08 mars 2024

Le principe transcendance (suite). 11- Penser en grand

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Dans son séminaire, Alain Badiou affirme : «Toute stratégie de la pensée est soutenue par une option ontologique», un postulat quant à l’être. Les options les plus simples, et les plus trompeuses, sont le matérialisme et l’idéalisme. Toutes les stratégies de la pensée permettent d’accéder à une transcendance, mais, en fonction du postulat de départ, la nature et la forme de ces transcendances ne seront pas les mêmes. Par exemple, le matérialisme, en érigeant le primat de la matière sur l’esprit, c’est-à-dire de l’être sur la pensée, prive d’efficience tout postulat, puisque par nature le postulat est issu de l’autonomie de la pensée, quand l’idéalisme, posant le primat de la pensée sur l’être, fait du réel une abstraction.

Kant distingue deux options de pensée : la «dogmatique» pour laquelle «l’être en soi» peut être connu, et l’option «critique» pour laquelle cette connaissance est impossible. Pour Heidegger, il y en a trois : la «poétique» des premiers âges de l’homme avec un être caché mais dont on soupçonne qu’il est, cet âge est révolu ; la «métaphysique» dirigée vers l’être supérieur ; et la «nihiliste» qui clôt la séquence métaphysique par l’irruption de la Mort, l’être comme être pour la mort (le néant).

A la classique opposition matérialisme-idéalisme, que l’on trouve y compris chez Kant ou Heidegger, Badiou substitue trois options plus scientifiques. Dans l’option «constructiviste», l’au-delà de la frontière («l’excès», dit Badiou), peut être nommé par le logos (la raison) et n’existe que s’il est nommé. Dans l’option «générique», l’au-delà de la frontière est erratique, c’est un monde chaotique, peut-être un non-monde. Dans l’option  «transcendante», l’au-delà de la frontière est «suprêmement haut», c’est le monde en grand, c’est le domaine où le  général supplante le particulier.

07 janvier 2024

CE QUE "CESSEZ-LE-FEU" VEUT DIRE A GAZA, EN CISJORDANIE ET AU LIBAN...


Après l'attaque terroriste du 7 octobre du Hamas et de ses alliés, (1300 morts majoritairement civils et enlèvement de 300 otages) soutenue par le Hezbollah et ses alliés, Israël riposte par un véritable génocide de la population de Gaza (plusieurs dizaines de milliers de morts et blessés, déplacement contraint de centaines de milliers de personnes, destruction des infrastructures nécessaires à la vie individuelle et sociale, poursuite et aggravation d'un blocus total) , réclamer un cessez-le-feu est le moins que nous, militants pour la paix par la justice, nous puissions faire.


1/- Définir son BUT. Uniquement humanitaire ou aussi première étape vers des pourparlers de paix ? Dans le second cas chaque partie doit reconnaître aux autres parties leur légitimité. Ce dernier point est sans doute le plus difficile.

2/-Concerne TOUS les protagonistes, qui cessent le feu en même temps. Réclamer le cessez-le-feu d'une seule partie est vain. Le Hamas et ses alliés et le Hezbollah et ses alliés doivent évidemment aussi cesser leur tirs sur Israël en même temps qu'Israël arrête de bombarder Gaza et de terroriser la Cisjordanie occupée.
3/- Si le cessez-le-feu est uniquement humanitaire, si donc les combattants des deux bords demeurent l'arme au pied et prêts à s'en servir, une PROTECTION des populations civiles des deux camps doit être mise en place dès le lendemain de la mise en œuvre du cessez-le-feu, soit sous l'égide de médiateurs reconnus par les parties, soit par les organisations internationales compétentes.
4/- Le cessez-le-feu PEUT prévoir des MODALITÉS différentes de protection selon la zone concernée:
- Contrôles par une commission internationale d'interposition (négociée elle aussi) sur le territoire israélien reconnu et en Cisjordanie palestinienne pour en protéger la population.
- Arrêt du blocus de Gaza pour permettre un retour à une situation sanitaire, matérielle et morale, permettant aux Gazaouis de retrouver progressivement des conditions de vie humaines.
5/- Même si le cessez-le-feu est uniquement humanitaire, il peut aussi prévoir la mise en place d'un processus d'INDEMNISATION et de RECONSTRUCTION dans les zones dévastées.

20 décembre 2023

Le principe transcendance (suite). 10 – L’esthétique, «éthique de l’avenir».

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Le principe Transcendance - Alain RAYNAUD (thebookedition.com)

Poésie et création sont synonymes. La création continuée de l’homme par lui-même est un poème. L’esthétique est l’énoncé du poème.

