instructions de David, un de nos enseignants, qui devra nous accompagner à notre rendez-vous de prière et de guérison à Paqtnkek. Au nombre de ces instructions, on nous invite de ne pas manger ou plutôt de ne manger que très légèrement ; mais surtout de ne pas prendre d’alcool. Nous sommes également prévenus que nous aurons besoin d’une tenue spéciale pour entrer dans la loge où devra se tenir la cérémonie: une culotte ou une serviette de corps parce qu’on ne peut y accéder que torse nu. En plus de la tenue, il nous faut également nous munir d’une bouteille d’eau à boire étant donné que l’expérience pourrait nous laisser déshydratés.
C’est à 19 heures exactes qu’on part de l’université, au moment même où nos collègues commencent les festivités. Pour certains collègues, qui voyaient déjà dans cette cérémonie de ‘prière et guérison’ une sorte d’entrée dans l’occultisme et qui n’hésitaient pas de me mettre personnellement en garde, ma décision de laisser la fête pour une ‘histoire’ païenne était comme de la folie. Mais j’ai appris, depuis mes années d’école secondaire, à faire des choix qui sont miens non des choix influencés par d’autres. Ma motivation, c’était de découvrir quelque chose d’autre, de différent de ce qu’on connait déjà.
Après vingt minutes de voiture, nous étions au lieu du rendez-vous. On y trouvait un groupe de quatre personnes autour d’un grand feu où l’on chauffait de grosses pierres. A côté du feu se trouvait une petite loge en cercle, d’une dimension approximative de deux mètres de diamètre. Hormis la petite entrée (on ne pouvait y entrer qu’en s’agenouillant), aucun autre orifice ne pouvait être perçu autour de la loge.
Un accueil très amical et fraternel nous était réservé. Après les présentations, tout le monde voulait immédiatement savoir d’où on venait, connaître quelque chose de nos cultures. Il faisait froid, un peu moins de 0 degré Celsius ; c’était l’hiver. On ne pouvait donc s’éloigner du feu. La conversation autour du feu me rappelait donc ces moments inoubliables chez moi au village, dans les petites forêts du Mayombe, ou le feu était le lieu autour duquel nous avions l’habitude de nous retrouver pour partager nos expériences de la vie, apprendre des adultes les mythes fondateurs de nos traditions et socialiser avec les autres.
A des milliers des kilomètres, je revoyais le feu jouer encore ce rôle, cette fois-ci entre des peuples de divers horizons et races (blancs et noirs). Je voyais se rétablir entre nous une unité spirituelle ou communicationnelle que j’ai eu coutume de voir autour du feu dans mon Mayombe natal.
Mais le moment le plus crucial intervint, lorsque tous sommes entrés dans la loge prenant chacun sa place autour d’un petit trou au centre où devaient être placées des pierres bien chauffées. Je pouvais en dénombrer une vingtaine. Un des maîtres spirituels transportait ces pierres une par une, du feu vers la loge, moyennant une pèle. Aussitôt qu’il avait fini, il entra dans la loge avec un sceau plein d’eau. Puis, l’entrée était fermée. Et après quelques mots d’introduction pour expliquer le symbolisme qui allait accompagner cette cérémonie de prière et de guérison, le maître spirituel jeta de l’eau au feu. Imaginez juste ce qui pouvait se passer lorsque toute l’évaporation ne pouvait trouver aucune issue de sortie ! Une chaleur vous pénétrait le corps et on pouvait sentir comme si on ne se possédait plus. Il y avait cette souffrance physique qu’on pouvait sentir, la souffrance de la chaleur pénétrant le corps, mais en même temps intérieurement on pouvait sentir comme une sorte de soulagement qui vous élevait à un autre niveau de transcendance, de communion non seulement avec ce que nous pouvons appeler un Dieu, mais tout simplement avec l’univers, les gens qui nous sont proches, les vivants et les morts,… Le refrain qui nous avait été demandé de répéter quand nous le souhaitions était : « To all my relatives’ (à tous les miens !).
Dès le départ la symbolique des pierres nous a été expliquée. Les pierres, c’est le témoin incontesté des générations et des générations depuis la création de l’humanité. Elles ont vu les gens naître, grandir et mourir. Elles sont les témoins de toute l’histoire humaine ; des générations sont nées, sont passées mais, elles, elles sont là, inchangées. Elles nous révèlent donc la présence de ceux qui sont partis, les ancêtres, ou qui sont absents mais aussi de ceux qui sont avec nous.
C’est donc en présence de l’humanité présente et absente que cette cérémonie de prière et de guérison se passe. Mis à part ce refrain que nous récitions de manière intermittente, chaque participant était invité à prier à sa manière, selon sa foi. Aucune formule n’était imposée. A intervalles variés, on ouvre la porte d’entrée pour laisser pénétrer un peu d’air frais. Quel soulagement ! Il n’y a pas de mot pour décrire un tel sentiment de paix intérieure lorsque ceci se passe.
En somme, c’est pour la première fois que je vivais une expérience, aussi mystique dans un sens ; une expérience spirituelle et physique forte et exceptionnelle. Mon collègue Fil, du Guatemala, m’a confié quelques jours plus tard qu’il en était sorti effectivement guéri d’un mal de dos dont il souffrait depuis des années. Cette expérience m’a convaincu, qu’au-delà de nos croyances religieuses ou spirituelles, chaque peuple a une richesse spirituelle qu’il a à communiquer aux autres. Je suis convaincu aujourd’hui qu’il n’y a personne - comme le dirait le philosophe français, Roger Garaudy - qui peut prétendre avoir Dieu pour lui comme il aurait un porte-monnaie dans sa poche. La quête du sacré est une quête qui hante tous les peuples du monde.

25 février 2011

Culture et mondialisation

On a tant espéré que la révolution des technologies des communications puisse mettre fin aux rivalités entre les peuples (dues surtout à l’ignorance de l’autre), rapprocher les cultures et  faire revivre celles qui étaient en voie de disparition… Ceci était techniquement possible, mais plusieurs facteurs ont empêché ce processus : Les pays du sud ne peuvent pas suivre le rythme de cette évolution (et donc ils ne pourront pas en profiter) car leurs problèmes sociaux, économiques et politiques sont loin d’être résolus  …
Dans ces circonstances, la mondialisation tendrait à uniformiser les cultures ou plutôt à américaniser le monde. Ainsi, les peuples des pays de sud se sont retrouvés devant un flux d’informations qui met en cause leurs cultures et promeut un mode de vie qui ne convient pas souvent au niveau de développement de leurs sociétés, à leurs histoires et à leur foi … Face à cela plusieurs réactions peuvent surgir.
La plus naturelle  est  l’effacement identitaire et l’imitation aveugle de l’autre ce qui est tout à fait explicable  car selon Ibn Khaldûn :
« La raison en est que l’âme voit toujours la perfection dans l’individu qui occupe le rang supérieur et auquel elle est subordonnée. Elle le considère comme parfait, soit parce qu’elle suppose faussement que sa propre subordination n’est pas une suite naturelle de la défaite, mais résulte de la perfection du vainqueur. »
La deuxième réaction qui est plus « défensive  » consisterait à un repli sur soi afin d’éviter toute influence extérieure.
Les deux réactions citées reflètent un manque de confiance en soi et conduiront toutes les deux aux désastres car elles engendreraient la continuité des rivalités ayant conduit aux guerres les plus destructrices de l’humanité.
La solution consisterait selon Roger Garaudy  à:
« Réaliser une révolution culturelle profonde qui donne à la culture sa véritable mission : non plus nous acheminer par le positivisme athée et l’individualisme vers le désespoir, mais faire prendre conscience des fins et du sens de la vie et de l’histoire.  »
Pour ceci,  il fallait avant tout faire un effort personnel afin de bien connaître sa propre culture et son apport à la civilisation humaine, connaître la culture d’autrui loin de toute vision réductrice, et enfin faire valoir sa culture à la lumière des spécificités et des points communs qu’elle a avec celle d’autrui.
Je cite ici ce qu’a dit Goethe : « Qui se connaît soi même et connaît les autres saura également reconnaître ceci : L’Orient et l’Occident sont indissolublement liés. »
C’est en mettant en évidence la complémentarité et les richesses de leurs cultures que les humains pourraient construire une civilisation dans le cadre du respect de la planète, de l’environnement et de la dignité humaine. Ceci apporterait l’âme d’une nouvelle vie en commun pleine d’espérance et de progrès.
    Chamseddine

Cheik Ibrahimi, l'Association des Oulémas et l'ouverture de l'Ijtihad




Un immense portrait de l'Emir Abd el Kader dans la maison de Cheikh Mohamed Bachir Ibrahimi, c'est l'image dominante que je conserve de la première rencontre avec le cheikh, en 1944, lorsque, après mon essai sur LA CONTRIBUTION DE LA CIVILISATION ARABO-ISLAMIQUE A LA CULTURE UNIVERSELLE, il me reçut chez lui

