09 septembre 2010

Les impasses du capitalisme

Depuis la Renaisance mais surtout depuis le milieu du XXe siècle, la science occidentale est devenue une merveilleuse puissance qui, mise au service de fins proprement humaines, devrait permettre de donner à chaque homme sur terre toutes les possibilités d'être pleinement un homme.
Malheureusement on aboutit à un divorce entre la science et la sagesse, c'est-à-dire entre l'organisation des moyens et la réflexion sur les fins.
L'absence de finalité humaine de la science transforme celle-ci en une véritable "religion des moyens", fondée sur ce postulat implicite que tout ce qui est techniquement possible est nécessairement souhaitable, et provoque une indifférence radicale à l'égard des effets destructeurs de cette formidable puissance sur la nature et sur les hommes.
Car une offensive d'une telle envergure contre la nature exige une mobilisation telle des forces humaines que la violence contre la nature porte en elle la violence contre les hommes.
Cette science est en fait une négation positiviste de la valeur de toute forme de connaissance qui ne soit pas quantitative et qui ne tende pas à la manipulation des choses (et des hommes assimilés à des choses par les "sciences" dites "humaines").
Elle conduit à une spécialisation trés étroite et au refus de responsabilité de la majorité des spécialistes devenus des technocrates, c'est-à-dire des rouages d'un appareil dont les finalités leur échappent, et à l'intérieur duquel ils ne se posent que la question du "comment", jamais celle du "pourquoi", comme si le fonctionnement de la machine était le but.
Les postulats de la culture faustienne de l'Occident
Ce modèle "faustien" de la civilisation occidentale, depuis la Renaissance, se définit par trois postulats.
Le postulat de la primauté de l'action et du travail comme valeur fondamentale: "C'est en agissant sans relâche que l'homme déploie toute sa grandeur", dit le Faust de Goethe. Toutes les révolutions bourgeoises ont été faustiennes: celle de Cromwell, celle de l'Indépendance américaine, celle de Robespierre. Puritains ou Jacobins ont eu la religion du travail.
Mais dans tout régime capitaliste ce travail est "aliéné", c'est-à-dire que la fixation du but du travail et de ses méthodes, et l'appropriation de son fruit, sont le privilège du propriétaire des moyens de production, et que le travailleur en est exclu.
Le postulat de la primauté de la raison: la raison peut résoudre tous les problèmes, avec ce corollaire: les seuls problèmes réels sont ceux que la science peut résoudre.
Le postulat de la primauté du "mauvais infini", c'est-à-dire de l'infini purement quantitatif. Au nom de ce postulat (relayant celui du "progrès" indéfini), l'on a pu croire à une augmentation sans fin de la croissance et définir la croissance comme une croissance purement quantitative de la production et de la consommation.
Au nom de ce postulat, nos sociétés fonctionnent selon le principe qui était celui des sophistes de la Grèce, ancienne: créer les désirs et les besoins même les plus artificiels et les plus nocifs pour produire ensuite ls moyens de les assouvir.
La civilisation occidentale, fondée sur ces tois postulats, réduit l'homm au travail et à la consommation, l'esprit à l'intelligence, l'infini au quntitatif.
Cette civilisation, la première dans l'histoire qui ne soit fondée sur aucune finalité humaine, transforme la nature en réservoir et en dépotoir, crée dans la société un individualisme de jungle ou un totalitarisme de termitière, mutile l'homme de toute dimesion transcendante.
Du fait de son hégémonie universelle, si elle n'engage pas avec les civilistions non-occidentales un dialogue lui permettant d'établir d'autrs rapports avec la nature, avec les autes hommes, et avec l'avenir et le divin, elle conduira le monde à un suicide planétaire.

Les révolutions de l'Occident
Ces révolutions n'ont pas mis en cause les fondements de cette civilisation ni le modèle de croissance qu'elle implique.
La Révolution française, loin de mettre en cause ce modèle né de la Renaissance, avait pour objet d'assurer sa victoire. Son problème majeur était d'assurer le libre jeu des lois du capitalisme qui a créé ce modèle de croissance et en est inséparable.
Le capitalisme est le système économique et social dans lequel le marché est devenu à tel point dominant que tout, y compris la force de travail de l'homme, y est acheté et vendu. En achetant la force de travail de l'homme, le capitaliste, c'es-à-dire le propriétaire des moyens de production (les locaux et instruments de travail), s'approprie la totalité du produit du travail, alors que ce produit est le résultat de tout le travail antérieur de l'humanité (sciences, techniques, etc.) et du travail manuel et intellectuel des hommes vivants.
Pour permettre le libre jeu des lois du capitalisme, il était nécessaire de mettre les structures politiques de la France en harmonie avec ses structures économiques (dans lesquelles la bourgeoisie détenait les forces d'avenir: la banque, l'industrie, le commerce, alors que la noblesse terrienne, ne détenant que les formes archaïques de l'économie, avait jusque-là en mains les leviers essentiels de l'Etat).
La Révolution française a accompli cette grande tâche et Napoléon l'a conduite à son terme en créant un appareil d'Etat si bien accordé aux exigences du développement de l'économie capitaliste qu'il a subsisté, pour l'essentiel, pendant un siècle et demi.
La Révolution russe s'est intégrée au modèle occidental.
Karl Marx, au XIXe siècle, a offert la seule alternative valable au régime capitaliste fondé sur l'exclusive économie de marché, la concurrence anarchique conduisant à une guerre de tous contre tous et à l'exploitation du travail par les propriétaires des moyens de production.
Il a défini le socialisme par ses fins: créer les conditions économiques, politiques, culturelles, pour que chaque homme qui porte en lui le génie de Mozart puisse devenir Mozart.
Il l'a défini par ses moyens: mettre fin à la propriété privée des moyens de production.
Mais ceux qui, un siècle après, se réclament de lui, faisant leur le modèle capitaliste de croissance, n'ont pas compris qu'un socialisme réel (défini par ses fins) n'est pas possible à l'intérieur de ce système de croissance qui est la loi du capitalisme lui-même.
Ils ont défini le socialisme seulement par ses moyens sans voir que la socialisation des moyens de production ne mettait pas fin à l'aliénation si elle ne s'accompagnait pas d'une socialisation des décisions (y compris des décisions sur les fins).
Enfin, en d'autres continents et d'autres civilisations, non-occidentales, d'autres révolutions, en Asie et en Afrique, ou d'autres mouvements révolutionnaires (par exemple ceux qui, en Amérique Latine, ont engendré des "théologies de la libération", et une "pédagogie des opprimés") peuvent aider l'Occident à prendre conscience de ce qu'est une véritable révolution changeant à la fois les institutions et les hommes.
Une révolution est d'abord,pour une société, ce qu'une conversion est pour l'individu: changer le but et le sens de la vie.

Roger Garaudy , Comment l'homme devint humain, Editions J.A,pages 327 à 332
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