L’art n’est pas la technique. La technique est immanence. Elle fait l’ouvrier. Maîtrisée au plus haut point elle fait pourtant de l’ouvrier un artiste, alors que tel «artiste» se révèle en réalité piètre ouvrier ! La technique de l’ouvrier n’est d’ailleurs pas simple répétition de procédés et de procédures, de protocoles et de gestes, ni utilisation codifiée d’instruments de conception immuable. Le technicien peut modifier à l’occasion ou durablement tel ou tel élément des techniques qu’il utilise, mais il ne peut le faire qu’à la marge, sans en changer la finalité. L’art ne peut pas se passer de la technique, mais il n’est pas la technique.

L’art n’est pas non plus utile ! La technique est nécessaire à l’artiste comme au technicien, mais le technicien produit un objet qui en principe rend service alors que l’artiste produit du beau, dont nous ne savons pas s’il rend service. Ce que nous savons, c’est que si le beau est disjoint de l’humanité, et l’esthétique du bien, l’art associé à des «utilités» particulières,  immanentes, n’est plus au service d’une vérité universelle.

S’il n’a pas pour fonction l’utile, l’art existe-t-il donc pour lui-même ? Au lyrisme social et politique des romantiques, les poètes réunis autour de la revue «Le Parnasse contemporain», les Parnassiens,  opposent «l’art pour l’art». La plume de Théophile Gautier (notamment dans la préface à «Mademoiselle Maupin» en 1835 et dans «Emaux et camées» en 1852) se fait aristocratique : «L’art pour nous n’est pas un moyen mais le but», «En général, dès qu’une chose devient utile, elle cesse d’être belle», «Il n’est pas bon de plaire… à une foule quelconque»

Vassily Kandinsky leur répond en 1911 que «l’art pour l’art» correspond à des «périodes où l’âme est engourdie par des visions matérialistes, par l’incrédulité, et par les tendances purement utilitaires qui en découlent». Et il précise en note, relevant un caractère malgré tout positif de cette thèse : «Cette opinion est l’un des rares agents de l’idéal en de telles époques. C’est une protestation inconsciente contre le matérialisme qui veut tout réduire à une forme pratique et utilitaire». Ce que Marx voit dans la religion, à la fois expression de la misère réelle et protestation contre cette misère, Kandinsky le voit dans la théorie de l’art pour l’art, expression de la misère de l’âme humaine et protestation contre cette misère. 

L’art, enfin, n’est pas reflet, reproduction, imitation, ni explication du réel.

Dans «Henri Matisse, roman», Aragon fait écho au jugement du peintre sur la Renaissance artistique du XVe au début du XVIIe siècle : «Il y a de la suspicion chez Matisse devant les gens de la Renaissance, Michel Ange, Vinci… Ces gens qui disséquaient en cachette, ces démonteurs d’anatomie. Que ça préoccupait non pas de surprendre la main en mouvement, mais de savoir comment étaient les petits os dedans, les gaines, les tendons»
Cette décadence scientiste de l’art est l’expression des marqueurs de la Renaissance que sont la naissance du capitalisme individualiste et du colonialisme destructeur des altérités, dont la restauration du dualisme philosophique de Platon et la réforme religieuse de Luther et de Calvin sont les paravents idéologiques. Le meilleur exemple de cette décadence est Léonard de Vinci plus anatomiste, technicien ou inventeur que peintre, n’en déplaise à Mona Lisa émergeant avec un énigmatique sourire du sfumato inventé par son créateur. Pour Michel Ange le summum de la beauté est la forme humaine. Raphaël a, au plus haut point selon les spécialistes, l’art de faire disparaître son art derrière la nature.

23 octobre 2023

 SUR CALAMEO, NOMBREUX TEXTES INÉDITS DE ROGER GARAUDY :
 Calaméo - Chercher (calameo.com)

Le principe Transcendance (suite). 9/ La chose publique, par AR

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«Une révolution véritable a plus besoin de transcendance que de
déterminisme
». Roger Garaudy

Au sens premier, la politique est l’art de gouverner la cité, et par extension à l’époque moderne la nation. A l’époque contemporaine cet art concerne également le groupement de nations, voire la totalité des nations de la planète. Si cet art est le fait d’une personne unique, la cité n’est pas à proprement parler un Etat, encore moins une Nation, mais la propriété personnelle du chef. Lorsque des institutions se constituent, définissant un espace commun à tous les membres de la cité et le mode de fonctionnement de cet espace, la chose politique devient publique, c’est la res publica de l’Etat-Nation. Le terme «République», né plus tard que «res publica», a un sens plus restreint : il signifie «démocratie», pouvoir exercé par le  peuple de la cité. A l’ère des ensembles continentaux et de la «mondialisation», la démocratie occidentale, essentiellement électorale, présidentielle ou parlementaire, est souvent, de fait, l’habit de la domination du capital.