J'étais accompagné d'Amar Ouzegane, futur ministre de l'agriculture de l'Algérie libérée, et avec qui j'avais vécu près de trois années de prison et de camp de concentration.
Abd el Kader était à la fois le symbole et l'exemple de la vie, religieuse et militante, de Cheikh Ibrahimi. Il nous montra, ce jour-là, la continuité de la lutte menée, depuis 1830, par le peuple algérien, contre la menace de dépersonnalisation, de perte de son identité, que faisait peser sur lui, depuis plus d’un siècle, l'invasion colonialiste française, et aussi la perversion de l'Islam par le maraboutisme, qui collaborait d’ailleurs avec l'occupant.
Contre la dégradation du soufisme par le maraboutisme, professant à la fois une évasion de la vie quotidienne par une obsession morbide de la vie future, et par un faux mysticisme, « qui place la perfection dans le non-désir de la vie terrestre » comme écrivait le Cheikh Ben Badis, l'Emir Abdelkader disciple d'Ibn Arabi (le « Cheikh el Akbar »), sut lier , selon la plus haute tradition islamique, la foi et la politique. Le moment mystique était, pour lui, celui du « recentrement » sur Dieu. Son action, comme chef de guerre et homme d’Etat, était l'expression de sa foi et de sa spiritualité pour modeler le monde selon la « guidance » de Dieu.
Ce sont là les deux pôles de la vie, indivisiblement religieuse et politique.
Cheikh Ibrahimi fut, avec Cheikh Ben Badis, le continuateur, pour la rénovation de l'Algérie, de l'œuvre réformatrice entreprise en Egypte par El Afghani, Mohamed Abdou, Rachid Reda, qui mourut en 1935. Cette œuvre était à la fois novatrice du point de vue religieux, politique et culturel.
Faisant l'éloge de l'interprétation du Coran par Mohamed Abdou, grand Cheikh d'El Azhar, Cheikh Ibrahimi ajoutait : « Rachid Reda a ouvert aux savants la voie de l'exégète coranique... Après lui, la maîtrise de l'exégèse coranique pour le monde musulman tout entier, passa à Abd al Hamid Ben Badis le promoteur de la renaissance intellectuelle réformiste en Algérie, et même en Afrique du Nord. »
Cheikh Ibrahimi fut, avec Cheikh Ben Badis, l'âme d’une véritable « révolution culturelle » en Algérie, qui rendit possible la libération du peuple algérien, en 1962, de cent trente ans d'aliénation, et la reconquête de son identité arabo-islamique pour laquelle son peuple n'a jamais cessé de lutter de la résistance d'Abd el Kader, aux insurrections de Cheikh Bouamama et d'El Mokrani, jusqu'au soulèvement de 1954 et à la victoire libératrice de 1962.
La tâche des réformateurs était immense.
Cheikh Ibrahimi rappelle qu'en 1913, à Médine, au cours de ses veillées avec Cheikh Ben Badis, qui ne se terminaient qu'avec la prière du matin, a commencé à germer l'idée de l « Association des Oulémas », qui ne devait voir le jour qu'en 1931.
Ils refusaient à la fois les idées de Zya Gokalp, en Turquie, mises en pratique, quelques années plus tard, par Mustapha Kemal, qui, confondant « modernisation » avec « occidentalisation », faisaient perdre à l'Islam son âme par une imitation mécanique de l'Occident, et le conservatisme aveugle de ceux, qui entrant dans l'avenir à reculons, ne lisaient le Coran qu’avec les yeux des morts. Le programme officiel de la Zitouna, jusqu'en 1912, ne comportait exclusivement que les commentaires du Coran d'Al Baydawi (mort en 1316) et des Galalayn (dont l'un mourut en 1459, et l'autre, son disciple, 1505).
Quel que soit le respect que l'on puisse porter à ces grands exégètes du passé, il est grave de croire que la pensée créatrice de l'Islam se soit arrêtée avec eux, et que cette tradition médiévale puisse apporter réponse aux problèmes de notre temps. D'autant plus que le « Statut organique » de la Zitouna sacralisait ce dogmatisme. Il y était expressément stipulé : « Nul ne pourra se livrer à l'examen des principes que les savants se sont transmis d'âge en âge, et qui sont acquis la science. »
Cheikh Ben Badis et Cheikh Ibrahimi ont eu à combattre ce double fléau : l'imitation servile de l'Occident, et l'imitation servile du passé.
Cheikh Ibrahimi écrivait que le pire défaut de ceux qui adoptent la culture occidentale « c'est une ignorance totale des vérités de l'Islam, et que le pire défaut de ceux qui se réclament de la culture islamique est une ignorance totale des problèmes et des exigences de notre siècle. »
Dans la perspective islamique, où la foi est inséparable des lois de la communauté, c'est-à-dire de la politique, le problème majeur était de découvrir comment l'Islam pouvait se « moderniser » sans cesser d'être lui-même, c'est-à-dire sans imiter l'Occident.
La solution préconisée par Cheikh Ben Badis et Cheikh Ibrahimi, dans la voie ouverte en Egypte par Mohamed Abdou et Rachid Reda, mais dans les conditions spécifiques de l'Algérie, directement affrontée au colonialisme, au colonialisme militaire et politique, mais aussi au colonialisme spirituel, c'était de retrouver le dynamisme créateur de l'Islam matinal, celui de la Révélation coranique et de l'exemple du Prophète.
Il fallait, pour atteindre cet objectif, « décaper » d'une gangue millénaire de ritualisme, de légalisme étroit, de littéralisme, la lecture du Coran et de la Sunna.
Cette entreprise ne mettait en cause ni l'origine divine du Coran, ni la grandeur de la tradition : elle en retrouvait au contraire la source vivante.
Cette « Ijtihad » est, comme l'écrivait Mohamed Iqbâ. « le principe de mouvement » en lequel s'exprime la puissance créatrice de l'Islam, et, comme disait Rachid Reda, d'une audacieuse ouverture de cet « Ijtihad », dépend tout l'avenir de l'expansion de l'Islam.
Il est vrai, que, très tôt, dès les premières crises de l'Empire abbasside, se manifeste un repli frileux qui s'exprime déjà avec Hanbal, et qui marque la fin de la première et fulgurante expansion de l'Islam. Ce fut pire encore, trois siècles plus tard avec les séismes de l'invasion mongole et des croisades. L'on se mit à théoriser, avec El Mawerdi, à partir d'une scolastique livresque, sur le pouvoir de l'empire abbasside en décadence
L'immense mérite d'El Afghani, de Mohamed Abdou, de rachid Reda, de Cheikh Ben Badis, de Cheikh Ibrahimi, fut de remonter, au-delà des spéculations théologiques, des gloses des arguties juridiques accumulées au long des siècles, jusqu'à la source vivante : la Révélation coranique, et l'exemple du Prophète, et de procéder comme l'avaient fait les grands jurisconsultes, qui avaient travaillé à atteindre, dans des conditions historiques nouvelles, les objectifs éternels que nous assigne la parole divine.
La Loi ne peut se pétrifier alors que la vie, qu'elle a pour mission de façonner selon le dessein de Dieu, qui a fait de l’homme son Calife, est en perpétuelle métamorphose.
En face de ce renouveau des Rachid Reda, des Ben Badis, des Bachir Ibrahimi, le grand Mohamed Iqbal écrivait : « Je trouve que la prétention de la présente génération de réformistes musulmans à réinterpréter les principes juridiques fondamentaux à la lumière de leur propre expérience et des éditions différentes de la vie moderne, est parfaitement justifiée. Le Coran enseigne que la vie est un processus de création incessante, ce qui exige que chaque génération, guidée mais non empêchée par l'oeuvre de ses prédécesseurs, ait le doit de résoudre ses propres problèmes. »
Parce qu'ils ne se sont pas contentés de répéter, dans leur formulation littérale, des décisions prises dans des situations historiques concrètes, mais en ont retrouvé l'esprit et la guidance divine pour atteindre le même but dans des circonstances historiques nouvelles, inédites, Cheikh Ben Badis à Constantine, Cheikh El Oqbi à Alger, Cheikh Ibrahimi à Oran et à Tlemcen, ont éduqué toute une génération qui allait trouver dans cet Islam vivant la force principale de mobilisation libératrice du peuple algérien.
C'est seulement à la lumière de l'Islam que le problème pouvait être posé dans toute son ampleur : la révolution algérienne ne pouvait pas avoir simplement pour but de remplacer l'équipe colonialiste au pouvoir par des Algériens qui exerceraient ce pouvoir selon les mêmes lois. Il s'agissait de créer une communauté nouvelle, fondée sur des valeurs radicalement différentes de celles qui étaient imposées, depuis cent trente ans par l'occupant : des valeurs spécifiquement islamiques.
Cette tâche exigeait la transformation des hommes autant que la transformation des structures. A de faux révolutionnaires prétendant tout changer, sauf eux-mêmes, le Coran rappelle « Dieu ne change rien en un peuple avant que celui-ci ne change ce qui est en lui. » (XIII, II).
Parce qu'ils étaient pénétrés de cette vérité coranique, les hommes qui créèrent, en 1931, avec Cheikh Ben Badis et Cheikh Ibrahimi, l'Association des Oulémas, mirent au premier plan de leur programme un gigantesque effort d'éducation, à la fois contre l'école dépersonnalisation de l'occupant colonialiste qui tentait de déraciner l'enfant Algérien de la culture arabo-islamique, contre l'obscurantisme maraboutique, si contraire, par ses superstitions et  ses « intercessions », à l'esprit de l'Islam (et choyé, pour cette raison, par le pouvoir colonialiste), et contre un enseignement périmé de l'Islam qui le momifiait et le stérilisait par la simple répétition du passé.
Le problème était d'échapper au double piège d’une intégration aveugle au modèle occidental de croissance et de culture, ou d'un refus global de tout ce qui n'était pas la tradition médiévale.
Le mérite des réformateurs fut de montrer qu'au lieu d'opposer stérilement science et religion, il était possible de réaliser une intégration critique et sélective des sciences et des techniques de l'Occident, en les subordonnant, comme des moyens, au but de l'Islam.
La « shari'a », ce mode de vie dominé par le souci d’accomplir le dessein de Dieu, n'implique nullement la sclérose d'une répétition figée des règles qui ont magnifiquement régi la vie de la communauté islamique il y a un millénaire, mais au contraire l'effort créateur pour modeler les sociétés d'aujourd'hui, dans des conditions historiques radicalement nouvelles, qui exigent des initiatives et des méthodes nouvelles, selon le message éternel de l'Islam. En aidant ainsi à « se souvenir de Dieu », et de la signification profonde de la vie et de l'histoire, l'Islam peut apporter à un monde qui meurt, non par manque de moyens mais par absence de but, le sens d'une communauté se consacrant à la réalisation du dessein de Dieu.
L'occupant ne se trompait pas sur l'importance de ce travail en profondeur : dès le mois de mars 1940, Cheikh Ibrahimi était exilé en résidence surveillée. C'est dans cette situation qu'il fut élu, à la mort de Cheikh Ben Badis, Président de  l'Association des Oulémas. Libéré au début de 1943, il crée, en une seule année, soixante-treize médersas dans les villes et les villages, et quatre cents au cours des années suivantes. Arrêté après les massacres perpétrés en 1945 par l'occupant, Cheikh Ibrahimi se remit, dès sa libération, à sa tâche éducative.

Roger Garaudy
Extrait de « Biographie du XXème siècle », Editions Tougui, 1985.

19 février 2011

Le vent d'est l'emporte sur le vent d'ouest (Alain Badiou)

Tunisie, Egypte : quand un vent d'est balaie l'arrogance de l'Occident
  
Le vent d'est l'emporte sur le vent d'ouest. Jusqu'à quand l'Occident désœuvré et crépusculaire, la "communauté internationale" de ceux qui se croient encore les maîtres du monde, continueront-ils à donner des leçons de bonne gestion et de bonne conduite à la terre entière ? N'est-il pas risible de voir quelques intellectuels de service, soldats en déroute du capitalo-parlementarisme qui nous tient lieu de paradis mité, faire don de leur personne aux magnifiques peuples tunisiens et égyptiens, afin d'apprendre à ces peuples sauvages le b.a.ba de la "démocratie" ? Quelle affligeante persistance de l'arrogance coloniale ! Dans la situation de misère politique qui est la nôtre depuis trois décennies, n'est-il pas évident que c'est nous qui avons tout à apprendre des soulèvement populaires du moment ? Ne devons-nous pas de toute urgence étudier de très près tout ce qui, là-bas, a rendu possible le renversement par l'action collective de gouvernements oligarchiques, corrompus, et en outre – et peut-être surtout – en situation de vassalité humiliante par rapport aux Etats occcidentaux ?
Oui, nous devons être les écoliers de ces mouvements, et non leurs stupides professeurs. Car ils rendent vie, dans le génie propre de leurs inventions, à quelques principes de la politique dont on cherche depuis bien longtemps à nous convaincre qu'ils sont désuets. Et tout particulièrement à ce principe que Marat ne cessait de rappeler : quand il s'agit de liberté, d'égalité, d'émancipation, nous devons tout aux émeutes populaires.
On a raison de se révolter. De même qu'à la politique, nos Etats et ceux qui s'en prévalent (partis, syndicats et intellectuels serviles) préfèrent la gestion, de même à la révolte, ils préfèrent la revendication, et à toute rupture la "transition ordonnée". Ce que les peuples égyptiens et tunisiens nous rappellent, c'est que la seule action qui soit à la mesure d'un sentiment partagé d'occupation scandaleuse du pouvoir d'Etat est le levée en masse. Et que dans ce cas, le seul mot d'ordre qui puisse fédérer les composantes disparates de la foule est : "toi qui est là, va-t'en." L'importance exceptionnelle de la révolte, dans ce cas, sa puissance critique, est que le mot d'ordre répété par des millions de gens donne la mesure de ce que sera, indubitable, irreversible, la première victoire : la fuite de l'homme ainsi désigné. Et quoi qu'il se passe ensuite, ce triomphe, illégal par nature, de l'action populaire, aura été pour toujours victorieux. Or, qu'une révolte contre le pouvoir d'Etat puisse être absolument victorieuse est un enseignement de portée universelle. Cette victoire indique toujours l'horizon sur lequel se détache toute action collective soustraite à l'autorité de la loi, celui que Marx a nommé "le dépérissement de l'Etat".
A savoir qu'un jour, librement associés dans le déploiement de la puissance créatrice qui est la leur, les peuples pourront se passer de la funèbre coercition étatique. C'est bien pour cela, pour cette idée ultime, que dans le monde entier une révolte jetant à bas une autorité installée déclenche un enthousiasme sans bornes.
Une étincelle peut mettre le feu à la plaine. Tout commence par le suicide par le feu d'un homme réduit au chômage, à qui on veut interdire le misérable commerce qui lui permet de survivre, et qu'une femme-flic gifle pour lui faire comprendre ce qui dans ce bas monde est réel. Ce geste s'élargit en quelques jours, quelques semaines, jusqu'à des millions de gens qui crient leur joie sur une place lointaine et au départ en catastrophe de puissants potentats. D'où vient cette expansion fabuleuse ? La propagation d'une épidémie de liberté ? Non. Comme le dit poétiquement Jean-Marie Gleize, "un mouvement révolutionnaire ne se répand pas par contamination. Mais par résonance. Quelque chose qui se constitue ici résonne avec l'onde de choc émise par quelque chose qui s'est constitué là-bas". Cette résonance, nommons-là "événement". L'événement est la brusque création, non d'une nouvelle réalité, mais d'une myriade de nouvelles possibilités.
Aucune d'entre elles n'est la répétition de ce qui est déjà connu. C'est pourquoi il est obscurantiste de dire "ce mouvement réclame la démocratie" (sous-entendu, celle dont nous jouissons en Occident), ou "ce mouvement réclame une amélioration sociale" (sous-entendu, la prospérité moyenne du petit-bourgeois de chez nous). Parti de presque rien, résonant partout, le soulèvement populaire crée pour le monde entier des possibilités inconnues. Le mot "démocratie" n'est pratiquement pas prononcé en Egypte. On y parle de "nouvelle Egypte", de "vrai peuple égyptien", d'assemblée constituante, de changement absolu d'existence, de possibilités inouïes et antérieurement inconnues. Il s'agit de la nouvelle plaine qui viendra là où n'est plus celle à laquelle l'étincelle du soulèvement a finalement mis le feu. Elle se tient, cette plaine à venir, entre la déclaration d'un renversement des forces et celle d'une prise en main de tâches neuves. Entre ce qu'a dit un jeune tunisien : "Nous, fils d'ouvriers et de paysans, sommes plus forts que les criminels" ; et ce qu'a dit un jeune égyptien : "A partir d'aujourd'hui, 25 janvier, je prends en main les affaires de mon pays."
Le peuple, le peuple seul, est le créateur de l'histoire universelle. Il est très étonnant que dans notre Occident, les gouvernements et les média considèrent que les révoltés d'une place du Caire soient "le peuple égyptien". Comment cela ? Le peuple, le seul peuple raisonnable et légal, pour ces gens, n'est-il pas d'ordinaire réduit, soit à la majorité d'un sondage, soit à celle d'une élection ? Comment se fait-il que soudain, des centaines de milliers de révoltés soient représentatifs d'un peuple de quatre-vingt millions de gens ? C'est une leçon à ne pas oublier, que nous n'oublierons pas.
Passé un certain seuil de détermination, d'obstination et de courage, le peuple peut en effet concentrer son existence sur une place, une avenue, quelques usines, une université… C'est que le monde entier sera témoin de ce courage, et surtout des stupéfiantes créations qui l'accompagnent. Ces créations vaudront preuve qu'un peuple se tient là. Comme l'a dit fortement un manifestant égyptien : "avant je regardais la télévision, maintenant c'est la télévision qui me regarde."

RÉSOUDRE DES PROBLÈMES SANS L'AIDE DE L'ETAT
Dans la foulée d'un événement, le peuple se compose de ceux qui savent résoudre les problèmes que l'événement leur pose. Ainsi de l'occupation d'une place : nourriture, couchage, garde, banderoles, prières, combats défensifs, de telle sorte que le lieu où tout se passe, le lieu qui fait symbole, soit gardé à son peuple, à tout prix. Problèmes qui, à échelle de centaines de milliers de gens venus de partout, paraissent insolubles, et d'autant plus que, sur cette place, l'Etat a disparu. Résoudre sans l'aide de l'Etat des problèmes insolubles, c'est cela, le destin d'un événement. Et c'est ce qui fait qu'un peuple, soudain, et pour un temps indéterminé, existe, là où il a décidé de se rassembler.
Sans mouvement communiste, pas de communisme. Le soulèvement populaire dont nous parlons est manifestement sans parti, sans organisation hégémonique, sans dirigeant reconnu. Il sera toujours temps de mesurer si cette caractéristique est une force ou une faiblesse. C'est en tout cas ce qui fait qu'il a, sous une forme très pure, sans doute la plus pure depuis la Commune de Paris, tous les traits de ce qu'il faut appeler un communisme de mouvement. "Communisme" veut dire ici : création en commun du destin collectif. Ce "commun" a deux traits particuliers. D'abord, il est générique, représentant, en un lieu, de l'humanité toute entière. Dans ce lieu, il y a toutes les sortes de gens dont un peuple se compose, toute parole est entendue, toute proposition examinée, toute difficulté traitée pour ce qu'elle est. Ensuite, il surmonte toutes les grandes contradictions dont l'Etat prétend que lui seul peut les gérer sans jamais les dépasser : entre intellectuels et manuels, entre hommes et femmes, entre pauvres et riches, entre musulmans et coptes, entre gens de la province et gens de la capitale…
Des milliers de possibilités neuves, concernant ces contradictions, surgissent à tout instant, auxquelles l'Etat – tout Etat – est entièrement aveugle. On voit des jeune femmes médecin venues de province soigner les blessés dormir au milieu d'un cercle de farouches jeunes hommes, et elles sont plus tranquilles qu'elles ne le furent jamais, elles savent que nul ne touchera un bout de leurs cheveux. On voit aussi bien une organisation d'ingénieurs s'adresser aux jeunes banlieusards pour les supplier de tenir la place, de protéger le mouvement par leur énergie au combat. On voit encore un rang de chrétiens faire le guet, debouts, pour veiller sur les musulmans courbés dans leur prière. On voit les commerçants nourrir les chômeurs et les pauvres. On voit chacun parler à ses voisins inconnus. On lit mille pancartes où la vie de chacun se mêle sans hiatus à la grande Histoire de tous. L'ensemble de ces situations, de ces inventions, constituent le communisme de mouvement. Voici deux siècles que le problème politique unique est celui-ci : comment établir dans la durée les inventions du communisme de mouvement ? Et l'unique énoncé réactionnaire demeure : "cela est impossible, voire nuisible. Confions-nous à l'Etat". Gloire aux peuples tunisiens et égyptiens qui nous rappellent au vrai et unique devoir politique : face à l'Etat, la fidélité organisée au communisme de mouvement.
Nous ne voulons pas la guerre, mais nous n'en avons pas peur. On a partout parlé du calme pacifique des manifestations gigantesques, et on a lié ce calme à l'idéal de démocratie élective qu'on prêtait au mouvement. Constatons cependant qu'il y a eu des morts par centaines, et qu'il y en a encore chaque jour. Dans bien des cas, ces morts ont été des combattants et des martyrs de l'initiative, puis de la protection du mouvement lui-même. Les lieux politiques et symboliques du soulèvement ont dû être gardés au prix de combats féroces contre les miliciens et les polices des régimes menacés. Et là, qui a payé de sa personne, sinon les jeunes issus des populations les plus pauvres ? Que les "classes moyennes", dont notre inespérée Michèle Alliot-Marie a dit que l'aboutissement démocratique de la séquence en cours dépendait d'elles et d'elles seules, se souviennent qu'au moment crucial, la durée du soulèvement n'a été garantie que par l'engagement sans restriction de détachements populaires. La violence défensive est inévitable. Elle se poursuit du reste, dans des conditions difficiles, en Tunisie, après qu'on ait renvoyé à leur misère les jeunes activistes provinciaux.
Peut-on sérieusement penser que ces innombrables initiatives et ces sacrifices cruels n'ont pour but fondamental que de conduire les gens à "choisir" entre Souleiman et El Baradei, comme chez nous on se résigne piteusement à arbitrer entre MM. Sarkozy et Strauss-Kahn ? Telle serait l'unique leçon de ce splendide épisode ?
Non, mille fois non ! Les peuples tunisiens et égyptiens nous disent : se soulever, construire le lieu public du communisme de mouvement, le défendre par tous les moyens en y inventant les étapes successives de l'action, tel est le réel de la politique populaire d'émancipation. Il n'y a certes pas que les Etats des pays arabes qui soient anti-populaires et, sur le fond, élections ou pas, illégitimes. Quel qu'en soit le devenir, les soulèvements tunisiens et égyptiens ont une signification universelle. Ils prescrivent des possibilités neuves dont la valeur est internationale.

Alain Badiou, philosophe
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/02/18/tunisie-egypte-quand-un-vent-d-est-balaie-l-arrogance-de-l-occident_1481712_3232.html

Déportés à Djelfa: le témoignage de Fernand Virlojeux

Mercredi 13 décembre 2006, sur le blog consacré à la Résistance dans l'Allier


« Le 1er mars 1941, un gardien vient me dire de me préparer parce que je vais partir. Un convoi d’environ 250 internés est formé. Nous rejoignons le camp de Saint Germain les Belles où nous nous réunissons à un autre convoi d’internés. Les gendarmes nous font monter dans un autre train. Aucun d’entre eux ne veut nous dire où nous partons. Le train nous amène jusqu’à Port-Vendres. Un bateau de transport de moutons, le Djebel Nadar, nous y attend.
« Pour monter à bord, nous passons entre deux rangées de G.M.R. Il nous est toujours impossible de connaître notre destination.
« Nous comprenons, en débarquant le surlendemain à Alger, que notre voyage n’est pas terminé. On nous emmène directement par le train en gare de Blida qui n’est pas le terminus du voyage. Pour le poursuivre, nous sommes entassés dans des wagons à bestiaux (les trop fameux 8 chevaux, 40 hommes). Ce train, tiré par deux machines à cause du relief très accidenté, s’enfonce dans le sud algérien. Finalement, le 4 mars, nous débarquons en gare de Djelfa.
« Là, un fort nous attend. Nos geôliers se sont tellement dépêchés que rien n’est prêt. Les pièces sont vides. Il n’y a rien à manger et nous allons coucher à même le ciment. Comme bienvenue, le commandant nous dit qu’il aura notre peau.
« Peu après arrive un second convoi ; il n’y a plus de place pour les accueillir. Les nouveaux arrivants sont obligés de coucher sous des marabouts de fortune. Les plus valides d’entre nous sont envoyés au sud de la ville pour construire un camp entouré de barbelés. A cette époque de l’année, il ne fait pas bon car il pleut beaucoup. Nous logeons par groupe de six sous les marabouts et comme de bien entendu, nous n’avons pas grand chose à manger. On reçoit peu de courrier, il est contrôlé à Alger et à Djelfa.
« Un jour, nous recevons la visite d’un général et, pour cette visite, nous avons mis en place une délégation pour lui transmettre nos doléances. Quand il voit notre état et rencontre nos délégués, il annonce : « Nous allons vous tirer de là, et là où vous irez, vous serez mieux ! »
« Effectivement, le 19 avril, on nous fait partir pour le sud de l’Oranie. Le départ est donné le vendredi soir, nous voyageons pendant trois jours et ne mangeons que deux fois, le samedi rien, le dimanche midi, nous avons droit à un œuf, deux sardines et un petit morceau de pain. Le dimanche soir, nous retrouvons la gare de Blida. Notre train prend alors la ligne vers le Maroc. A Sidi-Bel-Abbès, où nous faisons un arrêt, nous recevons royalement une demi-assiette de lentilles avec un morceau de pain.
« Puis le train repart. Nous arrivons enfin à une petite gare : « tout le monde descend ! »
« Il est une heure de l’après midi, nous avons faim.
« Deux lieutenants nous attendent sur le quai, mais nous ne sommes pas encore arrivés, notre destination est le camp de Bossuet. Il se trouve à 17 kilomètres de la gare, en pleine montagne (1 500 mètres d’altitude). Nous y arrivons vers 19 heures. Un repas nous est servi, le même que celui des soldats.
« Dans les pièces où nous entrons, nous trouvons des châlits à quatre places. Ils s’avèrent bourrés de punaises, il est impossible de dormir. Dès qu’il fait bon, nous couchons dehors. Notre situation s’est légèrement améliorée.
« Sur les 500 que nous sommes, 480 sont des communistes. Ils sont de toutes les régions de France, de toutes les conditions sociales : des ouvriers, des paysans, des employés, des gens de classe moyenne et beaucoup d’intellectuels.
« A titre d’exemple, sur le groupe de 11 bourbonnais que nous sommes, nous comptons 3 instituteurs : Jacques GUILLAUMIN de Vichy, Pierre VALIGNAT et André SERVANT de Montluçon. Mon chef de chambre est Roger GARAUDY, professeur de philosophie au lycée Lapeyrouse à Albi. Il y a aussi 5 officiers. Ils ne portent pas leurs galons mais arborent toutes les décorations qu’ils ont obtenues durant la première guerre mondiale.
« Nos conditions de vie ne sont pas aussi rudes qu’à Djelfa où sont enfermés les anciens combattants des Brigades internationales et des Espagnols de l’armée républicaine. Il y aura beaucoup de morts parmi eux.
« A Bossuet, nous comptons relativement peu de morts, pourtant nous n’avons rien pour nous soigner. Les malades restent couchés dans la chambre. Nous avons cependant un médecin et un chirurgien parmi les détenus mais, faute de médicaments, ils ne peuvent rien pour les soigner. Le camarade Elie AUGUSTIN (secrétaire de la fédération communiste du Tarn) est très malade, il s’éteint le 16 septembre 1941, le jour de son anniversaire.
« Malade, j’ai la chance, avec deux autres camarades, d’être transféré à l’hôpital d’Oran. Là non plus, pas de médicament pour nous soigner mais nous couchons dans un lit et la nourriture est meilleure, plus abondante.
« Enfin, le 8 novembre 1942, arrive le débarquement allié. Les nouvelles autorités commencent à nous libérer, petit à petit.
« Les premiers dehors sont les 27 députés communistes enfermés à Alger. Ils vont, à leur tour, se démener pour obtenir notre libération. Je quitte Bossuet parmi les derniers, nous sommes en mai 1943.
« Je ne rentre pas tout de suite en France et pour cause : il n’y a pas de communications entre la France occupée par les Allemands et l’Algérie.
« Après un an de travail dans un club d’officiers américains, je m’engage pour la durée de la guerre. Je pense aller me battre en France avec les copains. En fait, ils m’envoient dans un régiment d’artillerie à Tlemcen.
« De là, je pars ensuite à Constantine, dans une section d’infirmiers puis à Sétif : je suis affecté à l’hôpital militaire où je tiens les registres d’entrée.
« Cela dure jusqu’au jour où le commandant de l’hôpital arrive et nous demande de l’informer s’il y a d’anciens détenus politiques en cours de soins : il veut les faire rentrer en France. Je me signale et lui montre mon certificat.
« Je pars ensuite pour Alger où j’arrive le 10 décembre 1944. J’embarque sur le Sidi Brahim le 25 décembre.
« Après trois jours de traversée, je débarque en France et j’arrive chez moi, le 31 décembre, après une absence de près de quatre ans ».
Il est inutile de rappeler que les conditions d’hygiène, avec les mesures répressives quotidiennes, étaient d’un autre siècle ; n’oublions pas de rappeler aussi qu’on a recensé plus de 50 morts à Djelfa.
[1]

[1] Paul CHAUPIN la déportation en Algérie

16 février 2011

The philosophical itinerary of Roger Garaudy

FROM MARXISM TO ISLAM: THE PHILOSOPHICAL ITINERARY OF ROGER GARAUDY


By: Neal Robinson

Yahde 'llahu li-nuri-hi man yasha, "Allah guides to his light whomsoever he wills"(Qur'an 24:35). At the level of secondary causes, however, there are many reasons why a Western intellectual might embrace Islam. In the case of the French Marxist philosopher Roger Garaudy, who was born in 1914 and converted in 1982 when he was 68 years old, the key factors were arguably his conviction that Western society is based on a false understanding of man, and his own life-long quest for transcendence. That is the view which will be taken in the present paper. Nevertheless, other factors undoubtedly played a part. Some of them will be reviewed briefly by way of introduction.
Factors which played a part in Garaudy's conversion

During the Second World War, Garaudy was interned with other Communists and spent nearly three years in prison camps in North Africa. On one occasion, when he was in a camp in Djelfa in southern Algeria, he and his fellow prisoners were saved from summary execution because the Arab guards defied orders to shoot them. He subsequently learned that they owed their lives to the fact that the guards were Ibadi Muslims whose religion forbade them to fire at unarmed men. Their unconditional obedience to a higher authority than their French commandant deeply impressed him and prepared the ground for his conversion over forty years later.
In Garaudy's earliest account of the above-mentioned incident, however, his discovery of the transcendent values of Islam is overshadowed by his recollection of the feeling of elation caused by the group solidarity of the prisoners and their fraternal relations with the guards. He actually describes the whole affair as his first experience of militant action. This leads me to mention a second important factor in his conversion, namely his commitment to revolution. Garaudy returned from the war fired with revolutionary ardour. In 1948, he led the sixty-day miners' strike in Carmaux. In 1962, he visited Cuba at the invitation of President Castro. In 1968, he was vocal in support of the student uprisings in Paris. Inevitably, Islam's power to mobilise the masses in the Iranian revolution of 1979 fascinated and attracted him.
Ayatollah Khomeini dubbed America 'the Great Satan' and was equally outspoken in his opposition to Israel. Garaudy's own intense dislike of the USA dates back to 1966, if not further. In that year he went to Missouri to give a lecture, and the American Legion organised a campaign against him declaring that his presence was 'an insult to God, the flag and our troops in Vietnam. ' I have been unable to find early evidence of his anti-Zionism, but this may be taken as read, because the official line of the Communist Party has always been that the founding of the modern state of Israel was an exercise in Western neo-colonialism. In 1982, together with Fr. Lelong and Pastor Matthiot, Garaudy paid to have a full-page article in the French daily newspaper Le Monde. In the article, which appeared on 17 June, the authors argued that the recent massacres in the Lebanon, far from being an unfortunate mistake, were consistent with the internal logic of political Zionism. As a result of this, Garaudy received several anonymous death threats and was widely ostracised. A fortnight later, he converted to Islam. Although he had been contemplating doing so for some time, we may surmise that the support that he received from Muslims who endorsed his criticism of Israel gave him additional impetus.
Garaudy's fellow contributors to Le Monde were a Catholic priest and a Protestant clergyman. In the 1960s, when he was still a member of the Communist party, he had been active in Marxist-Christian dialogue. After his expulsion from the Party in 1970, for stating that Russia was no longer a socialist country, he was increasingly drawn to Christianity, and by 1975 he openly claimed that he was a Christian. However, he was never particularly at ease in that capacity. There were three reasons for this. First, ever since his Communist days, he had held that the Roman Emperor Constantine had adopted Christianity for political ends and that throughout history the high ideals of Christianity had frequently been used by those in power to manipulate the down-trodden and oppressed and keep them in their place. Second, he was highly critical of the Church's attempt to define the person of Christ using the static terminology of Greek philosophy. He argued that the formula adopted by the Council of Nicea in 325, which stated that Christ was 'of one substance with the Father', had been unintelligible to the masses at the time and had given rise to a whole series of 'heresies' whose adherents were brutally persecuted. Third, he realised that although individual Christians might still strive to live out their faith for the good of humanity, institutionalised Christianity was a spent force which had ceased long ago to influence Western economic and social life and relations with the Third World. He was attracted to Islam because it seemed still to have the moral influence which Christianity had lost. Moreover, there was no need for him to revise his opinion of the deleterious effect of the Romanisation of the Church and the hellenisation of its doctrine; for such views have a respectable Muslim pedigree reaching back to Abd al-Jabbar, the eleventh-century cadi of Raiy.

This brings me to the final point which I wish to mention in connection with Garaudy's conversion: his conviction that Western civilisation has reached an impasse from which neither Communism nor Christianity can provide an escape route. The suicidal myth of Western-style progress and Western-style growth has led to the proliferation of weapons of mass destruction; the ever-increasing gulf between rich and poor; and the ruthless exploitation of the world's mineral resources. In 1979, Garaudy wrote Appel au vivants ('Summons to the Living') in which he argued that there was still time to find a solution to these problems by listening to the age-old wisdom of non-Europeans and how they perceived their relationship with nature, other people and God. This was followed in 1981 by L'Islam habite notre avenir ('Islam inhabits our future'), in which he argued persuasively that Islam is a living force with a vital contribution to make to tomorrow's world. He identified that contribution as 'transcendence and community', two essential dimensions which Western man has lost because of the exaltation of individualism. Four years later, in Biographie du XXème siècle ('Biography of the 20th Century'), he defined transcendence as recognition of man's dependence in relation to God the creator, and thus of absolute values.
The philosophical itinerary which led him to this belief, and the meaning which he attached to the words 'God the creator' are the subject of the rest of the paper.
The West's false view of man and its consequences

Garaudy maintains that the root cause of the present global crisis is a false view of man which has dominated Western thought since the sixteenth century, and which may in part be traced back even further. The seeds were sown in ancient Greece when Plato instituted a radical dualism between body and soul, and the sensory and the intelligible. However, a decisive threshold was crossed with Galileo. In Galileo's conception of the world, mathematics constituted the veritable 'being in itself' of nature. As a result, the relation between the sensory and the rational became a mystery, for the mathematical model of the world is in fact an impoverished one produced by eliminating both the sensory qualities of the known object and the initiative of the knowing subject. Slightly later, in France, Descartes formulated his celebrated dictum, Cogito ergo sum - 'I think therefore I am'. Garaudy maintains that Descartes's highly individualistic philosophy underlies modern Western culture and has led to man's progressive alienation from nature and to the fragmentation of society.

Garaudy does not, of course, deny the legitimacy of man's scientific and technological quest. He holds that Galileo and Descartes were right to stress the importance of observation and analysis, and to break with the tradition of explaining everything in terms of divine intentions. However, it was a short step from this to something even worse than individualism, namely positivism: the dogmatic a priori exclusion of transcendence. As a result science and technology have become ends in themselves rather than means to an end, and man and his environment have become subservient to their autonomous development. It is as if our civilisation were based on the implicit postulate that everything which is technically and scientifically possible is necessary and desirable.
Garaudy holds that the influence of positivism is even more insidious in the realm of economics. In the eighteenth century the links between economics and ethics were severed, and in the nineteenth it came to be regarded as a pure science like mechanics or physics. Hence the relationships between human beings and societies were assimilated to those between things, and were held like them to be governed by necessity. This resulted in economic growth coming to be viewed as an end in itself divorced from all reflection on the meaning and purpose of life.
Individualism and positivism are not the only causes of the global crisis; what Garaudy calls 'Eurocentrism' has also played a major part, although the world is now dominated more by the USA, Europe's offspring, than by Europe itself. The scientific Renaissance of the sixteenth century saw the birth not only of capitalism but also of colonialism. Fired by the Eurocentrist myth - the belief that the Renaissance built directly on the foundations laid by the ancient Greeks, and that Europe was the sole centre of historical initiative and the sole creator of values - Europeans colonised the world in the conviction that they possessed the only true culture, the only universal religion, and the only model of development; and they destroyed other peoples and their cultures in the process.
Garaudy's critique of Descartes
 
If, as Garaudy alleges, modern individualism, positivism and Eurocentrism are all descendants of Cartesian rationalism, it is vitally important to expose the error in Descartes's position. While he was still a schoolboy, Garaudy drafted an initial response The first certainty is not cogito, I think, but amamus, we love.
Later, as a Communist, he lamented that in fulfilment of Descartes's wish, man had become the 'master and possessor of nature', to such a degree that he was now able to destroy every trace of life on earth. For Garaudy's full-blown critique of Descartes, however, we have to wait until the mid-seventies. It runs as follows. In the first place, he points out that the ego is not present at the beginning of a human life, but only gradually distinguishes itself from a confused mass of people and things. Or, as he later put it Man is not born Robinson Crusoe. He has a father and a mother. He lives in a community, in osmosis with it. The idea of a self-sufficient individual ego is an abstraction.

Regarding the primacy which Descarte gives to thought, Garaudy traces it back to Plato for whom what could not be translated into concepts did not exist. He holds that Descartes pushed this notion to extremes, thereby eliminating love, aesthetic creation and all activity other than technology. As for the word 'therefore', Garaudy asks
What 'logic' can this 'conclusion' call on? What distance is there between my thought and me? Between my love and me? Between my action and me? And if it existed, what thought process could cross it? How can the pieces of this dismembered man be stuck back together: here the soul, there the body; here me, there the others?
Finally, he demands to know what this mysterious human essence or nature which is implied by the words 'I am' actually consists of, and whether we can grasp it like an exterior object and describe it independently of its activity as if it were a machine.
Garaudy's early metaphysical materialism 
 
As a member of the Communist Party, Garaudy was confident that Communism alone would create the real conditions of a society where love will cease to be a hope or a moral law to become the objective law of society in its entirety.
Thus he had found, or thought he had found, 'community'. Nevertheless, his philosophical position initially left far less scope for 'transcendence' than Cartesian rationalism had done. His Paris doctoral thesis on the materialist theory of knowledge was published in 1953. When he wrote it, he was a thorough-going metaphysical materialist. He defended the claim of Lysenko, the Soviet botanist, that acquired characteristics may be inherited; he explained the emergence of consciousness in terms of Pavlovian reflexes; and he toed the orthodox Soviet line that knowledge is a reflection of reality, or in other words, as Lenin put it, that the objective laws of nature are translated more or less exactly into man's head.
From this perspective, religious belief is also a reflection of reality, albeit a distorted one. Garaudy quotes Engels as stating that the first gods were personifications of the forces of nature, and that as religions developed these gods took on a form which was more and more supernatural, until finally, by a process of abstraction or distillation, the number of gods was restricted and the concept of the exclusive God of the monotheistic religions was born. He endorses Engels's theory, modifying it slightly to include the personification of the forces of society in an epoch when man was powerless in relation to the forces which were opposed to him and dominated him, these forces were incomprehensible to him and he lent them a supernatural character.
These forces were first of all those of nature.
Then the forces of society were added to them.
Religious representations are the fantastic and deformed reflection of these forces in the life of men.
There is thus no room for a transcendent Deity who is above the universe and independent of it, for on this reckoning belief in such a being is a delusion, a product of human alienation.
Even in this early stage of his career, however, Garaudy was careful to distinguish Marx's view of alienation from Feuerbach's. According to Feuerbach, men created the gods in their own image and then became subjected to these projections of themselves. For Marx, on the other hand, religious alienation is only one specific example of man's alienation, which begins as soon as he is divested of the fruits of his labour. Transcendence, in the secondary or attenuated sense of surpassing or rising above the human situation, was therefore already of crucial importance for Garaudy, even though he seems not to have employed the word itself in his thesis. He believed that under socialism all forms of alienation would be abolished because, instructed in dialectical materialism and its theory of knowledge, human beings would become conscious of the laws of nature and the laws of social life which have dominated them for millenia. They would thus be able for the first time in human history to make use of these laws in the interests of society. In short, knowledge of necessity brings with it the only freedom which is humanly available, the freedom to transform the world.
Marxism as a philosophy of praxis, and Marxist-Christian dialogue 
 
Garaudy subsequently adopted a more positive attitude towards religion when he became aware of the subtlety of Marx's thought. He discovered that Marx himself, unlike many of his superficial disciples, had never espoused metaphysical materialism. What Marx had advocated was not materialism as opposed to idealism but rather a philosophy of praxis as opposed to a philosophy of being. In the Theses on Feuerbach, Marx criticised earlier materialists for treating the world as an object of intuition rather than as something to be grasped subjectively by concrete human activity. His starting point was man's creative act, the specifically human activity of work which is characterised by the fact that consciousness anticipates reality. Starting with the conditions in which it is born and in accordance with them, it projects its own ends, its projects.
As an advocate of Marxist-Christian dialogue, Garaudy recognised that religion, like every ideology, is a project a means of tearing oneself away from the given situation, of transcending it, of anticipating reality, either to justify the existing order or to protest against it and attempt to transform it.
Hence, there could be no question of rejecting religion as an error pure and simple, as pre-Marxist materialists had done and as he had done, at least implicitly, in his thesis.
On the contrary, Garaudy now argued that Marxist humanism is interested in the questions which men ask about the meaning of their life, death, origins and purpose. Religion's greatness is its need to answer these questions, but its weakness lies in its claim to give definitive and dogmatic answers when they are in fact provisional.
The answers which religions bring to the questions which men pose, by the very fact that they purport to be definitive, that is dogmas, have the character of myth, that is to say knowledge which purports to be timeless whereas it is always linked to historical and social conditions.
Religion is thus a human project but a mystified one, because those who participate in it are unaware of the material conditions out of which it arises. Like Christianity, Marxism seeks to transform the world not merely by re-organising society but by a spiritual metamorphosis which will liberate man. Thus although Marxist criticism rejects the illusory answers of religion, it does not reject the real aspirations to which they are a response. Marxism poses the same questions as Christianity but, because it is a critical philosophy, it does not consider itself authorised to transform the questions into an answer. It does not give in to the temptation to affirm behind the act a being who is its source. The religious project no more proves the existence of God than a person's thirst proves the existence of a spring. Whereas, for the Christian, the infinite is a promise and a presence, for the Marxist it remains an absence and a demand.

Because of the high premium which Garaudy set on transcendence in the sense of surpassing or rising above the human situation, he was already in his Communist days an inveterate opponent of all those brands of materialist philosophy which tend to deny human creativity and subjectivity. For example, although he recognised the legitimacy of structuralism as a scientific method for analysing various aspects of human and social reality, he rejected the claims of Althusser and Foucault that it was a philosophy which could give an exhaustive account of both.
By the same token, he was sympathetic to the attempts of French Catholic thinkers to reintroduce transcendence by implanting it in existence, in history and social life, or in science. Indeed he was a critical admirer of two such thinkers, Maurice Blondel and Teilhard de Chardin, whose works were banned by the Church. Blondel was an emeritus professor at Aix during Garaudy's student days. His key idea, first expressed in Action written in 1893, was that man can only fulfil himself by moving beyond himself, and that God alone can fill the void that man finds within himself and around him. He held that each of man's acts implies a greater project and that we thus arrive eventually at an ultimate project which defines our attitude to the world. Whereas Blondel tried to reintroduce transcendence via existence, the Jesuit palaeontologist De Chardin tried to reintroduce it via science. He maintained that all phenomena including inorganic matter, plants, animals and human beings, are interrelated, and that the universe is evolving towards an 'Omega point' of supreme consciousness at which the Universal and the Personal will culminate simultaneously in each other.
Blondel's thought appealed to Garaudy because, like Marxism, it was a philosophy of praxis rather than a philosophy of being. However, he found De Chardin's ideas even more attractive because De Chardin's holistic view of the universe resembled Engels's, and his 'Omega point' closely corresponded to Marx's definition of Communism as the overcoming of alienation and the creation of a social order where man would be defined by what he was rather than by what he possessed. In Garaudy's opinion, De Chardin's only serious shortcoming was that he dealt with social, economic and political problems as a biologist and failed to analyse them in terms of alienation and the class struggle.
Of course, Blondel and De Chardin ostensibly believed in God, whereas Garaudy spoke of himself as an atheist. However, we should note that one of the reasons why Blondel and De Chardin fell foul of the ecclesiastical authorities was that they were suspected of immanentism, denial that there is a God who is above and independent of the universe. For Christian immanentists, transcendence as a divine attribute and transcendence as a human dimension are closely related because man encounters God by involving himself in the world rather than by renouncing it. Some of them, like the Anglican bishop John Robinson, whose best-seller Honest to God Garaudy read with approval, wrote as if transcendence was no longer an attribute of God
but a dimension of man, a dimension of our experience and our acts, that which there is of the specifically human in man in contrast to that in him which is animal and which is alienated.
It is arguable that Robinson in effect abolished the notion of transcendence as a divine attribute and retained the word 'God' as a convenient label for what he perceived, in the last analysis, to be a purely human phenomenon.
Despite Garaudy's empathy for radical Christian thinkers and activists, and his whole-hearted commitment to Marxist-Christian dialogue, during his Communist days he held that art and poetry offered man a surer means of rising above the human situation than religion. In his work on Marxist aesthetics, he combated the narrowness of 'socialist realism', seeking the point where the act of artistic creation, the act of faith in a socialist future, and political action, coincided. He acknowledged that all works of art are realist in the sense that they refer to a reality exterior to themselves and independent of them, for it is not consciousness which determines life but life which determines consciousness. Nevertheless, in his view, to be a realist is not to imitate the image of the real, but to imitate its activity; it is not to give an exact copy or duplicate of things, events or men, but to participate in the creative act of a world which is in the process of maturing, to discover its inner rhythm.

Thus great works of art, such as Saint-John Perse's poems and Picasso's paintings, help us perceive new dimensions of reality. In each epoch, the work of art functions as a myth. That is to say it is the personalised and concrete expression of the consciousness of what is lacking and what remains to be done. It is not the reflection of an already existing world but the project of a possible order. Hence the artist does not merely interpret the world; he participates in its transformation.

Garaudy's Christian phase: a lapse into Hegelianism? 
 
In 1965, in his classic work on Marxist-Christian dialogue, Garaudy wrote that recent research set the historical Jesus in the tradition of the Hebrew prophets for whom God's transcendence was thought of as a permanent future, a summons and a demand. Jesus continued their eschatological message, but went beyond their protest against Jewish legalism and announced that the times are fulfilled
and that the present is the time of decision. From now on to believe is to be entirely open to the future. Man no longer thinks of himself as a fragment of the city, and beyond that of the cosmic whole: he no longer defines himself as logos but as power of choice, as the ability to be responsible for answering or not answering God's summons by tearing himself away from his past.
In 1968, two years before he was expelled from the Communist Party, he was interviewed by a catholic priest who asked him what significance he attached to Jesus. Garaudy replied that he thought Jesus must have lived in such a way that his whole life signified that every one of us can at each instant begin a new future. The evangelists expressed this good news in the imagery of simple folk who dream that everything is possible: the blind man begins to see, the lame to walk, the hungry are satisfied. Following this through to its logical conclusion, they depicted him announcing by his own resurrection that all limitations had been overcome, even the supreme limitation of death. In view of what was said earlier about Garaudy's approach to aesthetics, we may infer from these two statements that as a Communist he viewed Jesus, and the Christian myths to which he gave rise, as having the same sort of transforming power as great works of art.
Six years earlier, in 1962, Garaudy had published a detailed study of Hegel under the title Dieu est mort ('God is dead'). When he eventually embraced Christianity in 1975, he arguably did so as a Hegelian. In Parole d'homme ('Man's Word'), published in that year, he quoted with approval Hegel's description of Christ as the man in whom the unity of God and man has appeared, who has shown by his death and his history in general the eternal history of the Spirit. He stated that the resurrection is to be grasped by faith: it is neither a historical event nor a scientific fact but something accomplished each day in our creative acts in which we break with routine, complacency and alienation, not as isolated individuals but by our common participation in the only ultimate reality, the reality of human decisions, initiatives and creations. In Appel aux vivants, published in 1979, Garaudy's Christology is even more blatantly Hegelian. He claimed that we cannot know anything about God other than what Jesus' life, teaching, death and resurrection have revealed, and he even spoke of God dying on the cross beneath the face of Jesus Christ. He maintained that Jesus did not reveal a being or a reality which exists already outside us and without us, for God is the power to transform the world: a power of which we are the bearers and for which we are responsible.
Garaudy, Islam and transcendence
 
In his memoirs, Garaudy remarks that conversion is not necessarily a change of faith but a change of the culture in which it is expressed. Although, from the context, he appears to have been thinking of religious conversions in general, the statement is clearly pertinent to an assessment of his own conversion to Islam. In many respects, his views have remained remarkably constant throughout the Communist, Christian and Muslim phases of his life. He has persistently favoured revolution; opposed the USA and Zionism; criticised the Romanisation of the Church and the hellenisation of its doctrine; and attributed the global crisis to the false view of man which has dominated Western thought since the sixteenth century. We are therefore justified in asking whether his conversion to Islam involved a genuine change in his beliefs about God or whether his references to 'God the creator' are simply another way of expressing his faith in humanity's creative power to transform the world.
There is no straightforward answer to this question. To the present writer, it seems undeniable that there are serious tensions in Garaudy's recent thought. Part of the problem lies in the ambiguity of the word 'transcendence'. As a Communist, and later as a radical Christian, Garaudy believed in transcendence in the sense of surpassing or rising above the present human situation, but his Marxist background made it very difficult for him to countenance a transcendent Deity above and independent of the universe. Shortly before his conversion, however, he appears to have become convinced that such a belief was morally necessary and that the Islamic tradition had within it the resources for making it intellectually tenable. His views on this matter as evinced in L'Islam habite notre avenir ('Islam inhabits our future'), Biographie du XXème siècle ('Biography of the 20th Century'), L'Islam en occident: Cordoue, capitale de l'esprit ('Islam in the West: Cordoba, Capital of the Spirit') and Grandeur et décadences de l'Islam ('Greatness and Decadences of Islam'), which were published in 1981, 1985, 1987 and 1996 respectively, are relatively consistent. We will therefore begin with them before examining the position propounded in Les Fossoyeurs ('The Grave-diggers'), which was published in 1992 and which is strikingly different.
Although Garaudy wrote L'Islam habite notre avenir before he officially became a Muslim, many people interpreted it as an eloquent and impassioned defence of Islam. By way of explanation, he said to one admiring reader, 'You can speak with love even of visions of the world which you do not share'. As mentioned earlier, his principal thesis was that Islam has an important contribution to make to the future of the world because it values 'transcendence and community', two vital dimensions which are lacking in contemporary Western society. He observed that the Islamic community serves ends which go beyond it, ends fixed by God; the community transcends the individual and God transcends the community. He was particularly attracted to the basic principles of Islamic economics. Unlike European law which defines property as 'the right to use and abuse', Islam asserts that God alone possesses. Muslims are therefore forbidden either to accumulate wealth or to squander it. Moreover, the institution of zakat, a fixed-percentage charitable tax which is payable annually on both revenue and capital, functions as a form of social security and in theory rules out the possibility of hereditary fortunes.
So much for the moral appeal of belief in God the creator, but is such a belief intellectually viable? Garaudy observes that the Qur'an is God's Word, not his self-revelation. Moreover, in describing the function of the mihrab or prayer niche in a mosque, he writes not only does this niche not shelter any statue or image, but it signifies, by this very absence, the God who is here honoured, a God everywhere present but everywhere invisible. This emptiness is characteristic of the art of Islam. Nothing is reality, if not this emptiness, at the heart of all reality, and first and foremost of the mosque, as of the heart of the believer, the sole but invisible reality.
In view of Garaudy's earlier belief that there is no transcendence other than the future which human beings strive to create, it is easy to understand the attraction for him of a God whose presence is marked by his visible absence. Not that God is wholly absent, for according to the Qur'an everything is a sign, everything is a manifestation of God. There is no reality apart from him. In Garaudy's opinion, the Qur'an, as interpreted by Ibn Arabi, introduces a radically new perspective on the relationship between the real and the unreal: nothing can be seen fully except in God, and God can only be seen fully in the totality of his creation. Moreover this unity is not a matter of being but of praxis. The only incontestable proof of God is our experience of his creative activity within us.
In his subsequent works, Garaudy repeats and clarifies the views which I have just outlined. In Biographie du XXème siècle, he states that to affirm transcendence is to recognise man's dependance on his creator; the absence of any continuity between man and God; and the primacy of absolute norms, not deducible by reason. He reiterates that God's existence is not of the order of being, in the sense that one says of things that they are. He is the source of their being and the act that creates them. He stresses that Islamic thought is, however, invulnerable to pantheism because the act of creation cannot be identified with the totality of what it creates; it is always beyond it, that totality being no more than the provisional trace left by it. In L'Islam en occident, he defends Ibn Arabi against the charge of pantheism in these terms
Pantheism consists in considering God as the additive totality of beings. This is not the case at all for Ibn Arabi: for him, this additive totality is nothing other than the sum total of the illusions born from the limited camera work of individuals. It has no reality in itself. The only real being is God, in his unity and transcendence, in his creative act.
He also insists that it is simplistic to view Ibn Arabi as a Platonist, because for him everything begins with the incessant creative act of God rather than with the static Platonic ideas. Similar notions are found in Grandeur et décadences de l'Islam, the most recent of his works to be considered; it contains nothing to make us suspect that Garaudy has changed his mind on these key issues.
When we recollect Garaudy's earlier attraction to Teilhard de Chardin, it is hardly surprising that as a Muslim he became an ardent champion of Ibn Arabi. Unfortunately, however, we cannot end our examination of his philosophical itinerary at this point, for between L'Islam en occident and Grandeur et décadences de l'Islam he wrote Les Fossoyeurs. In this book he seems to have lapsed temporarily into a Hegelian pantheism of love of the sort which he espoused earlier as a Christian. In a most un-Islamic fashion, he stresses the importance of Jesus' crucifixion for our understanding of God. He argues that whereas the Greeks, Romans and Jews thought of God as an omnipotent king and lawgiver, Jesus reveals God not through power, royalty and commandment but on the contrary in the most impoverished man, born poor and working class, then a wandering preacher, and finally, victim of the powerful, held up to ridicule, and dying by the most ignominious means of execution reserved for slaves, namely crucifixion.
A few pages later, he asserts that Jesus was a man inhabited by the presence of the all, and conscious of not existing except in relation to the all; that it is by his death that he is fully divine; and that his death shows that the omnipotent God of the ancient theisms is dead.
The reasons for this temporary lapse are unclear but Garaudy's memoirs, which were published three years earlier, contain a number of possible clues. When he was on the verge of converting, he had feared losing Jesus' message. He had been deeply anxious lest his fellow-Muslims failed to accept the mystery of love, which he held had become through Jesus the warp and woof of every life. After embracing Islam, he visited many Muslim countries. In Turkey, as he worshipped in the Süleymaniye Mosque, he wondered whether it had not suffered the same fate as Christianity in becoming an impoerial ideology Constantinople, the city where in the time of Constantine Christianity married an empire, might it have had with Suleiman this grandiose and baleful vocation to transform yet again the humble praise of God into a hymn to the power of a sovereign?
In Algeria, at a conference on Islamic thought which took place in 1987, he clashed publicly with a Wahhabi scholar from Qatar, who criticised him for speaking of the role of the love of God in Islam. The scholar insisted that there could be no relationship between God and man other than that of master and slave, and he asked Garaudy about his attitude to the fear of God.
'To fear God is not be afraid of his punishment, it is to fear displeasing him, and that is what is meant by love' This led to a long polemic centring on this infamous dialectic of the stick and the carrot, so dear to all despotisms searching for a religious justification, and which makes every religion which accepts it an 'opium of the people'.
I retorted:
'You are defending a proslavery concept of Islam!'
The following morning, Sheikh Karadawi re-embarked for Qatar.
It is probably these incidents and others like them which triggered the thoughts which Garaudy expressed in Les Fossoyeurs. Judging by Grandeur et décadences de l'Islam, however, he has since reverted to a more orthodox Muslim attitude to divine transcendence and to the role of Jesus, on him be peace.
Notes:
-Garaudy has given us three accounts of this incident: Parole d'Homme (Paris: Laffont, 1975) pp. 15-21; Biographie du XXème siècle (Paris: Tougui, 1985) pp. 277-9; and Mon tour du siècle en solitaire: mémoires (Paris: Laffont, 1989) pp. 64-66.
-See op. cit. 1989 pp. 395-400
-Op. cit. 1975 p. 124. This and all subsequent quotations from Garaudy's works have been translated into English by the author.
-Op. cit. 1975 p. 265.
-De l'anathème au dialogue: un Marxiste s'adresse au concile (Paris: Plon, 1965) p. 92.
-Ibid.
-Op. cit. 1989 p. 339 referring to the views he expressed in 1982 a few months before his conversion to Islam.
-See S. M. Stern, 'Abd al-Jabbar's account of how Christ's religion was falsified by the adoption of Roman customs' Journal of Theological Studies N. S. XIX (1968) pp. 28-185.
_ Appel au vivants (Paris: Seuil, 1979).
-L'Islam habite notre avenir (Paris: Desclée de Brouwer, 1981).
-Ibid. pp. 12 and 33.
-Op. cit. 1985 p. 12.
-Op. cit. 1985 p. 40.
-Op. cit. 1969 p. 22.
-L'Islam en occident: Cordoue, capitale de l'esprit (Paris: L'Harmattan, 1987) p. 242.
-Op. cit. 1981 p. 140.
-Op. cit. 1987 p. 243.
-Ibid. p. 242.
-Op. cit. 1975 pp. 158f.
-Op. cit. 1975 p. 258.
-Perspectives de l'homme (Paris: PUF, 1959) p. 4.
-Op. cit. 1975 pp. 143-5.
-Op. cit. 1992 p. 126.
-Ibid. pp. 144f.
-Op. cit 1965 p. 79.
-La théorie matérialiste de la connaissance (Paris: PUF, 1953).
-Ibid. p. 380.
-Ibid. p. 252.
-Ibid. p. 320.
-Ibid. p. 377.
-Op. cit. 1965 pp. 60ff.
-Ibid. p. 66.
-Ibid.
-Ibid. p. 68.
-Ibid.
-Ibid p. 88.
-Ibid. p. 86.
-Perspectives de l'homme 4th expanded edition (Paris: PUF, 1969) pp. 223-50.
-Ibid. pp.123-222.
-Ibid. p. 195.
-Ibid. pp. 192, 202.
-For example op. cit. 1965 p. 89.
-Op. cit. 1965 p. 30. Robinson's Honest to God (London: SCM, 1963) was translated into French under the more provocative title Dieu sans Dieu - 'God without God'.
-D'un réalisme sans rivages: Picasso, Saint-John Perse, Kafka (Paris: Plon, 1963) p. 244.
-Ibid. p. 250.
-Op. cit. 1975 p. 259.
-Op. cit. 1965 p. 100.
-The statement is reproduced in full in Garaudy op. cit. 1989 pp. 228-30.
-Dieu est mort; étude sur Hegel (Paris: PUF, 1962)
-Op. cit. 1975 p. 243.
-Ibid pp. 244-7.
-Ibid. p. 161.
-Ibid. p. 181.
-Ibid p. 183.
-Op. cit. 1989, p. 228.
-Grandeur et décadences de l'Islam (Paris: Alphabeta & Chama, 1996).
-Les Fossoyeurs (Paris: L'Archipel, 1992).
-Op. cit. 1989 p. 338.
-Op. cit. 1981 pp. 12 & 33.
-Ibid. p. 97.
-Ibid. pp. 87f.
-Ibid. p. 148.
-Ibid. p. 172.
-Ibid. pp. 23f.
-Ibid. p. 146.
-Ibid. p. 164.
-Op. cit. 1985 pp. 272-5.
-Op. cit. 1987 p. 161.
-Ibid. pp. 157f.
-R. Garaudy, Les Fossoyeurs (Paris: L'Archipel, 1992) p. 143.
-Ibid. p. 159.
-Ibid. p. 161.
-Ibid. p. 162.
-Op. cit. 1989 p. 340.
-Ibid. p. 351.
-Op. cit. 1989 p. 372.
-Op. cit. 1989 pp. 389f.